« Place aux immortels », Patrice Quélard (Plon)

Temps de lecture : 3 min LITTERATURE
Dans l’univers des prix littéraires vient de naître le Prix du roman de la Gendarmerie nationale qui couronne un roman dans lequel le métier de gendarme occupe une place prépondérante. Pour sa première édition en 2021, le jury a été bien inspiré de récompenser « Place aux immortels », de Patrice Quélard, enseignant et directeur d’une école maternelle. Le récit est aussi passionnant qu’instructif. Aussi divertissant qu’édifiant. Au dialogue alliant délicatesse et humour caustique. L’ennui y est aboli au profit d’un intérêt constant, que la minutie historique n’atténue pas. Bien au contraire. Aspect mal connu, car peu traité, l’auteur nous donne à connaître le fonctionnement de la gendarmerie prévôtale(*) pendant la Première Guerre mondiale et sa place logistique dans le conflit. Haïe des soldats et des officiers, parce que considérée comme des planqués, elle rencontrera bien des difficultés dans l’exercice de ses fonctions courantes entre faire respecter le couvre-feu, rattraper les déserteurs pour les ramener au front, appliquer toutes les directives du gouvernement quasi quotidiennes… jusqu’à prévoir les fosses d’aisance des troupes (et parfois les récurer eux-mêmes). Alors, élucider un crime maquillé en suicide ! Il fallait bien la détermination d’un Breton pour aller à l’encontre des ordres et la rigidité d’une hiérarchie. Léon Cognard entend résoudre l’affaire, quoi qu’il en coûte. En sus des bombes allemandes, il affrontera bien d’autres ennemis de la vérité pour démasquer les coupables. Mais que vaut la vérité d’une mort face à l’hécatombe dans les tranchées ? L’impunité est-elle pour autant acceptable ?

“La Conspiration hongroise”, Philippe Grandcoing, Éditions de Borée

Temps de lecture : 3 min LITTERATURE
L’historien spécialiste des XIXe et XXe siècles a encore frappé, juste et bien, avec son quatrième opus, « La Conspiration hongroise » aux éditions De Borée. Cette fois-ci, Philippe Grangcoing fait vivre à ses deux héros une nouvelle aventure dans ce début 1900 où les complots et les attentats préparent le lit de la Première Guerre mondiale. La force de ce polar tient pour beaucoup de notre connaissance des événements terribles qui s’annoncent, de cette marche inexorable vers la catastrophe. Le conflit mondial flotte donc en toile de fond de l’intrigue dans la France de Clemenceau qui vient de créer les brigades mobiles. L’inspecteur Lerouet y fait ses nouvelles armes. Lorsqu’il doit résoudre l’assassinat d’un inconnu retrouvé poignardé nuitamment en pleine rue, il fait appel à son fidèle ami et antiquaire Hippolyte Salvignac et sa compagne Léopoldine, une artiste peintre aux origines hongroises. Cette origine est capitale, car elle leur ouvrira des portes quand suivront d’autres assassinats d’artistes hongrois. Le trio devra faire montre de courage et d’audace pour démêler l’enquête à la dimension politique et européenne. Philippe Grangcoing signe là encore un livre passionnant qui permet de ressentir les balbutiements de la fin d’une époque, en équilibre précaire sur l’échiquier des grandes puissances européennes.

“Un portrait de trop”, Françoise d’Origny

Temps de lecture : 3 min LITTERATURE
Après « Ces jours qui ne sont plus », une autobiographie sans concession où Françoise d’Origny brossait le portrait d’une vie personnelle et mondaine intense, dans « Un portrait de trop » (Fauves Éditions), l’auteure s’essaye avec conviction à la fiction. Et non des moindres… le roman noir. Mettant à profit sa passion pour la peinture, l’auteure – elle-même artiste-peintre – transpose sa scène de crime dans l’atelier d’un obscur artiste à la recherche de la lumière parfaite, du trait révélateur de l’âme du modèle. Le jour où la discrète épouse de l’industriel fortuné de FluxiNova se présente pour se faire exécuter le portrait, sa vie s’en voit à jamais bouleversée. Elle en mourra, le visage figé dans une expression d’effroi. Qu’a vu Josiane Tercheneau de si horrible ? C’est ce qu’entend découvrir le commissaire Joubert chargé de l’enquête, qu’il pressent complexe. Comment ne pas rester perplexe à la découverte d’un corps crispé, dont le regard s’accroche à un chevalet désespérément vide ? Mais où est passé Vanel, le peintre ? Son absence signerait-elle sa culpabilité ? Le mystère s’épaissit quand ce dernier réapparaît au domicile du commissaire pour lui restituer sa vérité du beau et de la mort. Après un début qui se cherche, la montée dramatique s’affirme et occupe tout l’espace, ne laissant aucun blanc dans le décor.

“L’Assassin de Septembre”, Jean-Christophe Portes

Temps de lecture : 3 min LITTERATURE
Le titre du sixième opus de Jean-Christophe Portes est des plus explicite. Il recouvre les deux genres affectionnés par l’auteur : le policier et l’histoire. Ceux qui raffolent de ce genre de roman seront gâtés. L’action de « L’Assassin de Septembre » (City Éditions) se situe du 31 août au 27 septembre 1792, à l’époque révolutionnaire où deux visions de la France s’opposent dans une violence inouïe. Dans la veine des enquêtes de Jean-François Parot, « L’Assassin de Septembre » empoigne le lecteur pour ne plus le lâcher. Cette ultime enquête du lieutenant de gendarmerie Victor Dauterive – qui est la première que je lis – a tout pour capter l’intérêt et entretenir le suspense…

“Au Soleil redouté”, Michel Bussi

Temps de lecture : 4 min CHRONIQUE
Redoutable est le mot qui surgit quand la fin s’annonce. « Au Soleil redouté », c’est l’aveuglement assuré qui fait perdre tout sens logique. Avec ce thriller millimétré, mené d’une main audacieuse, Michel Bussi dépasse un cran dans le retournement de situations et l’originalité. Le stratagème réside dans la construction de l’histoire : elle passe inaperçue jusqu’à l’heure des explications. Au lieu de semer des indices pour permettre au lecteur d’élaborer des hypothèses probables ou crédibles, l’auteur instille le doute au compte-gouttes dans un raffinement rare de torture intellectuelle. La frustration de n’avoir rien remarqué est telle, la complexité de la trame est telle, l’envie de connaître la suite est telle que l’on n’a qu’une seule obsession : redécouvrir le livre avec la clé de compréhension pour saisir là où l’on aurait dû comprendre. Pourtant, l’intrigue a tout l’air banale : cinq lectrices ont gagné l’immense privilège de suivre pendant une semaine un atelier d’écriture dispensé par un romancier à succès, dont la plume chatouille le cœur des femmes malgré un physique rondouillard. Sous le soleil polynésien où tout concourt à l’inspiration, l’île d’Hiva Oa deviendra pourtant une prison étouffante et sanglante après une disparition et plusieurs morts, que l’assassin désigne avec le texte que les apprenties écrivaines ont écrit lors de l’exercice d’atelier d’écriture : « Avant de mourir, je voudrais… »

« Cache-cash mortel », Hubert Letiers

Temps de lecture : 3 min CHRONIQUE
Avec son deuxième roman « Cache-Cash Mortel », Hubert Letiers lâche le filet de son inspiration dans les eaux fangeuses du blanchiment d’argent issu du trafic de drogue, un trafic qu’il imagine institutionnalisé par la sphère politique au plus haut de l’État pour colmater le trou de la Sécurité sociale. Ambitieux scénario pas si élucubrant qu’il n’y paraît, quand on connaît les démangeaisons de certains politiques à vouloir légaliser le cannabis. L’idée est intéressante et a l’avantage de faire s’interroger sur cette miraculeuse manne qui viendrait renflouer le navire France qui croule sous des dettes abyssales. Dans ce nouvel opus, l’auteur de « Meurtre en haut lieu » poursuit son autopsie des comportements déviants des gouvernants, de ceux qui les conseillent, des différents services de police et du renseignement qui agissent dans l’intérêt de l’État. Il nous offre un roman de haute tenue, solide, convaincant et éclairant. Le tout tendu au cordeau par une écriture irréprochablement littéraire. Peut-être un peu trop pour le confort de lecture d’un polar aux ramifications de personnages étendues.

“Le père Denoël est-il une ordure ?”, Gordon Zola

Le père Denoël est-il une ordure? Gordon Zola, édition le Léopard démasqué

Temps de lecture : 3 min CHRONIQUE
Comment résister à un ovni littéraire, qui vient d’être réédité aux éditions du Léopard masqué ? Sous prétexte d’en rire, “Le père Denoël est-il une ordure ?” est une affaire on ne peut plus sérieuse. L’auteur Gordon Zola relate, documents à l’appui, le mystérieux assassinat, à ce jour non encore élucidé, de l’éditeur Robert Denoël. C’est que le père Denoël s’est compromis en collaborant. Pire ! La Commission consultative d’épuration de l’édition, constituée d’auteurs se clamant irréprochables, le condamne pour avoir notamment publié Louis-Ferdinand Céline. Mais l’éditeur prépare sa défense : il a consigné dans son carnet noir des éléments impliquant des confrères. Seulement, le 2 décembre 1945, il range sa voiture boulevard des Invalides à la suite d’une crevaison, sort le cric et la manivelle, envoie sa maîtresse Jeanne Loviton chercher un taxi et est abattu d’une balle dans le dos. À défaut de témoins directs, l’enquête conclut à une agression pour vol qui aura mal tourné. La ficelle est grosse, la veuve se tue à le clamer… et peut-être aussi Maître Lucien Bonplaisir, avocat de l’édition et ardent défenseur des femmes tondues et de belles éplorées.

“Le piège de verre”, Éric Fouassier

Temps de lecture : 3 min CHRONIQUE
“Le piège de verre” est à la fois un roman historique flamboyant et un thriller ésotérique qui enchanteront tous les inconditionnels du genre. Ce deuxième opus d’Éric Fouassier, qui fait suite aux aventures de la charmante apothicaire d’Amboise, Héloïse Sanglar, et de Pierre Terrail, seigneur de Bayard, le chevalier sans peur et sans reproche(*), est lui aussi très réussi. L’auteur à l’imagination fertile nous entraîne dans une folle équipée à travers la France Renaissance et ses splendides édifices religieux. Cette fois-ci, la reine de France, Anne de Bretagne, confie à Héloïse et à son homme de confiance, Henri de Comballec, la mission d’enquêter sur une menace d’attentat envers le roi Louis XII. Il faudra toute la sagacité de la jeune femme et la force combative du baron pour résoudre les codes secrets du parchemin de la Conspiration de la lumière et avoir des chances de déjouer le complot régicide des maîtres-verriers.

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