“Maître, vous avez la parole”, haro sur les clichés pour le bonheur d’en rire !

Temps de lecture : 3 min

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Un « one-avocat-show » original et hilarant

Lors d’une soirée exceptionnelle au théâtre BO Saint-Martin, à Paris, et en prévision du Festival Off d’Avignon, Sébastien Wust nous a présenté avec brio son « one-avocat-show » original et hilarant, « Maître, vous avez la parole ». Avec ce spectacle dédié à la justice qu’il a écrit en 2018, l’avocat et comédien démonte les clichés et les fantasmes que véhicule ce métier, notamment à travers les séries de télévision. « Suits – Avocats sur mesure » ne reflète évidemment pas la réalité ! Pour nous le prouver ou nous en convaincre, Sébastien Wust use d’un arsenal redoutable  : l’intelligence, l’autodérision, le rire, la légèreté et un soupçon de gaudriole. Nous voici soudain public d’une salle d’audience, projeté dans une salle du tribunal, attendant la tenue du procès « Pivert contre Iceberg ». Être pris en otage de ces confidences est un ravissement. Nous passons un magnifique moment avec cet avocat de droit civil depuis vingt ans qui s’amuse sans complexe à égratigner la profession, en commençant par lui-même.

Le comédien s’emploie à dessiller nos yeux sur la réalité du métier d’avocat

Pour une fois que Maître Wust n’est pas en retard au tribunal, il est seul face au public d’une salle d’audience. Mais, l’attente, ce n’est pas son point fort. Pour tuer le temps, il fait du public son complice, s’étonnant de l’appétit des Français pour les affaires judiciaires, alors que leur confiance en la justice est plus que modérée. La seule explication possible  : la mécanique du vase communicant. Voir pire ne permet-il pas de se sentir mieux ? Le ton est donné et restera sur la corde raide à mesure que le comédien s’emploie à dessiller nos yeux sur la réalité du métier d’avocat. Non, les affaires ne sont pas toutes excitantes. Non, on n’appelle pas le juge « Votre honneur ». Non, on n’objecte pas. Non, un avocat civil ne connaît pas le droit pénal, ou celui des familles ou des affaires. Chacun sa partie. Cela reviendrait à comparer un dentiste à un proctologue ! Certes, ils ont tous les deux fait médecine, mais ils ne se penchent pas sur le même orifice. En droit, c’est pareil ! Qui l’eût cru ? Quant aux vices de procédure, il est aussi rare d’en trouver que le point G. Quid de la confraternité glissant peu à peu vers la concurrence ? Sans remonter aux ordalies du moyen-âge – passage hilarant ! –, maître Wust se désole de cette époque pas si lointaine où l’avocat était écouté, où le juge n’imposait pas de faire bref, cette époque révolue où les magistrats avaient du temps pour traiter le dossier au sortir des plaidoiries.

L’humour est assassin et grivois, les traits des personnages sont à tordre

Sur un ton décalé et sans filtre, Sébastien Wust désacralise le métier d’avocat. L’humour est assassin et grivois, les traits des personnages sont à tordre. C’est au procès des professions liées à la justice auquel nous assistons avec bonheur. Tout métier renferme ses fantasmes, des croyances infondées, des travers ataviques, des moments peu glorieux, mais aussi nécessite passion et énergie. Sébastien Wust ne cache rien sur son quotidien. Il revient sur de véritables affaires où l’affable citoyen se transforme en « tueur », décidé à écraser la partie adverse lors d’un conflit entre voisins ou en cas de séparation. Où l’on peut porter plainte contre une salade prénommée « Iceberg » qui vous a fait chuter ou contre le bâton de majorette qui vous a fracassé le nez. Où la morale est à géométrie variable…

Outre de s’exposer aux menaces de clients ou de condamnés, et d’être sollicité dans sa vie privée à tort et à travers, le métier d’avocat n’est pas une sinécure. Le personnage au bord du burn-out en est une parfaite illustration. Son téléphone le harcèle et met ses nerfs à vifs. Que ce soit les coups de fil insistants de l’assistant incompétent, du pote graveleux et de l’épouse impatiente, les SMS érotiques ou ses vaines tentatives pour interroger la greffière, un rien revêche, sur le retard de l’audience, tout est prétexte à transition. Un stratagème scénique astucieux qui apporte une coupure de rythme pour mieux relancer le sujet. La mise en scène dynamique de Laurent Bariohay exclut tout temps mort. Le comédien investit tout l’espace et prend par la main le public avec lequel il interagit avec malice. Il ne la lâchera plus jusqu’au final. Si nul n’est censé ignorer la loi – assertion que démonte aussi le spectacle –, nul n’est désormais censé ignorer les talents humoristiques de Sébastien Wust.

Nathalie Gendreau
©Philippe Magoni et Enzo Vaillant


Distribution

Avec : Sébastien Wust

Créateurs

Auteur : Sébastien Wust
Metteur en scène : Laurent Bariohay

Co-produit par la société D’ARGENTEUIL PROD et la compagnie Les Wagons Libres

Au théâtre L’Art Dû, 83, Rue Marengo, à Marseille, le 23 juin 2022.

Au Festival Off d’Avignon du 7 au 30 juillet à 14 heures au Théâtre Pixel (Salle Bayaf), 10 rue de la Carreterie.

Durée : 1 h 15


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