“Les dernières heures”, Ruth Druart

Temps de lecture : 2 min LITTERATURE
Le deuxième roman de Ruth Druart « Les dernières heures », paru aux éditions City, se coule dans la même veine historique que le premier « L’enfant du train ». Cette fois-ci, elle nous immerge dans l’histoire de France, aux dernières heures de l’Occupation, à Paris. À l’aube de la Libération, une mère et ses deux filles, Élise et Isabelle, vivent des jours difficiles, en l’absence du père retenu prisonnier en Allemagne. Comme tous ses compatriotes, Élise voue une haine rentrée contre tout ce qui porte un uniforme allemand. Mais, en cachette, elle exfiltre les enfants d’un orphelinat juif avant leur départ au camp de Drancy. Un jour, elle rencontre Sebastian, un jeune soldat allemand, dans une librairie. Cet Allemand-là est à l’étroit dans son costume d’oppresseur. Les jeunesses hitlériennes, le front de l’Est, la vindicte aveugle contre les juifs et la Ville lumière enténébrée par l’occupation allemande, tout le révolte. Leur amour caché, contre nature, voire contre-patriotique pour Élise, sera broyé dès les premières heures qui se comptent en si peu de mois, alors qu’il aurait dû durer une vie entière. L’avalanche de violence contre eux aura de dramatiques répercussions sur leur devenir. Elle sera arrêtée puis rasée. Il sera arrêté, puis… le silence. Il s’écoulera presque vingt ans avant qu’Élise, exilée en Bretagne, connaisse la vérité grâce à la ténacité de sa fille Joséphine.

“Le plus beau lundi de ma vie tomba un mardi”, Camille Andrea

Temps de lecture : 2 min LITTERATURE
Avec « Le plus beau lundi de ma vie tomba un mardi » (éd. Plon), Camille Andrea signe un récit tendre et émouvant, aussi léger que profond, d’une grande humanité et qui intrigue d’un bout à l’autre. À l’image du titre qui est une invitation à l’ouverture d’esprit. L’auteure met en présence deux êtres que tout oppose, qui vont s’apprivoiser, s’apprécier, se nourrir l’un de l’autre, puis se perdre de vue sans s’oublier. La rencontre n’est pas banale. Noah D’Amico, 10 ans, métis, veut devenir président des États-Unis. Bien sûr, il n’a pas l’âge. Raison de plus pour commencer de bonne heure ! Ce jeune garçon ambitieux au talent d’orateur hors pair sait que « l’on se fait une idée des gens en quatre secondes et cinquante centièmes ». C’est court et décisif. Qu’importe ! L’espoir accroché à sa détermination, il s’en va quêter des signatures. Il en a besoin d’au moins mille. Après celle du clochard du coin de la rue, il convaincra Jacob Stern, un vieux monsieur frappé de solitude depuis le décès de sa femme Hannah, dont les souvenirs s’effacent inexorablement. S’installe alors un rituel de rencontres entre ces deux êtres si différents autour d’un Donut au chocolat et d’un verre de lait, où il est question de refaire le monde, de « mettre un grand coup de pied dans les préjugés et les conventions, montrer que quelque chose de différent est possible ».

“Les insoumises de la bible – 12 destins de femmes”, Patrick Banon

Temps de lecture : 2 min LITTERATURE
La femme est forte et a de la suite dans les idées. Avec « Les insoumises de la Bible : 12 destins de femmes », l’auteur prolifique Patrick Banon, anthropologue des religions, nous le conte en détail d’une manière claire et didactique. Fortement documenté, l’ouvrage met en lumière ces héroïnes mythiques à travers douze destins. Elles s’appelaient Lilith, Sarah, les filles de Loth, Tamar, Sipporah, Aksah, Déborah, Judith, Dalilah, Nasbeth, Bethsabée, Esther. L’histoire des femmes est en général méconnue, restant des anonymes pour toujours tant le système patriarcal les enfermait, vivant à l’ombre d’un homme, qu’il soit son père, son frère ou son mari. Si certaines sont restées invisibles, d’autres ont fait preuve d’audace, de ténacité, l’ambition ou la survie aidant. Ce regard circonstancié sur ces femmes de la Bible leur rend justice et invite à porter un autre regard, en miroir, sur le comportement d’hommes comme Abraham, David, Samson, qui sont loin d’avoir été des héros sans peur ni reproche. Leur statut ne les a pas préservés de comportements humains peu glorieux, comme la couardise, la tromperie, l’aveuglement. Mais, sans faiblesses ni travers, l’homme ne serait-il pas l’égal de son Dieu ? Et cet essai n’aurait pas été si passionnant.

“Les Filles de la section Caméléon”, Martine Marie Muller

Temps de lecture : 3 min LITTERATURE
Un roman comme je les aime, mêlant l’histoire de l’humanité à celle des hommes qui la composent tout en abordant un aspect méconnu. « Les Filles de la section Caméléon » (Les Presses de la Cité), de Martine Marie Muller, nous transporte dans les coulisses de la guerre 14-18, vécues à travers le quotidien d’ouvrières, une communauté formée de veuves, d’orphelines, de filles-mères sans logis et d’une ribambelle d’enfants. Elles n’avaient pour toute richesse que leurs souffrances et leur courage. Elles deviendront expertes dans l’art du camouflage en intégrant la Section Caméléon sous la direction du peintre Lucien-Victor Guirand de Scévola, de décorateurs de théâtre et de l’illustrateur Joseph Pinchon (Bécassine). Chapitre de l’histoire peu connu, le camouflage militaire a sauvé nombre de soldats au front qui, pantalon garance et capote bleue, étaient des cibles de choix pour l’ennemi. Il a fallu toute l’ardeur et la ténacité du peintre Scévola pour faire accepter au haut commandement toute la valeur tactique de son invention face à l’hécatombe. Un roman passionnant, fouillé, documenté, s’attachant à la véracité des faits, même si quelques licences parsèment le récit ici ou là pour colorer la grande histoire des émotions, des sentiments, des valeurs constitutives de notre humanité. Un bel hommage qui fait passer un très bon moment.

“La domestication”, Nuno Gomes Garcia

Temps de lecture : 2 min LITTERATURE
Au risque de me fourvoyer dans un lieu commun, « La domestication » est un ovni littéraire, balançant entre l’expérimental et la réalité. Le troisième roman de Nuno Gomes Garcia (Editions iXe) joue dans la cour de l’anticipation sans y être vraiment. Il est résolument contemporain par les termes abordés, mais original par leur traitement. L’auteur imagine un monde inversé, où la femme l’emporte sur le masculin en tout, aussi bien dans le quotidien que sur la scène politique. Mais surtout dans le langage. L’auteur privilégie le pronom personnel féminin, une émasculation nette et sans bavure, dans les règles de l’art grammatical. Il imagine une société matriarcale en construction, après le Grand Fléau et l’avènement de la Nouvelle République. Dans cette société, les hommes sont éduqués à « L’Institut des maris » pour devenir un mari au foyer, effacé et obéissant. Pour sortir, ils sont accompagnés et portent un cache-tout (semblable à la burqa). Ils possèdent dans leurs gènes modifiés la sensibilité autrefois attribuée aux femmes. Ainsi tanguent-ils entre la peur et les pleurs. Les femmes ont tout pouvoir sur ces maris ravalés au rang d’objet. Dans cette société, la gestation est entre les mains de la science et la « fornication » est prohibée. Enfin, la peine de mort est réservée aux hommes. Une société autoritaire et sans saveur qui préfigurent un extrémisme, certes différent, mais plausible, tant la domination est inhérente à l’être humain, qu’il soit il, elle ou iel.

“Bulle de savon”, Sylvia Hansel

Temps de lecture : 2 min LITTERATURE
Voilà un roman qui colle au titre aussi bien dans sa forme que dans son fond. « Bulle de savon » est le récit dense et intense d’une plongée dans l’abîme d’une jalousie, d’une relation toxique faite de passion et d’abandon. L’auteure, Sylvia Hansel, qui travaille dans la presse musicale, tout en chantant et jouant dans des groupes de rock, s’était déjà essayée à la satire sociale avec « Les adultes n’existent pas ». Dans « Bulle de savon », elle traite de l’amour éphémère, aussi fragile qu’une bulle de savon. Notre héroïne est une jeune femme indépendante, préférant les relations d’un soir à des histoires perdues d’avance. Pourtant, d’un regard, elle tombe en pâmoison devant un Britannique plus jeune qu’elle, au charme indéniable. Mais, après une courte liaison enfiévrée, l’amant met fin à l’idylle, brutalement, sans tact ni explications qui vaillent. C’est alors la lente chute libre jusqu’à l’autodestruction. Livre très court, à l’écriture nerveuse et impertinente. Sylvia Hansel n’y mâche pas ses mots, elle les choisit crus et imagés, sans s’encombrer de fioritures. Tout est dans le choc que les mots produisent au contact des émotions. Le tout est assaisonné d’un humour ravageur. L’auteure lui donne ce ton direct, nature, qui apporte au drame un versant comique, si irrésistible qu’on aurait aimé que ce soit un tout petit plus long. Mais peut-on regretter qu’une bulle de savon éclate bien trop tôt ? Où serait le plaisir sinon ?

« Merci vasectomie », le spectacle qui ouvre grand les vannes !

Temps de lecture : 3 min THÉÂTRE & CO
Qui penserait faire rire de la vasectomie, vous savez, cette méthode contraceptive… un peu radicale, même si pas totalement irréversible ? Michaël Delacour a osé. Franchement. Avec légèreté et impertinence. En total accord avec lui-même, il ouvre grand les vannes du plaisir d’être sur scène. « Merci vasectomie », vu en avant-première à La Nouvelle Seine, est un one-man-show enlevé, décomplexé et sincère sur cette volonté, que d’aucuns pourraient qualifier d’étrange, de se mutiler pour ne plus procréer. Le titre sonne comme un oxymore philosophique. Il reflète juste les convictions de l’humoriste qui l’avoue d’emblée : la vasectomie est un choix, réfléchi et consenti pour son propre bien, mais aussi pour celui de la planète. Chemin faisant en sa si sympathique compagnie, on réalise le poids de l’entourage qui fait peser sur ces hommes leur perplexité sur cette « mutilation » et leur refus de fonder une famille, sans parler de la société qui a tendance à juger ces femmes et hommes qui s’octroient la liberté de ne pas devenir parents. Cette pratique étant plus rare chez les hommes (0,3 % contre 3,9 % de femmes y ont eu recours en France en 2013), le jugement fait place à la curiosité. Se qualifiant de gentil misanthrope, voire de bisounours sociopathe, Michaël Delacour témoigne des raisons qui l’ont incité à ne pas devenir père. Car oui, si vous ne l’aviez pas encore compris, ce trentenaire l’a fait ! En pleine conscience et avec un soulagement ! C’est peut-être d’ailleurs pour cela qu’il en plaisante aussi bien.

“Titanic, la folle traversée”, une fantaisie immersive qui fera couler beaucoup d’encre !

Temps de lecture : 3 min THÉÂTRE & CO
Le suspense est éventé : le Titanic sera éventré par un iceberg dans l’océan Atlantique Nord le 14 avril 1912. Mais qu’importe le suspense, pourvu qu’on ait l’ivresse d’une folle traversée dans « le vaisseau des rêves ». Au théâtre de la Renaissance, la folie musicale de la Compagnie des Moutons noirs commence dès l’arrivée des spectateurs soudain élevés au rang de passagers. Des passagers chanceux qui s’apprêtent à vivre une croisière houleuse, loufoque, tanguant entre drame et comédie, mais surtout divertissante. Ainsi, le capitaine au style vieux loup de mer nous accueille avec bonhomie, accompagné d’un trio de musiciens, et l’équipage – constitué d’hôtesses vêtues à la « moussaillonne » – est fin prêt sur le pont pour nous guider jusqu’à notre place. Il y a comme un air de fête qui flotte. On sentirait presque les embruns sur le visage ! Forcément, cela donne confiance dans l’insubmersibilité de ce projet insensé de transposer le naufrage du Titanic sur une scène de théâtre. Le projet paraît fou. Il est ambitieux et exige des trésors d’inventivité, non seulement pour coller à la réalité, mais surtout pour nous entraîner dans son sillage homérique et burlesque.

« Le Compagnon idéal », Isabelle Minière

Temps de lecture : 2 min LITTERATURE
Éva est une rêveuse invétérée. Éveillée ou endormie, ses rêves l’habitent en permanence. Ainsi peut-elle jouer à habiter sa vie, donner le change. Tout est comédie, mais elle passée maître dans l’illusion, la dissimulation. Son entourage la trouve réservée, parfois mélancolique, voire renfermée, mais sympathique et très serviable. Alors qu’elle se désespère d’être comprise et aimée pour ce qu’elle est, Éva rencontre Jeff – ou Jimmy, selon les jours –, le frère de sa patronne, Cloé. Il est l’exact opposé de sa sœur : gentil, ouvert, drôle, attentif, compréhensif. Il a toutes les qualités requises aux yeux d’Éva qui n’ose tomber sous le charme de peur de se réveiller dans la dure réalité d’être rejetée. Mais l’homme est charmant et le restera. Ils vivront même le confinement ensemble dans le petit appartement d’Éva. C’est le bonheur complet, inédit, caché, jusqu’à ce que leurs familles respectives les harcèlent de questions et empiètent sur leur liberté. Celle d’Éva la tient pour instable et craint pour sa santé mentale. Celle de Jeff – ou de Jimmy – est bien trop possessive. Ces inquisitions familiales réussiront-elles à menacer l’équilibre fragile de ce beau rêve qui a pris corps dans la vie d’Éva ?

“Maître, vous avez la parole”, haro sur les clichés pour le bonheur d’en rire !

Temps de lecture : 3 min THÉÂTRE & CO
Lors d’une soirée exceptionnelle au théâtre BO Saint-Martin, à Paris, et en prévision du Festival Off d’Avignon, Sébastien Wust nous a présenté avec brio son « one-avocat-show » original et hilarant, « Maître, vous avez la parole ». Avec ce spectacle dédié à la justice qu’il a écrit en 2018, l’avocat et comédien démonte les clichés et les fantasmes que véhicule ce métier, notamment à travers les séries de télévision. « Suits – Avocats sur mesure » ne reflète évidemment pas la réalité ! Pour nous le prouver ou nous en convaincre, Sébastien Wust use d’un arsenal redoutable : l’intelligence, l’autodérision, le rire, la légèreté et un soupçon de gaudriole. Nous voici soudain public d’une salle d’audience, projeté dans une salle du tribunal, attendant la tenue du procès « Pivert contre Iceberg ». Être pris en otage de ces confidences est un ravissement. Nous passons un magnifique moment avec cet avocat de droit civil depuis vingt ans qui s’amuse sans complexe à égratigner la profession, en commençant par lui-même.

“A.I.R”, un show sur les dérives du progrès où rires et intelligence n’ont rien d’artificiel

Temps de lecture : 3 min THÉÂTRE & CO
Vu au théâtre du Funambule pour une soirée exceptionnelle et programmé au Festival Off d’Avignon, « A.I.R » (Artifices intelligence et rires) est un seul en scène d’anticipation, d’un comique fulgurant et libérateur. Guillaume Loublier imagine un monde futur sans violence, une fois nos âmes vendues à la déesse Intelligence artificielle qui prône le tout technologique, une fois nous être coupés de toutes les émotions. Anticipation… vraiment ? Ce chemin vers le progrès n’est-il pas déjà bien engagé ? Est-ce un bien ? Un mal ? Que restera-t-il d’humanité en l’homme dans une société hyper connectée ? Connaîtrons-nous mieux nos machines que nous-mêmes ? L’humoriste réunit ses deux passions que sont la recherche et la comédie pour nous projeter dans une version de notre civilisation assujettie au transhumanisme. Il ne s’agit pas d’être pour ou contre, mais de comprendre vers quoi la technologie nous mène si nous n’associons pas la vision des savants (science dure) à celle des philosophes (science molle). À travers son spectacle « A.I.R », un thème de société sérieux mais traité sur un ton léger, Guillaume Loublier nous entraîne sur ce chemin tortueux dans une folie narrative avec intelligence, drôlerie et poésie… puissance mille !

« Happy Hour », l’heure qui rend vraiment heureux

Temps de lecture : 2 min THÉÂTRE & CO
Avec « Happy Hour », c’est de la bonne humeur en barre, du rire en open bar. Vous n’êtes même pas à l’abri de vous voir servir un verre de votre choix ! Avant de fouler les planches, Daniel Camus était propriétaire du « Bahia bar » pendant cinq années, de 2004 à 2009. L’endroit de toutes les rencontres, certains comme clients d’un soir, d’autres comme piliers de comptoir. De cette expérience riche d’anecdotes et de personnalités, l’humoriste en a construit un one-man-show drôle et émouvant, qui a le don d’attraper au vol des bribes de temps où l’insouciance était reine.

“Un prénom en trop”, Christophe Carlier

Temps de lecture : 3 min LITTERATURE
Après Patrice Quélard pour Place aux immortels, Christophe Carlier est le deuxième lauréat du Prix du roman de la gendarmerie nationale, avec « Un prénom en trop », paru chez Plon. Cet agrégé de lettres classiques et docteur ès lettres à la Sorbonne nous offre avec son dernier ouvrage un aller simple dans les méandres de la perversité, une romance acide et démoniaque passionnante. Ce prénom en trop est Rebecca. Une brillante jeune femme dont la beauté racée provoque la fascination. Son apparente froideur dans une boîte de nuit à Toulon excitera la convoitise d’un homme, au physique banal et au cerveau malade. À la suite de ce coup de foudre unilatérale, il cherchera qui elle est et la pistera jusqu’à Annecy, où elle vit. Il la traquera avec une cruauté jubilatoire, la tyrannisant par petites touches, avec lenteur calculée. Il fait durer le plaisir pour qu’elle soit hantée par lui. Il se nourrit de l’épier, de la suivre, de lui laisser des cadeaux empoisonnés dans sa boîte aux lettres, sur son pare-brise, sur son lieu de travail. Il vampirise sa vie jusqu’à la rendre folle d’angoisse. Violette, la nouvelle collègue de Rebecca, qui lui voue d’emblée – elle aussi – une adoration sans borne, fera son possible pour la rassurer, la protéger, l’aider même. Elle la convaincra de porter plainte. Mais le psychopathe est prudent, il prend son temps, il savoure son emprise ; il hisse même sa proie sur l’autel de la divinité en assassinant d’autres Rebecca par amour pour elle. Peu à peu l’étau se resserre… mais pour qui ?

“Mon fils” – Au nom d’un père fantôme

Temps de lecture : 4 min THÉÂTRE & CO
Prisonnier de son histoire, Srul Sheinaog est le dernier du nom, sa famille ayant été entièrement exterminée. Volontairement apatride au sortir de la Seconde Guerre mondiale, il s’est fait appeler Jacques Duflot. Cet homme qui a survécu à la Shoah est resté seul avec sa peur de survivant, comme il l’expliquera à Pierre Lefrançois, le fils qu’il a refusé de reconnaître soixante ans plus tôt. Dans son testament, il demande à ce fils de le veiller une nuit, comme le veut la tradition juive. Une nuit fantomatique pendant laquelle deux êtres aux déchirures béantes vont s’opposer, s’apprivoiser et se pardonner. Dans « Mon fils », bouleversante pièce écrite, mise en scène et co-interprétée par Erwan Szejnok Zamor (au théâtre de la Contrescarpe jusqu’au 25 juin), la transmission d’un héritage familial et culturel est en jeu. Question universelle s’il en est, elle prend une dimension d’autant plus poignante lorsqu’il s’agit de celle d’un peuple martyr ayant souffert de la barbarie nazie. Mais une réconciliation est-elle possible, même par-delà la mort ?

“La Déraison”, Agnès Martin-Lugand

Temps de lecture : 2 min LITTERATURE
L’amour est-il plus fort que tout ? Se peut-il qu’il soit déraisonnable au point de s’égarer ? Agnès Martin-Lugand y apporte une réponse poignante avec son nouveau roman choral « La Déraison », paru aux éditions Michel Lafon. Écrit en miroir, ce roman d’absolu, d’amour en suspens, de destins contrariés met en scène deux êtres parvenus à un point crucial de leur vie. D’un côté, il y a Madeleine, une femme au dernier stade d’une maladie incurable. Avant de quitter ce monde, elle veut profiter de ces derniers instants avec sa fille Lisa dans la demeure familiale où elle n’est plus revenue depuis si longtemps. Elle veut lui raconter qui elle était vraiment avant sa rencontre avec son père, avant sa naissance. D’un autre côté, il y a Joshua, un homme alcoolique aux idées suicidaires, mais qui ne parvient pas à passer à l’acte. En proie à ses démons, ce compositeur et pianiste réputé vit en ermite, hanté par le passé. Seul son fils Nathan a le pouvoir, par sa présence attentive, de le faire reculer dans son désir d’en finir. Dans ce roman, l’auteure livre les émotions brutes de deux êtres à la dérive, dans lesquelles s’est cristallisée la déraison, chacun sous une forme différente. À coups de phrases courtes et rythmées, elle nous plonge au plus profond des douleurs psychologiques pour en extraire l’essence vitale. Celle qui fait avancer l’Homme. L’amour.

“Noces de corail” – L’amour en fusion qui ne laisse pas de glace

Temps de lecture : 3 min THÉÂTRE & CO
Chronique de l’inconcevable annoncée. Il ne s’agit pas d’une mort, mais de deux. Celle d’un petit ange atteint d’une maladie rare. Celle d’un couple que la douleur et les larmes font imploser à mesure que s’évanouit l’espoir de guérison de leur fille Agathe. « Noces de corail » est une comédie dramatique, à la fois brutale et émouvante, où la poésie tient haut le flambeau pour ne pas l’obscurcir avec l’ombre du pathos. L’histoire est belle et déchirante, comme toutes celles qui relatent la maladie incurable d’une enfant et le parcours de soins. Agathe souffre de calcification du cerveau. Pour nous l’expliquer, l’auteure Laure Loäec choisit l’analogie du corail. Comme on sait, le corail est constitué de polypes vivant en symbiose avec leur environnement. Pour freiner l’invasion, l’auteure imagine le froid comme antibiose. L’amour fusionnel, intense et tendre d’un couple y résistera-t-il ? Peut-il sortir indemne de l’épreuve ? Telle est la véritable question de cette pièce que la mise en scène éthérée, sobre et suggestive, de Frédéric Thibault, Zakariya Gouram et Laure Loaëc, sublime et élève au-dessus de la couche de tristesse.

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