« Merci vasectomie », le spectacle qui ouvre grand les vannes !

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Qui penserait faire rire de la vasectomie, vous savez, cette méthode contraceptive… un peu radicale, même si pas totalement irréversible ? Michaël Delacour a osé. Franchement. Avec légèreté et impertinence. En total accord avec lui-même, il ouvre grand les vannes du plaisir d’être sur scène. « Merci vasectomie », vu en avant-première à La Nouvelle Seine, est un one-man-show enlevé, décomplexé et sincère sur cette volonté, que d’aucuns pourraient qualifier d’étrange, de se mutiler pour ne plus procréer. Le titre sonne comme un oxymore philosophique. Il reflète juste les convictions de l’humoriste qui l’avoue d’emblée : la vasectomie est un choix, réfléchi et consenti pour son propre bien, mais aussi pour celui de la planète. Chemin faisant en sa si sympathique compagnie, on réalise le poids de l’entourage qui fait peser sur ces hommes leur perplexité sur cette « mutilation » et leur refus de fonder une famille, sans parler de la société qui a tendance à juger ces femmes et hommes qui s’octroient la liberté de ne pas devenir parents. Cette pratique étant plus rare chez les hommes (0,3 % contre 3,9 % de femmes y ont eu recours en France en 2013), le jugement fait place à la curiosité. Se qualifiant de gentil misanthrope, voire de bisounours sociopathe, Michaël Delacour témoigne des raisons qui l’ont incité à ne pas devenir père. Car oui, si vous ne l’aviez pas encore compris, ce trentenaire l’a fait ! En pleine conscience et avec un soulagement ! C’est peut-être d’ailleurs pour cela qu’il en plaisante aussi bien.

“Titanic, la folle traversée”, une fantaisie immersive qui fera couler beaucoup d’encre !

Temps de lecture : 3 min THÉÂTRE & CO
Le suspense est éventé : le Titanic sera éventré par un iceberg dans l’océan Atlantique Nord le 14 avril 1912. Mais qu’importe le suspense, pourvu qu’on ait l’ivresse d’une folle traversée dans « le vaisseau des rêves ». Au théâtre de la Renaissance, la folie musicale de la Compagnie des Moutons noirs commence dès l’arrivée des spectateurs soudain élevés au rang de passagers. Des passagers chanceux qui s’apprêtent à vivre une croisière houleuse, loufoque, tanguant entre drame et comédie, mais surtout divertissante. Ainsi, le capitaine au style vieux loup de mer nous accueille avec bonhomie, accompagné d’un trio de musiciens, et l’équipage – constitué d’hôtesses vêtues à la « moussaillonne » – est fin prêt sur le pont pour nous guider jusqu’à notre place. Il y a comme un air de fête qui flotte. On sentirait presque les embruns sur le visage ! Forcément, cela donne confiance dans l’insubmersibilité de ce projet insensé de transposer le naufrage du Titanic sur une scène de théâtre. Le projet paraît fou. Il est ambitieux et exige des trésors d’inventivité, non seulement pour coller à la réalité, mais surtout pour nous entraîner dans son sillage homérique et burlesque.

“Maître, vous avez la parole”, haro sur les clichés pour le bonheur d’en rire !

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Lors d’une soirée exceptionnelle au théâtre BO Saint-Martin, à Paris, et en prévision du Festival Off d’Avignon, Sébastien Wust nous a présenté avec brio son « one-avocat-show » original et hilarant, « Maître, vous avez la parole ». Avec ce spectacle dédié à la justice qu’il a écrit en 2018, l’avocat et comédien démonte les clichés et les fantasmes que véhicule ce métier, notamment à travers les séries de télévision. « Suits – Avocats sur mesure » ne reflète évidemment pas la réalité ! Pour nous le prouver ou nous en convaincre, Sébastien Wust use d’un arsenal redoutable : l’intelligence, l’autodérision, le rire, la légèreté et un soupçon de gaudriole. Nous voici soudain public d’une salle d’audience, projeté dans une salle du tribunal, attendant la tenue du procès « Pivert contre Iceberg ». Être pris en otage de ces confidences est un ravissement. Nous passons un magnifique moment avec cet avocat de droit civil depuis vingt ans qui s’amuse sans complexe à égratigner la profession, en commençant par lui-même.

“A.I.R”, un show sur les dérives du progrès où rires et intelligence n’ont rien d’artificiel

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Vu au théâtre du Funambule pour une soirée exceptionnelle et programmé au Festival Off d’Avignon, « A.I.R » (Artifices intelligence et rires) est un seul en scène d’anticipation, d’un comique fulgurant et libérateur. Guillaume Loublier imagine un monde futur sans violence, une fois nos âmes vendues à la déesse Intelligence artificielle qui prône le tout technologique, une fois nous être coupés de toutes les émotions. Anticipation… vraiment ? Ce chemin vers le progrès n’est-il pas déjà bien engagé ? Est-ce un bien ? Un mal ? Que restera-t-il d’humanité en l’homme dans une société hyper connectée ? Connaîtrons-nous mieux nos machines que nous-mêmes ? L’humoriste réunit ses deux passions que sont la recherche et la comédie pour nous projeter dans une version de notre civilisation assujettie au transhumanisme. Il ne s’agit pas d’être pour ou contre, mais de comprendre vers quoi la technologie nous mène si nous n’associons pas la vision des savants (science dure) à celle des philosophes (science molle). À travers son spectacle « A.I.R », un thème de société sérieux mais traité sur un ton léger, Guillaume Loublier nous entraîne sur ce chemin tortueux dans une folie narrative avec intelligence, drôlerie et poésie… puissance mille !

« Happy Hour », l’heure qui rend vraiment heureux

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Avec « Happy Hour », c’est de la bonne humeur en barre, du rire en open bar. Vous n’êtes même pas à l’abri de vous voir servir un verre de votre choix ! Avant de fouler les planches, Daniel Camus était propriétaire du « Bahia bar » pendant cinq années, de 2004 à 2009. L’endroit de toutes les rencontres, certains comme clients d’un soir, d’autres comme piliers de comptoir. De cette expérience riche d’anecdotes et de personnalités, l’humoriste en a construit un one-man-show drôle et émouvant, qui a le don d’attraper au vol des bribes de temps où l’insouciance était reine.

“Mon fils” – Au nom d’un père fantôme

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Prisonnier de son histoire, Srul Sheinaog est le dernier du nom, sa famille ayant été entièrement exterminée. Volontairement apatride au sortir de la Seconde Guerre mondiale, il s’est fait appeler Jacques Duflot. Cet homme qui a survécu à la Shoah est resté seul avec sa peur de survivant, comme il l’expliquera à Pierre Lefrançois, le fils qu’il a refusé de reconnaître soixante ans plus tôt. Dans son testament, il demande à ce fils de le veiller une nuit, comme le veut la tradition juive. Une nuit fantomatique pendant laquelle deux êtres aux déchirures béantes vont s’opposer, s’apprivoiser et se pardonner. Dans « Mon fils », bouleversante pièce écrite, mise en scène et co-interprétée par Erwan Szejnok Zamor (au théâtre de la Contrescarpe jusqu’au 25 juin), la transmission d’un héritage familial et culturel est en jeu. Question universelle s’il en est, elle prend une dimension d’autant plus poignante lorsqu’il s’agit de celle d’un peuple martyr ayant souffert de la barbarie nazie. Mais une réconciliation est-elle possible, même par-delà la mort ?

“Noces de corail” – L’amour en fusion qui ne laisse pas de glace

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Chronique de l’inconcevable annoncée. Il ne s’agit pas d’une mort, mais de deux. Celle d’un petit ange atteint d’une maladie rare. Celle d’un couple que la douleur et les larmes font imploser à mesure que s’évanouit l’espoir de guérison de leur fille Agathe. « Noces de corail » est une comédie dramatique, à la fois brutale et émouvante, où la poésie tient haut le flambeau pour ne pas l’obscurcir avec l’ombre du pathos. L’histoire est belle et déchirante, comme toutes celles qui relatent la maladie incurable d’une enfant et le parcours de soins. Agathe souffre de calcification du cerveau. Pour nous l’expliquer, l’auteure Laure Loäec choisit l’analogie du corail. Comme on sait, le corail est constitué de polypes vivant en symbiose avec leur environnement. Pour freiner l’invasion, l’auteure imagine le froid comme antibiose. L’amour fusionnel, intense et tendre d’un couple y résistera-t-il ? Peut-il sortir indemne de l’épreuve ? Telle est la véritable question de cette pièce que la mise en scène éthérée, sobre et suggestive, de Frédéric Thibault, Zakariya Gouram et Laure Loaëc, sublime et élève au-dessus de la couche de tristesse.

« Un fil à la patte », un plaisir redoublé sous la direction de Christophe Lidon

Temps de lecture : 3 min THÉÂTRE & CO
Amateurs de portes qui claquent, de courses-poursuites, d’éclats de voix et de coups d’éclat, vous serez servis. La comédie de Georges Feydeau en trois actes, représentée pour la première fois en 1894, au théâtre du Palais-Royal, à Paris, est un inclassable. Joué et rejoué, parfois surjoué, à user la corde du suspense, mais jamais les cordes vocales. Au théâtre Hébertot, c’est un vaudeville transposé dans les années 50, sur fond jazzy et de music-hall, que le metteur en scène Christophe Lidon nous propose de redécouvrir (création au théâtre Montparnasse en 2018). Pour réinventer un Feydeau, qui ne compte pas parmi les plus affûtés, mais qui est archi connu, il fallait faire preuve d’une créativité audacieuse. Transposer à une époque ne suffit pas, évidemment. L’artifice de réinvention doit avoir du sens, une valeur ajoutée, servir la pièce pour la porter encore plus haut. Un défi qu’a relevé haut les mains Christophe Lidon avec une scénographie incluant des images vidéo en fond de scène prolongeant les décors et le jeu hors plateau. Ainsi, une fenêtre du salon du château de la baronne Duverger donne sur l’allée gravillonnée. Avant l’entrée des invités, nous assistons à leur arrivée, qui en voiture d’époque, qui à bicyclette, qui à pieds. Cet effet astucieux de passer du live à la vidéo, et vice versa, étire l’action tout en instaurant une respiration de quelques secondes… avant le retour à l’effervescence. Le tout soutenu par une bande-son jazzy qui fait danser les rires !

« Zaï Zaï Zaï Zaï », une adaptation de la BD qui a du corps et de l’esprit

Salut Zaï haï haï zaï

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De l’absurde, en voici, en voilà. Du second degré par brassées. Du détournement par ricochets. À La Comédie de Paris, la lecture incarnée de la BD de Fabcaro est un festival d’inventivité et de réjouissance. Avant d’être un objet théâtral réinventé, « Zaï Zaï Zaï Zaï » est une bande dessinée parue en 2015, aux éditions 6 Pieds sous terre. Dans son succès de librairie, Fabcaro scrute à la loupe déformante et grossissante le comportement de ses contemporains face à un fait divers improbable, qui divise et fait réagir avec fièvre la société dans sa diversité (famille, médias, police, voisinage…). Il y transpose l’essentiel des travers en quelques traits, donnant à sa tragicomédie une dimension démente. Une folie qui se complaît dans une réalité parallèle où l’échelle des valeurs a pris un sérieux coup dans l’aile. C’est l’histoire d’un mec qui s’aperçoit à la caisse d’un supermarché qu’il a oublié sa carte de fidélité. Il n’y a pas de quoi en faire un plat, penserez-vous ! Sauf que, dans cette société-là, c’est un grave délit passible d’emprisonnement. Notre anti-héros distrait choisit la fuite lorsque la caissière appelle le vigile. C’est ce périple burlesque qui a tout d’une satire sociale aussi saignante qu’hilarante que Nicolas Charlet (alias Nicolas) et Bruno Lavaine (alias Bruno) adapte sur scène à grand renfort de bruitage, de voix, de chansons et de bandes originales de Mathias Fédou. La soirée s’annonçait originale et joyeuse. Promesses tenues !

“Mademoiselle”, une comédie de mœurs grand cru bourgeois

Mademoiselle, comédie de Jacques Deva

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Dramaturge du milieu du XXe siècle (1890-1972), Jacques Deval est aujourd’hui quelque peu oublié. Pourtant, ses comédies de mœurs ne manquent pas d’esprit ni de piquant. Écrite en 1932 et plus jouée depuis 1981, « Mademoiselle » est une comédie corrosive et légère qui dépeint la famille bourgeoise par excellence, à l’entre-deux-guerres. Représentatifs d’une époque et d’une condition sociale aisée, les Galvoisier sont des parents aimants, mais négligents. La mère est affairée à ses invitations à dîner et court après la chimère de sa jeunesse. Le père avocat est par monts et par vaux à plaider en province. Leur fils, blagueur et inconséquent, est un joueur chronique. Leur fille, Christiane, non encore majeure, a soif de liberté. Quand sa mère lui annonce qu’elle a engagé une nouvelle gouvernante, la précédente ayant été congédiée, elle est catastrophée. D’autant qu’elle vient d’apprendre qu’elle est enceinte de trois mois. Un souvenir bien encombrant des vacances à la Baule. Mais elle l’est davantage lorsqu’elle rencontre « Mademoiselle », une femme austère à la morale inflexible qu’il lui sera difficile à duper. Contre toute attente, Mademoiselle sera sa meilleure alliée. Un pacte implicite que le Diable n’aurait pas mieux proposé. Christiane en perdra-t-elle son âme, après sa virginité ? Bah ! Tant que les apparences sont sauves… A découvrir jusqu’au 11 mai 2022 au théâtre Montmartre-Galabru.

“Berlin, Berlin”, Le Mur de la dérision

Temps de lecture : 3 min THÉÂTRE & CO
Faire rire de la Guerre froide, de la Stasi, du Mur de Berlin est un joyeux fait d’armes des deux compères d’écriture, Patrick Haudecœur et Gérald Sibleyras. Après l’extravagante comédie « Silence, on tourne ! », les deux auteurs se liguent une nouvelle fois contre la morosité et l’austérité au théâtre Fontaine avec « Berlin Berlin ». Leur cible est de choix puisque nous voici immergés au cœur d’une intrigue rocambolesque et loufoque à Berlin Est. C’est l’histoire d’un couple d’amoureux, Emma et Ludwig, qui cherchent à s’enfuir pour se marier à l’Ouest. La jeune femme a réussi à se faire embaucher comme aide-soignante chez Werner Hofmann pour s’occuper de sa mère grabataire. Pour elle, l’appartement est d’un précieux intérêt, car le passage secret dissimulé derrière la bibliothèque mène au Mur tout proche…

Famille Hamet(t), dans les coulisses d’une transmission artistique

Lui haret et Rosalie Hamet

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Pour Luq Hamett, maintenant que Rosalie « est » le personnage et qu’elle a été acceptée par l’équipe, il ne voit aucun nuage au-dessus du théâtre d’Edgar. Sa mère non plus : « Je l’ai élevée en lui disant que les femmes ne sont pas des petites choses fragiles et que ses émotions étaient son trésor. Elle sait qu’elle pourra toujours compter sur mon soutien si elle en a besoin. » Les parents espèrent juste qu’elle saura saisir les occasions et interpréter les signes qui passeront à sa portée. « J’en ai connu des comédiens, pourtant excellents, qui n’ont pas fait carrière parce qu’ils ont refusé “le rôle” qui les aurait pourtant rendus célèbres », remarque Luq Hamett, circonspect. C’est le destin, mais aussi l’instinct. Pour l’instant, Rosalie Hamet ne boude pas son plaisir d’être sur les planches. « À partir du jour où j’ai posé le pied sur scène, j’ai trouvé une énergie dont j’ignorais tout. Celle que les spectateurs me donnent. Je n’ai pas très envie de les quitter ». Pourtant, la jeune comédienne prépare pour 2023 le Conservatoire national d’art dramatique, ce qui l’empêchera, si elle est reçue, de travailler ailleurs. Un choix cornélien qu’elle envisage avec philosophie : si elle est acceptée, ce sera très bien ; si elle est refusée, ce sera aussi très bien. Pourvu qu’elle apprenne, pourvu qu’elle vive le théâtre !

Critique de « Les mots d’Électre » : une tragi-comédie moderne et captivante (♥♥♥♥♥)

Les mots d'Electre théâtre de l'Atelier

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Faut-il choisir entre la résonance funeste des mots tus et leur verbalisation dévastatrice ? Si tant est qu’on ait le choix ! Si tant est qu’on puisse les dire ! Les mots sont ravageurs, parfois tueurs, à petit feu ou à boulet rouge. La pièce tragi-comique « Les mots d’Electre » (au Théâtre de l’Atelier, à Paris), montée par La compagnie hors du temps, en est un magistral exemple. Ces mots sont ceux d’Électre qui trame pour que la vérité fût, quitte à provoquer un cataclysme, et qui diffuse sa haine contre une mère manipulatrice. Ce sont ceux d’Oreste qu’il oppose à sa sœur pour la convaincre de renoncer à sa vindicte et, ainsi, éviter d’être son bras vengeur. Ponctuant ce duel fraternel, un autre langage s’intercale, fade, euphémique, trompeur. Celui du langage stéréotypé du corps médical, de l’Église, de la politique. Fourbisseur hors pair d’éléments de langage, Oreste écrit des discours prêt-à-porter, sans chair ni consistance. À l’écouter, les promesses non tenues ne seraient pas des mensonges. À croire le Diacre, il faudrait prier, faute de comprendre. On se raconte bien des histoires pour ne pas les entendre, ces mots qui disent la vérité, qui font mal, mais qui portent en eux la délivrance, la renaissance… Que de mots, que de mots, me direz-vous ! Mais ceux de La compagnie hors du temps nous élèvent autant qu’ils nous réjouissent.

Critique sur “Moi aussi, j’ai vécu”, tendresse au panthéon des souvenirs (Coup de cœur)

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Sur la scène de la salle Jean-Topor, au théâtre du Rond-Point, un homme se livre. À moins que ce soit la part de l’enfant qui n’a pas grandi. De son livre autofictionnel éponyme, « Moi aussi, j’ai vécu » (éd. Flammarion), Hélios Azoulay a tiré un seul-en-scène poétique, tendre, bouleversant, captivant. Accompagné dans cette écriture par le metteur en scène Steve Suissa, l’humoriste-romancier nous conte le clair-obscur de ses tourments à travers une narration où l’imaginaire et la fantaisie se taillent la part belle. Ce compositeur et clarinettiste, également directeur de l’Ensemble de Musique Incidentale, nourrit ses propres sonorités intérieures qu’il nous transmet, sous l’empire d’une désarmante extravagance. Ainsi, le comédien relate ses retrouvailles avec son père, mort trente-cinq ans plus tôt, en Inde. Chaque fois, il le perd et le retrouve lorsque celui-ci se rend aux toilettes, comme si c’était le passage le plus direct pour rejoindre l’Eden des nostalgiques fantômes. Ce scénario aux étranges tonalités du souvenir réincarné est le prétexte souverain pour le comédien de défricher le chemin de son enfance, qu’il dit éclatée. Ainsi se réconcilie-t-il avec ses douleurs, son manque et ses failles. Ce retour en arrière porté tant par les mots que par les notes de musique lui est nécessaire pour crier à la face du monde, et donc de lui-même, que, lui aussi, il a vécu. Malgré tout.

“Mais t’as quel âge ? !” : Avec Marion Pouvreau, le rire est intergénérationnel (♥♥♥♥♥)

« Mais t’as quel âge ?! » Marion Pouvreau Folie théâtre jusqu'au 22 avril 2022

Temps de lecture : 3 min THÉÂTRE & CO (♥♥♥♥♥)
Que n’a-t-on entendu ce reproche dans la bouche de nos parents qui se désespéraient de nous voir enfin grandir ! Derrière cette question rhétorique d’exaspération se cachait souvent de l’indulgence. Au fait, peut-on dire que c’est une expression de vieux ? Sapristi, flûte, zut ! Qu’il est facile d’être démasqués par notre langage ancré depuis des lustres d’utilisation ! Des mots accrochés à telle ou telle génération, c’est une réalité que la pétillante trentenaire Marion Pouvreau (Prix Meilleur Espoir Avignon 2021) a observée pour la transposer dans « Mais t’as quel âge ?! ». La mise en scène mobile et énergique de Yannick Bourdelle concrétise efficacement cette urgence du temps qui passe. Ainsi, dans son deuxième seul en scène, tordant et rythmé, l’humoriste s’empare de ce qu’elle nomme « concept des générations » pour en balayer les signes distinctifs auxquels on ne pourrait échapper, de la génération dite silencieuse (avant 1945) à Z (1996-2010). On se rassure comme on peut : l’âge réel est celui du cœur et des artères, on ne se sent pas vieillir, on est tous le jeune ou le vieux de quelqu’un, etc. Mais, si tout est relatif, tout est aussi une question de génération qui nous trahit. Le temps file, c’est un fait, mais vous le laisserez filer avec un plaisir non boudé sur la scène de la Folie Théâtre, à Paris, jusqu’au 28 avril, au Festival Off d’Avignon et en tournée jusqu’à fin 2022.

Critique de “Black Comedy”, une bonne farce à contre-courant (♥♥♥♥ )

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Classique anglais farfelu et drolatique, créé en 1965 par Peter Shaffer (1926-2016), « Black Comedy » a traversé la Manche pour s’amarrer au port du Splendid à Paris, jusqu’au 4 juin. Cette farce est l’histoire d’un artiste sculpteur sans le sou qui emprunte du mobilier à son voisin antiquaire en son absence pour recevoir un collectionneur intéressé par ses œuvres. Tout se passe pour le mieux quand une coupure de courant généralisée contrecarre ses plans. Pire ! Son futur beau-père qu’il ne connaît pas encore fait irruption, puis la voisine acariâtre, puis l’antiquaire revenu plus tôt que prévu. Et la catastrophe n’en est qu’à ses prémices ! Adaptée par Camilla Barnes et Bertrand Degrémont, la version française brille d’une même énergie, à contre-courant, alternant entre le rationnel et l’irrationnel avec autant de constance qu’un tangage sur une mer démontée. Quelle attitude aurions-nous vis-à-vis de notre prochain dans l’obscurité totale pendant une soirée électrique ? Soudain désinhibés dans le noir, les personnages montrent, eux, peu à peu, leur vrai visage, les masques tombent, la vérité de chacun claque au grand jour. Sous la direction d’une précision de métronome de Grégory Borco, les sept comédiens qui brûlent les planches en feignant de n’y voir goutte provoquent de redoutables arcs électriques de rires.

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