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La femme est forte et a de la suite dans les idées. Avec « Les insoumises de la Bible : 12 destins de femmes », l’auteur prolifique Patrick Banon, anthropologue des religions, nous le conte en détail d’une manière claire et didactique. Fortement documenté, l’ouvrage met en lumière ces héroïnes mythiques à travers douze destins. Elles s’appelaient Lilith, Sarah, les filles de Loth, Tamar, Sipporah, Aksah, Déborah, Judith, Dalilah, Nasbeth, Bethsabée, Esther. L’histoire des femmes est en général méconnue, restant des anonymes pour toujours tant le système patriarcal les enfermait, vivant à l’ombre d’un homme, qu’il soit son père, son frère ou son mari. Si certaines sont restées invisibles, d’autres ont fait preuve d’audace, de ténacité, l’ambition ou la survie aidant. Ce regard circonstancié sur ces femmes de la Bible leur rend justice et invite à porter un autre regard, en miroir, sur le comportement d’hommes comme Abraham, David, Samson, qui sont loin d’avoir été des héros sans peur ni reproche. Leur statut ne les a pas préservés de comportements humains peu glorieux, comme la couardise, la tromperie, l’aveuglement. Mais, sans faiblesses ni travers, l’homme ne serait-il pas l’égal de son Dieu ? Et cet essai n’aurait pas été si passionnant.
L’histoire de ces femmes bibliques est une intéressante découverte qui laisse songeur, voire perplexe. Je ne citerai que celle de Lilith, la première femme d’Adam qui l’a quitté parce qu’elle refusait de lui être soumise. N’étaient-ils pas créés de la même matière par Dieu ? Elle est la première à avoir exigé l’égalité, à vouloir s’émanciper de l’emprise de l’homme. À cause de cette revendication, elle sera perçue comme perfide par ces hommes de Dieu qui écrivent l’histoire et feront d’elle une démone régnant sur les Enfers. À lui seul, cet exemple est édifiant, car il prépare deux millénaires de pouvoir suprême sur la femme. Si tous ces récits emblématiques finissent par se mélanger, tant les forces en jeu et les conséquences sur la femme se percutent, le sentiment qui se dégage est la reconnaissance envers l’auteur qui a su si bien nous les rendre vivantes. La narration fluide et la vie résumée replacée dans le contexte historique, social et religieux au début de chaque chapitre permettent de faire connaissance avec chacune avant d’apprendre par le menu le destin qui lui était réservé. Cette structure donne une impression de redondance, mais ce parti pris scinde clairement la posture de l’auteur, tantôt essayiste, tantôt conteur. Si l’ancien système patriarcal n’a pas totalement fait long feu partout dans le monde, nous y allons à petits pas. Cet ouvrage, paru aux éditions Prisma, compte parmi ces petits pas qui restituent la voix de la femme et l’élèvent à sa juste place, à côté de l’homme, comme Lilith le souhaitait.
Nathalie Gendreau
Éditions Prisma, 13 mai 2022, 209 pages, à 18,95 euros.
Journaliste, biographe, auteure et critique culturel, je partage avec vous mes articles et avis. Si vous aimez, abonnez-vous !
Je ne suis ni bigot, ni féministe et pourtant je connais quasiment le nom de chacune des « Insoumises » citées par Nathalie Gendreau… car ces femmes « bibliques » qui ont inspiré Patrick Banon ont aussi inspiré mon Père qui alternait l’éducation musicale avec celle consacrée aux livres sacrés.
Mais il ne manquait jamais de me rappeler que, comme les notes de musique, les écrits étaient souvent victimes de l’interprétation qu’on en faisait. Non seulement sur le fond mais aussi sur la forme. Imaginez une Sonate de Beethoven livrée à un furieux qui s’entêtera dans des fortissimo là où le Maitre a créé de sublimes pianissimo.
L’interprétation des Livres Saints connait aussi ses « furieux », de même que tous les écrits qui tendent à opposer l’homme à la femme, créant ainsi une guerre des sexes appréciée par Satan et ses séides. Et si certaines religions maintiennent encore une forme de patriarcat, c’est peut être parce qu’elles manquent de sagesse.
Sagesse ! C’est le prénom qu’Alexandre Spengler rencontrera au cours de son rêve mystique pour nommer celle qui sera le quatrième élément de la divine Trinité. Cette rencontre est un des moments forts du « Dodécalogue œcuménique », un opéra monumental en 12 séquences dont le livret est publié aux éditions Vandevelde (25 €).
Cette interprétation « divine » du féminisme devrait réconcilier tous ceux qui, aujourd’hui, instrumentalisent la femme pour en faire un prétexte de discorde.