« Qui va là ? », ou l’errance à nu

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Le Théo Théâtre accueille jusqu’au 17 décembre Thierry de Pina, un SSF – comprendre un Sans-Scène-Fixe –, comme il se plaît à dire. Durant trois semaines, le comédien a trouvé un toit pour son personnage Alexandre Cabari, un SDF au cœur tendre, mais aux pensées chagrines. La pièce « Qui va là ? », d’après Emmanuel Darley, a été jouée à domicile, à Nice, à la suite du premier confinement. Un succès stoppé en plein vol par le second confinement ! Cet ancien épidémiologiste qui, a raccroché la blouse de chercheur en 2007 pour devenir comédien, a donc adapté le texte pour la monter sur scène. Véritable rencontre de destins, entre un comédien sans scène et un homme sans domicile, tous deux désœuvrés. Joué au Festival Off d’Avignon cet été 2021, ce texte retrouve donc un lieu pour exister. Parcours erratique s’il en est à l’image du personnage, un pauvre hère qui prend en otage les spectateurs d’un théâtre pour leur raconter ses souvenirs. Se faisant complices d’une heure, ces derniers jouent le jeu et deviennent le réceptacle de la confidence d’une déshérence émouvante.

“Mon petit grand frère”, l’inouïe transcendance de l’absence

Temps de lecture : 4 min THÉÂTRE & CO
À histoire inouïe, spectacle inouï. Quand la fiction autobiographique théâtrale prend le pas sur la réalité, c’est l’émotion qui étreint la gorge et libère la dopamine en vague déferlante. Dans sa dernière pièce « Mon petit grand frère », jouée en avant-première à Le Local (Paris XIe), Miguel-Ange Sarmiento se livre nu. Nu des secrets si lourdement gardés et nu des silences bruyants qui se fracassent contre la mémoire d’un enfant de deux ans. L’auteur et interprète de cette pièce intimiste, qui allie pudeur et puissance d’évocation, a patienté cinquante ans avant d’oser franchir le pas ce Noël 2019 et de demander à ses parents mutiques, prisonniers d’une douleur jamais pansée, de lui raconter le bassin de son frère aîné, dans la mare près de chez eux, le 9 mars 1971, alors qu’il n’avait que deux ans. Ne sachant rien et doutant même de la thèse de l’accident, Miguel-Ange Sarmiento a grandi dans le manque du frère et d’explications, dans la culpabilité d’être celui qui reste, dans le silence d’un passé tenu secret par des parents inconsolables. Servi par un texte dense, équilibré et émouvant, le comédien nous raconte le drame familial et son désarroi d’être devenu transparent aux yeux de sa mère éplorée. Il nous livre aussi comment il lui a été impossible de grandir comme les autres garçons de son âge, dans l’insouciance, la joie et l’impertinence. Comment il est devenu un enfant raisonnable, puis un artiste écorché vif.

“Zarzavatdjian, un nom à coucher dehors !”, une comédie vibrante sur l’identité

Un nom à coucher dehors Corinne Zarzavatdjian

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Quelle belle idée de consacrer un spectacle à ces noms imprononçables ou portant à rire ! Corinne Zarzavatdjian, auteure et comédienne d’origine arménienne, consacre un spectacle ciselé, drôle et émouvant sur ce nom qui lui a valu bien des déboires et a provoqué des situations cocasses tout au long de son existence. « Zarzavatdjian, un nom à coucher dehors », au théâtre Le Mélo d’Amélie, est un hommage à sa famille miraculée d’Arménie qui a façonné son avenir avec honneur et courage. C’est un nom que Corinne Zarzavatdjian élève comme un héritage inaliénable dans ce spectacle d’une force et d’une pureté bouleversante. La comédienne prend toute sa place dans cette vie riche de différences et d’anecdotes qu’elle revisite en comédie sous la direction attentive de l’animateur et auteur Thierry Beccaro qui signe là, avec la justesse du cœur, sa première mise en scène.

“Mes 15 meilleurs et mes 2 pires”, Irrésistiblement tendre, désarmant, inattendu

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Dans son seul-en-scène « Mes 15 meilleurs et mes 2 pires », Thierry Samitier est irrésistiblement tendre, désarmant, inattendu. Sa naïveté incarnée décale le propos et le tord jusqu’à l’absurde. C’est cette absurdité joyeusement loufoque dans l’authentique émotion qui donne à ce spectacle drôlement bien écrit un regard différent, pris sous un angle insoupçonné, et le fait résonner contre la paroi sensible de notre propre réalité. Cet humoriste se moque du formalisme. Dès l’entrée en scène, son petit sourire en biais, ses yeux malicieux, sa nonchalance crédule nous happe dans son monde cousu main d’irrationalité. Connu pour ses apparitions intempestives sur Canal+ dans « Nulle part ailleurs » et pour le personnage coincé d’Aymeric Dubernet Carton dans la série « Nos chers voisins » (TF1), Thierry Samitier est tout aussi à l’aise et performeur dans les seuls-en-scène. Son humour à la Devos, se jouant des situations ordinaires, nous amène là où il fait bon rire aux éclats, sans retenue, au détour de sketches faussement sérieux, provocants à l’envi. Tellement, qu’on en redemande !

“Ma grammaire fait du vélo”, à vos marques, prêts, riez !

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Grammaire et orthographe, le couplet gagnant dans la course au bon français. Mais un casse-tête casse-pieds pour les élèves en queue de peloton. Ah ! S’ils avaient assisté à ce « Ma grammaire fait du vélo », spectacle éblouissant de François Mougenot sur les mots et leurs savantes combinaisons, ils auraient appris en riant… ou ri en apprenant ! Ce seul en scène humoristique au théâtre de l’Essaïon est exemplaire de la manière dont le corps enseignant devrait faire aimer la langue de Molière. L’auteur et comédien, sans esbroufe ni emphase, fait don de ces leçons de rattrapage, cocasses et absurdes, à la manière d’un Devos ou d’un Morel…

“Comment j’ai dressé un escargot sur tes seins”, la maladie d’amour sublimée

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Le petit théâtre “Le bout” est l’écrin parfait pour sanctifier l’intimité du texte de Matéi Visniec. L’éloge de la maladie d’amour du dramaturge et poète roumain, sous le titre aussi curieux qu’amusant « Comment j’ai dressé un escargot sur tes seins », peut s’y répandre avec la lenteur de l’agonie d’amour et le fracas intérieur des sentiments. Sans préambule, ce seul-en-scène nous fait entrer dans un univers surréaliste où la poésie voisine avec l’absurde. Le monologue du personnage nous entraîne dans une auscultation in vivo de son cœur mis à nu pour une femme fatale, une Muse dont il ne peut se passer. Il l’a dans la peau, elle palpite dans ses organes jusque dans ses moindres cellules…

“Discours d’investiture de la Présidente des États-Unis”, un plaidoyer ardent pour la survie de l’Homme

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Les politiques sont-ils des êtres adaptés à l’empathie, à l’élévation de la pensée qui dépasse l’asservissement au pouvoir, à la promotion d’une société harmonieuse ? C’est la question fondamentalement altruiste qui se meut dans cet espace de liberté d’expression intimiste qu’est le Théâtre La Croisée des chemins. Un théâtre confidentiel au nom prédestiné où se rencontrent les courants de pensée à l’ouverture infinie sur le monde. Le spectacle « Discours d’investiture de la Présidente des États-Unis », qui s’y installe jusqu’au 6 mars, est un texte engagé de Roger Lombardot. L’auteur y exhorte l’homme à se responsabiliser pour sortir de la violence et trouver la paix qui est « une nécessité biologique ». Le monde n’est-il pas un tout constitué de milliards d’êtres interdépendants ? Ce monologue magnifique et profond qui parle au cœur et remue les tripes est servi par une solennité empreinte de délicatesse de la comédienne Claudine Guittet. En donnant à voir l’intimité de cette présidente se préparant à un moment d’une gravité exaltante, la metteuse en scène Chantal Péninon parvient à créer une distorsion du temps et de l’espace qui ranime les horreurs du siècle passé pour conjurer leur répétition historique. Et ouvrir un nouveau chapitre de la conscience universelle.

“Gainsbourg forever”, un biopic tendre et passionné

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Les volutes bleutées d’un Havane tourbillonnent au-dessus de la scène du théâtre de Trévise, à Paris. C’est un grand monument de la chanson française qui prend peu à peu possession du lieu ; il peut bien prendre son temps, puisque son personnage le précède dans nos souvenirs toujours aussi vivaces de l’homme à la gitane. Dans le cadre du festival « Les Musical’In », Myriam Grélard présente « Gainsbourg Forever – Gueule d’amour », un spectacle dédié au populaire Gainsbarre, qu’elle a écrit et joué au Festival OFF d’Avignon en 2017 et 2018. Il fallait beaucoup de tendresse et d’admiration pour imaginer ce biopic théâtral passionné en hommage à ce cher et talentueux disparu depuis déjà 27 ans. Soutenue par une scénographie suggestive, la comédienne campe Liliane, la jumelle de Serge… qui s’appelait alors Lucien, apprend-on. Entre confidences familiales et remémoration d’une carrière aussi fulgurante que sulfureuse, Liliane la narratrice se glisse dans le corps et la voix d’autres femmes qui ont toutes aimé cette « Gueule d’amour », aussi timide et complexé que culotté et provocateur. Une combinaison détonante qui l’a rendu irrésistible avant de devenir inoubliable.

“Plaidoiries”, magistral et fascinant

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Un seul-en-scène remarquable pour des plaidoiries édifiantes. Au théâtre Antoine, avec une rare intensité, se rejouent jusqu’au 17 novembre 2018 cinq grandes affaires judiciaires retentissantes. Richard Berry y revêt la robe d’avocat pour près d’une heure quinze plaidant ou accusant, avec une humanité et une modestie qui lui confèrent une crédibilité saisissante. Du magistral à la mesure des enjeux de société qu’ont induits ces procès ! Inspiré du livre de Matthieu Aron « Les grandes plaidoiries des ténors du barreau », ces affaires ont en effet été choisies pour leur impact sur la société durant ces quarante dernières années. Cinq procès entendent cinq textes ciselés, diablement articulés, qui donnent aux mots le superpouvoir de convaincre et d’émouvoir, nettement, simplement, sans fioritures, sans bavure. Leur objectif premier étant de « ramener l’accusé dans la communauté des hommes ».

“Moi, papa ?”, ou la magie de la paternité

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S’il n’y a pas d’école pour apprendre à être papa, le one-man-show d’Arthur Jugnot est un bel avant-goût humoristique sur cette étape de la vie de couple conjuguée à trois. « Moi, papa ? », au théâtre du Splendid, raconte la transformation d’un jeune adulte libre et bien dans ses baskets d’ado boboïfié en un père responsable et accro à son fils. Mais combien d’épreuves et d’actes d’amour faut-il pour y parvenir ? Arthur Jugnot porte l’enseigne du vécu, tous feux de détresse allumés, derrière chaque trait d’humour et mimique, qui n’est pas sans rappeler l’inspiration du père. À la fin du spectacle, il remercie son fils de quatre ans et demi qui lui a permis d’être un père et un artiste comblé. Pour son premier seul-en-scène, Arthur Jugnot est vraiment à l’aise. Il rayonne, éructe et s’attendrit avec autant d’intensité et de charme. Sa personnalité volcanique au grand cœur fait de ce show une réussite que magnifie l’ingéniosité de la mise en scène de Sébastien Azzopardi et de la scénographie de Juliette Azzopardi.

Blanche Raynal dans un seul-en-scène libératoire

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Depuis le 4 avril dernier, le mardi, Blanche Raynal propose au théâtre du Marais un seul-en-scène détonant, joyeusement nostalgique et optimiste. Avec « Carte Blanche », qui relate sa vie d’artiste avec un humour tantôt taquin tantôt tendre, la comédienne joue avec le public, tire son énergie de cette proximité nourricière, et s’amuse telle une enfant libérée de la pesanteur de l’enfance volée. Un jeu qui frappe par sa sincérité et son intensité. Pourtant, qui aurait parié que cette jeune fille timide, introvertie et rêveuse ferait une carrière dans un art qui expose au regard et aux critiques ? Étouffée par la possessivité d’une mère et étranglée par la sévérité d’un père, Blanche partait avec un handicap certain. Mais sa victoire contre l’anorexie a été sa meilleure alliée pour déjouer les projections parentales. Retour sur une longue quête de soi et de libération

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