“Gainsbourg forever”, un biopic tendre et passionné

Temps de lecture : 3 min

 

THÉÂTRE & CO

 

Avis de PrestaPlume ♥♥♥

Les volutes bleutées d’un Havane tourbillonnent au-dessus de la scène du théâtre de Trévise, à Paris. C’est un grand monument de la chanson française qui prend peu à peu possession du lieu ; il peut bien prendre son temps, puisque son personnage le précède dans nos souvenirs toujours aussi vivaces de l’homme à la gitane. Dans le cadre du festival « Les Musical’In », Myriam Grélard présente « Gainsbourg Forever – Gueule d’amour », un spectacle dédié au populaire Gainsbarre, qu’elle a écrit et joué au Festival OFF d’Avignon en 2017 et 2018. Il fallait beaucoup de tendresse et d’admiration pour imaginer ce biopic théâtral passionné en hommage à ce cher et talentueux disparu depuis déjà 27 ans. Soutenue par une scénographie suggestive, la comédienne campe Liliane, la jumelle de Serge… qui s’appelait alors Lucien, apprend-on. Entre confidences familiales et remémoration d’une carrière aussi fulgurante que sulfureuse, Liliane la narratrice se glisse dans le corps et la voix d’autres femmes qui ont toutes aimé cette « Gueule d’amour », aussi timide et complexé que culotté et provocateur. Une combinaison détonante qui l’a rendu irrésistible avant de devenir inoubliable.

Au soir de sa vie, Liliane se fait la chef d’orchestre de la mémoire de la famille Ginsburg, depuis ses origines d’artistes immigrés russes à la disparition de son frère adoré. Leur enfance s’est imprégnée de musique et de peinture. Leur père est pianiste dans les cabarets et leur mère, mezzo-soprane. Entre sévérité et tendresse, Lucien – qui se fera appeler Serge – navigue entre la crainte et l’affection. Se trouvant laid, il cherchera à se délester de ce complexe dans les mots des livres et surtout les traits de la peinture, car il se rêve d’être un grand peintre. Cancre à l’école, puis insoumis à l’armée, il jouera du piano pour gagner sa vie, et composera sans oser présenter ces textes. En 1957, sous l’impulsion de Michèle Arnaud, chanteuse admirée au cabaret Milord l’Arsouille, il passe du grade de pianiste d’ambiance à auteur-compositeur-interprète avec Le Poinçonneur des Lilas. Sa carrière est lancée ! Dans ce cabaret, il va rencontrer Vian, Brel… et beaucoup de femmes attachantes.

C’est à cette époque-là que le poète à la tête de chou devient Serge Gainsbourg. L’homme à la forte personnalité que l’on qualifie de mal embouché et de gauche, « alliant une brutalité de prédateur à une sensibilité d’exception », selon le biographe François Ducray, suscite l’intérêt de tous, et curieusement des femmes. Serge s’étonnait de son succès auprès de la gent féminine, et surtout des très belles, comme Juliette Gréco pour qui il écrira La Javanaise (1963) ou Édit Piaf qui décédera après avoir désiré une chanson de lui, mais aussi Brigitte Bardot ou Jane Birkin. Il composait pour celles qui l’émouvaient par leur fragilité, qu’il comprenait et transcrivait à travers ces mots choisis, toujours justes, souvent impudiques, parfois à l’arrière-goût de scandale. On se rappelle « Les sucettes à l’anis » chantée par France Gall en 1966 ! Ou l’équivoque « Lemon incest », en 1884, interprétée par sa fille Charlotte âgée de 12 ans alors.

Puisant dans diverses biographies issues de la littérature et du cinéma, l’auteure Myriam Grélard jongle avec les mots et les chansons qui ont fait la vie du grand et de l’insaisissable Serge. Quand elle ne fredonne pas a cappella quelques-uns de ses airs reconnus dès le premier mot, elle ravive sa vie dissolue entre l’alcool et la cigarette en interprétant ces femmes qui ont compté pour lui et dont il s’inspirait. Les séquences « nostalgie » en musique alternent avec des anecdotes familiales, amusantes et tendres. La mise en scène de François Cracosky est bien pensée, elle octroie le temps à chaque personnage d’offrir le meilleur de lui-même. Et, peu à peu, l’habit accroché au portique de bois symbolisant Gainsbarre s’enfle d’une présence croissante, palpable, sensuelle, émouvante. L’essence de Serge est là, que lui-même ne pourrait taxer de superfétatoire tant il flotte comme un parfum de légende. La très fidèle restitution de Myriam Grélard – qu’on aurait peut-être aimé un peu moins sage – est un bel et tendre hommage qui convoque les souvenirs pour une heure d’éternité.

Nathalie Gendreau

©Jackie Dieren.


 

« Gainsbourg forever – Gueule d’amour »

 

Distribution

Avec : Myriam Grélard.

 

Créateurs

Auteure : Myriam Grélard
Mise en scène : François Cracosky

Création Lumières : Yves Monnier

Montage son, vidéo : Philippe Fleury

Au théâtre de Trévise, 14 rue de Trévise, Paris 75009, les mercredis 19 décembre 2018, 6 février 2019, 6 mars 2019, dans le cadre du festival “Les Musical’In”.

Puis au théâtre Essaïon, 6 rue Pierre au Lard, Paris 75 004, tous les mercredis à partir du 17 avril jusqu’au 26 juin 2019.

Durée : 1 heure.

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