“La nuit des enfants qui dansent”, Franck Pavloff

Temps de lecture : 3 min CHRONIQUE
Homme engagé, Franck Pavloff revient avec un roman qui claque à la conscience et fait vibrer l’émotion à l’image de cette sangle élastique tendue sous les étoiles, ondulante sous le poids du funambule, que l’on appelle « slack ». Dans « La nuit des enfants qui dansent », Zâl est un jeune slackeur solitaire qui méprise le danger, convaincu d’être protégé par le Simorg, l’oiseau roi de la tradition persane. Ne voulant plus rien connaître de son enfance sans mère, il vit enfermé dans un futur censé lui apporter l’Illumination. Andras est un homme éprouvé, hanté par une mémoire martyrisée par des années de nazisme et des décennies de communisme qui ont endeuillé sa vie jusqu’à cet exil qui l’a privé de sa mère patrie. Ces deux orphelins que tout oppose vont s’apprivoiser lors d’un voyage initiatique entre Salzbourg et Budapest. La nécessité de ces deux êtres au cœur cabossé à se réconcilier avec leur mémoire va émerger entre colères et concessions, jusqu’à la délivrance de leur capacité d’aimer.

“La fille à la voiture rouge”, Philippe Vilain

Temps de lecture : 3 min CHRONIQUE
Fidèle à son rythme d’alternance roman/essai, après “La littérature sans idéal”, Philippe Vilain revient en cette rentrée littéraire avec “La fille à la voiture rouge”. Ce récit relate une relation amoureuse singulière, qui se construit sur un énorme mensonge. Un mensonge si improbable que la fiction n’aurait osé l’inventer. Mais voilà, ce mensonge-là, qui flirte avec la démesure, est vrai ! Tout le talent de l’auteur est de nous le rendre réel et crédible. Pour y parvenir, il décrypte avec nuance les plus infimes ressorts de cet amour, intense et mortifère, qui a dévié des sentiers balisés. Son narrateur veut comprendre comment il en est arrivé à avaler une couleuvre aussi voyante, lui l’écrivain fin observateur, l’analyste rigoureux des sentiments, le maître ès amour sans engagement. Les réponses ne sont jamais bien loin de l’enfance et de ses blessures.

“Le Parlement des cigognes”, Valère Staraselski

Temps de lecture : 3 min CHRONIQUE
Le 27 mai 2018, Valère Staraselski s’est vu remettre le prix de la Licra 2018 pour ce petit bijou Le Parlement des cigognes, un récit court et puissant qui ravive par réaction un souffle vital jusqu’au tréfonds de l’âme. L’auteur connaît la valeur des mots simples qu’il appose comme un baume sur une plaie de l’Histoire, mais qu’il sait temporaire face à une cicatrisation utopique. On ne guérit pas de la Shoah, on se relève et on essaye de vivre pour transmettre… si on y parvient. “Le Parlement des cigognes” est le témoignage d’un vieil homme qui a échappé au camp de concentration de Plaszow, à Cracovie, en Pologne, mais pas au ghetto. Dans l’Europe de l’Est, la haine des Juifs a généré massacres en règle et persécutions pendant la guerre… et même peu après la victoire des Alliés sur les nazis.

“Les Affranchis”, Jean Monville

Temps de lecture : 2 min CHRONIQUE
Une fois à la retraite, l’ex-président de SPIE (*) Jean Monville écrit l’histoire de son entreprise, puis « Puzzle », un roman qui relate des tranches de vies qui se croisent. Dans la même lignée, “Les Affranchis” est une chronique qui raconte l’histoire de trois amis d’enfance. En convoquant leurs souvenirs, Édouard, Henri et Jean-Charles vont raviver un réel révolu mais qui va ressurgir avec plus d’acuité. À la fin de leurs études d’ingénieur, ces hommes qui rêvaient de réussite professionnelle se sont affranchis d’une vie conventionnelle. Refusant toute attache, ils préféraient l’aventure et les grands espaces à une vie amoureuse et familiale routinière. Ils y gagneront des émotions fortes, des amours trahies et des regrets secrets. À l’image du film de Marc Esposito, « Le cœur des hommes », le roman de Jean Monville guide le lecteur avec justesse jusqu’au cœur de ces hommes qui s’interrogent et se livrent en toute honnêteté sur la façon dont ils ont vécu les événements marquants de leur vie, leur rapport aux femmes et leurs erreurs.

“Illégitime”, Patrick Vilbert

Temps de lecture : 2 min CHRONIQUE
“Illégitime” est le sursaut libérateur d’un homme qui a tardé à parcourir le chemin de sa reconnaissance. L’auteur, Patrick Vilbert, est avocat au barreau de Paris, spécialiste en droit de la propriété intellectuelle et conseil de producteurs et d’artistes. Un métier à la croisée d’un monde artistique dans lequel son père, Henri Rollan, cet inconnu illustre, a brillé. Ce comédien au théâtre et au cinéma avait l’âge d’être son grand-père quand il l’a conçu une nuit de Noël avec Suzanne, aussi comédienne. Puis l’a oublié, happé par ses rôles et ses succès. Ce livre magnifique, puissant, délicat, décrit le chemin intérieur d’un fils essayant de dessiner les traits d’un homme, à défaut d’un père, derrière le comédien. Cet acte symbolique vient apposer un baume non pas sur son illégitimité administrative, mais sur ce sentiment paradoxal d’illégitimité vécu de l’intérieur qui l’a poussé longtemps à nier tout héritage : son histoire.

“Meurtres en haut lieu”, Hubert Letiers

Temps de lecture : 2 min CHRONIQUE
La jeune maison d’édition ReadMyBook frappe juste avec son premier thriller “Meutres en haut lieu”, d’Hubert Letiers. Ce roman policier plonge le lecteur dans les arcanes du pouvoir et de ses abus. EOS, un justicier informatique, entend faire un ménage anticorruption radical dans les hautes sphères de l’État. Il a dans son viseur pas moins de trente-deux personnages publics dont il a prédit la mort dans un manuscrit. Pour nous raconter l’enquête, Hubert Letiers brise les codes et en réinvente d’autres, façon 3.0. Il donne le pouvoir absolu au tueur en série, un don d’ubiquité informatique qui lui permet de mener le jeu, d’inciter celui de ses adversaires, de parer tous leurs mauvais coups et de leur infliger un “échec et mat” retentissant… et définitif. Un récit original dans sa conception, avec un style narratif direct et nerveux, qui sait susciter la curiosité et maintenir la tension. Une réussite de bout en bout, jusqu’à une fin qu’on aimerait temporaire.

“La sœur du Roi”, Alexandra de Broca

La sœur du roi roman historique Alexandra de Broca

Temps de lecture : 3 min CHRONIQUE
Avec “La sœur du Roi”, Alexandra de Broca continue de faire fructifier avec bonheur le terreau de l’Ancien régime, sa période de prédilection. Après deux romans (*), l’un sur Marie-Thérèse de France, la fille de Marie-Antoinette et du roi Louis XVI, et l’autre sur la vie de la princesse de Lamballe, l’amie fidèle de la reine de France Marie-Antoinette, l’historienne ravive aujourd’hui, sous une plume royalement inspirée, la vie de Madame Élisabeth, la plus jeune sœur de Louis XVI. Attendrie par la personnalité complexe de son sujet, l’auteure revient sur la période troublée de la Révolution française avec une biographie documentée, qu’elle agrémente d’une histoire d’amour platonique intense à l’avenir incertain. Elle nous livre deux vies, l’une réelle et l’autre inventée, qui cheminent en parallèle dans de courts chapitres jusqu’à la rencontre fortuite qui embrasera des cœurs trop entiers pour fuir un destin capricieux.

“Quatre saisons avec Roberto Alagna”, Jacqueline Dauxois

Temps de lecture : 3 min CHRONIQUE
Quatre saisons en dix-huit mois. Quatre saisons entre rêve et labeur pour l’auteure Jacqueline Dauxois. Quatre saisons pour observer et partager la vie trépidante du célèbre ténor français contemporain sans aucun doute le plus adulé, Roberto Alagna. Avec “Quatre saisons avec Roberto Alagna”, la journaliste littéraire à la trentaine d’ouvrages à son actif ne nous propose pas une biographie ordinaire, mais un reportage sur le vif, documenté et vivant. Pendant dix-huit mois, de 2014 à 2016, l’ordi sous le bras, elle a accompagné le ténor dans les coulisses, les loges, les studios et les scènes des plus grands Opéras du monde. Elle nous donne à entendre un homme passionné et passionnant, une tornade chantante menant une vie à l’agenda étranglé, entre New York et Vienne, entre Milan et Paris, entre Berlin et Bilbao. Elle l’interroge sur sa conception du métier et le regarde travailler jusqu’à l’extrême fatigue pour placer la note parfaite, cherchant à percer le mystère de cette forte nature qui comprend si bien les œuvres qu’il redonne vie à ses héros. Une vie hors norme, relatée d’une plume nerveuse, tantôt lyrique tantôt journalistique. L’écriture est directe, parfois parlée, ce qui déstabilise au premier abord, mais veut souligner le caractère exceptionnel de cette proximité.

« Moïse d’Égypte – L’Enfant des trois Livres », Nathalie Beaux

Temps de lecture : 3 min CHRONIQUE
De la vie de Moïse, que peut-on savoir de plus ? À l’évocation de ce prophète, je revois se dérouler devant mes yeux d’enfant ébahis un film culte, “Les Dix Commandements”, réalisé par Cecil B. DeMille en 1956. Le livre de Nathalie Beaux, “Moïse d’Égypte – L’Enfant des trois Livres”, non seulement ressuscite ce souffle épique et romanesque de mes souvenirs, mais restitue au personnage biblique une dimension d’homme à plusieurs stades de sa vie. Et, ô miracle !, elle parvient dans sa fiction romanesque à nous détacher de l’image entêtante de Charlton Heston pour cheminer vers un Moïse vierge de toutes projections. Pour dépeindre ce Moïse dépouillé, l’auteure égyptologue s’appuie sur les textes fondateurs des trois religions (juive, chrétienne et musulmane), imprégnant ainsi sa plume de la Lumière de l’Histoire. En restituant le verbe juste à cette figure symbolique, elle commet un ouvrage documenté fascinant, poétique et très instructif.

« Surtout ne regardez pas mon jardin », Stéphane Guérin

Temps de lecture : 2 min CHRONIQUE
Stéphane Guérin est parolier, scénariste et l’auteur d’une dizaine de textes de théâtre. Avec “Surtout ne regardez pas mon jardin”, aux éditions Dacres, il donne dans la tragi-comédie shakespearienne à laquelle il insuffle une modernité crue et cruelle, où rire et grincement de dents font bon ménage… ou déménagent. Prenez des personnages du grand dramaturge anglais, conférez-leur des sentiments opposés à ceux de l’œuvre, invitez-les dans une maison de famille qui sera le point de convergence de toutes les folies, placez les intrigues dans le futur… Un futur assez proche pour emporter l’actualité du monde et assez éloigné pour éviter que le lecteur rédige ses dernières volontés sur-le-champ. Et vous obtenez un texte drôle qui tranche net la langue de bois et laisse proliférer les mauvaises langues. Un texte qui ose, sans fard, ni filtre, ni mesure. Un régal sans complexe et sans ponctuation !

« Demain, Territoire de tous les possibles », sous la direction de Michel Levy-Provençal

Temps de lecture : 3 min CHRONIQUE
“Vous ne changez pas les choses en combattant la réalité existante mais en proposant un nouveau modèle qui rend l’ancien obsolète”, écrit Santiago Siri, l’un des trente et un contributeurs à l’ouvrage collectif “Demain, territoire de tous les possibles”, sous la direction de Michel Levy-Provençal. Cette phrase à elle seule résume l’ambition de cet ouvrage : l’homme doit être à la hauteur de la tâche qui l’attend pour éviter de faire de ce monde au futur certain du “tout connecté” dominé par la science un monde incertain où les bonnes innovations finissent par être dévoyées… tôt ou tard. Cette innovation exponentielle, qui n’en est encore qu’aux frémissements aux dires de ces chercheurs en êtres vivants et en algorithmes, ne doit plus être pensée par thématiques séparées mais croisées… Bref, interconnecter les connaissances pour créer cette innovation “au service du bien commun”. Ainsi serons-nous mieux préparés à cette révolution scientifique qui est en marche !

« Le Syndrome de Croyde 2 », Marc Welinski

Daphnis et Chloé Welinski

Temps de lecture : 2 min CHRONIQUE
Le nouveau thriller de Marc Welinski, “Le Syndrome de Croyde 2 – L’état sauvage” n’est pas une suite, mais évoque le même thème puissant de l’instinct de mort. Pour l’auteur, le syndrome de Croyde serait une pathologie psychiatrique qui pousse les êtres normaux à commettre des meurtres spontanés, sans mobile. Si, dans le premier tome, les victimes sont poussées dans le métro, dans celui-ci elles chutent dans le vide, en pleine nature. Qui donc est ce tueur qui trucide au hasard des rencontres dans les hauteurs de la forêt de Chamonville ? Car, évidemment, quand des accidents sont trop nombreux et trop rapprochés dans le temps, la thèse de l’accident est vite jetée aux orties ! De sa plume reconnaissable, Marc Welinski envoûte l’esprit et tient au col le suspense jusqu’à la fin.

« Les Favorites du Renégat », Alain de Savigny

Roman Les favorites du Rénégat

Temps de lecture : 2 min CHRONIQUE
“Faire partie des dirigeants d’une grande nation, ceux qui ont une influence sur la marche d’un empire ou d’un royaume.” C’est ce à quoi a aspiré toute sa vie le Comte de Bonneval. Ce converti à l’islam, par la force du destin et un sens de l’honneur chatouilleux, a laissé nombre traces de ses faits de guerre et de ses trahisons qui ont fait de lui un bel aventurier, autant adulé que haï. Avec “Les favorites du Renégat”, Alain de Savigny porte un regard différent sur ce héros historique. Se refusant à écrire une énième biographie, exacte ou fantasmée, l’auteur raconte la vie de ce héros guerrier au travers du regard de six femmes qui l’ont aimé follement. Une approche certes originale, mais qui donne à celui qui deviendra Ahmed Pacha dans l’Empire ottoman une dimension humaine et humaniste forte. Pour un homme qui n’aura vécu que pour les conquêtes, cet ultime assaut de la vérité venant des alcôves, passionnément divertissant et instructif, lui rend un très bel hommage.

« Le Meilleur Professeur », Daniel Besse

Texte de pièce de théâtre Dacres

Temps de lecture : 2 min CHRONIQUE
Avec “Le Meilleur Professeur”, pièce parue aux éditions Dacres, Daniel Besse nous offre une comédie de mœurs originale, fine et intense. Empruntant au bestiaire ses huit personnages, le dramaturge dresse un état des lieux de l’enseignement sidérant de réalisme et de justesse au travers d’un fait déclencheur : un proviseur doit sélectionner son meilleur professeur pour représenter l’excellence lors d’un “prime time” à la télévision. Cette nouvelle satire sociale entend dénoncer l’ingérence de la communication dont les gouvernements usent et abusent pour promouvoir leur politique. En fait, une jolie façade ornée de mots creux pour redorer le blason d’une belle institution malmenée par des réformes à répétition. Sauf que les premiers à en pâtir sont les élèves sommés d’être exemplaires, quoi qu’il leur en coûte… jusqu’au suicide. Un texte ramassé et explosif.

« Un si petit territoire », Marc Bressant

Temps de lecture : 3 min CHRONIQUE
Estampillé roman, “Un si petit territoire”, de Marc Bressant, aux éditions De Fallois, est bien plus encore. À mi-chemin entre l’essai et la chronique historique, ce petit bijou de plus de quatre cents pages passionne l’érudit en herbe qui sommeille en chacun. C’est un ouvrage résolument moderne, mais qui emprunte au passé ses plus beaux vestiges. Une langue belle, sans fioritures, un rien académique, un ton joliment caustique, un livre tel qu’aurait pu l’écrire un écrivain du siècle visité. L’auteur, diplomate de carrière, élève le territoire de Moresnet au rang de héros autour duquel gravitent des générations d’hommes et de femmes investis et imaginatifs. Tous n’auront qu’un seul but : donner à cette minuscule terre neutre, riche et désolée, un destin surprenant, hors norme, et pourtant historiquement vrai : celui de devenir l’embryon d’un plus grand territoire soudé qu’on appellerait Europe. Et ce rêve qui commence en juin 1816, un an après Waterloo, va prendre corps et âme le lecteur impressionné et touché. Une préfiguration stupéfiante de l’Europe du XXe siècle… vouée à être engloutie par l’Empire allemand en 1914.

« Les amants de Maulnes », Lyliane Mosca

Temps de lecture : 3 min CHRONIQUE
Journaliste culturelle à l’Est éclair, Lyliane Mosca est aussi romancière. Son nouveau roman, Les amants de Maulnes, qui vient de paraître aux éditions Presse de la Cité, fleure bon le terroir. Un genre au terreau généreux qui nourrit de réalisme bucolique les histoires de famille, souvent compliquées et aux secrets toujours enfouis. Les romans de terroir éveillent dans la mémoire des impressions douces et pastel qu’on croyait avoir enterrées et qui ressurgissent tels des geysers aux couleurs vives. L’histoire des Amants de Maulnes fait partie de ces romans qui entend éclairer une région, un village, une famille, des mensonges, avec en toile de fond un château en ruine et une légende. Des personnages s’aiment et s’affrontent, se désolent et vivent avec leur peine bon an mal an jusqu’à ce qu’éclate la vérité… Le récit se noue et se dénoue sur trois générations, l’histoire suscite de la curiosité, l’écriture est agréable. Dommage que le cœur de l’intrigue ne vibre qu’en seconde partie, celle de la dernière génération.

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