Critique de « Beyrouth Hôtel », un choc culturel à huis clos (♥♥♥ )

Beyrouth Hôtel Théâtre du Gymnase

Temps de lecture : 3 min THÉÂTRE & CO
Dans un climat de guerre latente, ponctuée d’attentats, la vie s’écoule à Beyrouth. Comme elle peut. Comme son peuple l’entend. Pour survivre, pour conjurer le malheur larvé qui plane sur ce beau pays. Jouée au théâtre du Gymnase, la pièce de Rémi De Vos, « Beyrouth Hôtel », s’inscrit dans ce paysage de conflits qui donne le ton et le sel à un choc culturel entre l’Occident et l’Orient. Il imagine une rencontre entre un auteur dramatique français, un égocentrique raté et désabusé, et une réceptionniste libanaise affriolante, boulimique de fêtes et d’insouciance. Pendant cinq jours, cet auteur attend son rendez-vous avec un metteur en scène local qui se disait intéressé par sa pièce, mais qui demeurera aux abonnés absents. Une confrontation culturelle, émaillée d’incompréhensions, alternant entre rapprochement et rejet, s’installe alors entre la jeune femme dont l’appétit de vie fait injure à l’humeur chagrine et anxieuse de son client…

“Very Math Trip”, la mission sacrée de Manu Houdart

Temps de lecture : 3 min THÉÂTRE & CO
Les langues vivantes, on connaît. En revanche, qui aurait accordé du crédit à l’existence des maths vivantes ? Pourtant, le Belge Manu Houdart nous le prouve A + B avec une énergie folle, lors de son spectacle au théâtre du Gymnase. « Very Math Trip » est un voyage ludique et pédagogique à travers le temps et les chiffres pour démythifier cette matière sur lesquels bon nombre d’entre nous ont buté, à un moment ou à un autre de notre scolarité. Que l’on ait été un petit génie ou un cancre, ou même une tête en l’air qui comprenait les maths ou pas selon le prof, ce spectacle est fait pour tous, petits et grands ! Prouesse incroyable de la part de ce prof de mathématique qui s’est donné pour mission d’être un vulgarisateur universel, non pas pour redonner aux maths ses lettres de noblesse, mais bien pour annoncer l’allégresse qu’elle procure et toute la poésie qu’elle recèle. Sous la direction de Thomas le Douarec (metteur en scène du spectacle Les Hommes viennent de Mars et les Femmes de Vénus), et avec une bonne dose d’humour, d’esprit et d’inventivité pour donner du sens à cette matière au premier abord rébarbative, Manu Houdart casse la baraque et nous dispense ses effets « Waooh ! » à foison.

“On est tous le vieux d’un autre”, le voyage de la rédemption pour Mémé Casse Bonbons

Temps de lecture : 4 min THÉÂTRE & CO
Mémé Casse bonbons, le personnage d’Anne Cangelosi, fait son grand retour à Paris avec « On est tous le vieux d’un autre » au Studio Marie-Bell du théâtre du Gymnase. Octogénaire plus nature que jamais avec son franc-parler incisif et décomplexé, elle vient nous narrer sa croisière sur le Nil et la découverte d’un pays magnifique, cependant gâchée par sa population… arabe. Eh oui, Joséphine Troux, veuve marseillaise du village de La Bouilladisse, est toujours aussi raciste vis-à-vis des étrangers… qu’ils soient en France ou chez eux. Dans ce troisième épisode de la vie de Mémé Casse Bonbons, Joséphine aura maille à partir avec les passagers du bateau qui la prennent en grippe, reprochant son savoir-être en société quelque peu exécrable. Un tel traitement en vase clos pendant une semaine va entamer les préjugés très profondément enracinés de cette voyageuse revêche et insupportable. Meurtrie par l’intolérance qu’elle subit et dont elle s’étonne, Joséphine verra son cœur s’ouvrir peu à peu comme une fleur pour accueillir l’autre, même différent. Cette rédemption apporte une évolution qui renouvelle le personnage. Anne Cangelosi est toujours aussi à l’aise et crédible dans son jeu, mais on retiendra de sa performance un aspect qui ressort davantage dans cet opus : l’émotion. Une émotion incarnée, vibrante, qui passe par les yeux, la fêlure d’une voix, les blessures invisibles. Un être plus vivant que jamais qui réunit l’amour universel de toutes ces mémés qui ont accompagné notre enfance.

“Double jeu”, des retrouvailles en ordre de bataille

Temps de lecture : 3 min THÉÂTRE & CO
Trente-cinq ans après le lycée, une ancienne bande d’amis se retrouve autour d’un apéritif organisé par l’une des leurs, Charlie. Histoire de se remémorer les bons moments, de convoquer les souvenirs heureux, de parler de ce que leur vie leur a réservé. Rien de plus anodin… en apparence ! Mais, comme le titre de la nouvelle pièce de Brigitte Massiot le laisse supposer, « Double Jeu » promet des apparences trompeuses et suggère des règlements de compte en boomerang. Comment sept anciens amis, adultes installés dans la vie, vont-ils pouvoir renouer avec leur vie lycéenne sans éclats ni dommages, alors que chacun n’est pas tranquille avec son passé ? Cette période censée être insouciante et heureuse qui s’est brutalement refermée sur un drame les a irrémédiablement changés. Les anciennes querelles couvent sous les cendres de l’amitié. L’étincelle qui ravivera les braises sera-t-elle l’occasion de faire toute la lumière sur les véritables relations des uns avec les autres, pour éteindre à tout jamais le sentiment de culpabilité, les remords, les torts ? Pour cela, il y a un prix à payer : celui de la vérité, de la sincérité, des explications. Dans cette comédie policière au scénario solide et captivant, aux personnages tout en richesse et complexité, l’humour et le drame s’unissent en tir groupé pour frapper juste. Justesse de jeux, justesse de situations, justesse de mise en scène. Un triplé gagnant sur la scène du Gymnase Marie Bell qu’il ne faut manquer sous aucun prétexte !

“Un contrat”, du polar dans les règles de l’art duelliste

Temps de lecture : 3 min THÉÂTRE & CO
Manquer ce duel psychanalytique eut été dommage. « Un contrat », seule pièce de théâtre (1999) de Tonino Benacquista, est un polar théâtral hors norme, aux dialogues percutants, à l’humour noir et au raisonnement subtil. Défini par son auteur comme un « western psychanalytique », la tension et le suspense montent crescendo dans une salve ininterrompue de répliques qui font mouche et percent les carapaces des deux protagonistes. C’est un duel au sommet de l’intelligence qui se déroule en deux actes et un épilogue au théâtre du Gymnase Marie-Bell, où le silence est polymorphe. D’un côté, la loi du silence du chef de gang angoissé et, de l’autre, le secret professionnel du psychanalyste de renom. Haletante et captivante à la fois, la confrontation est menée avec des nuances de jeu d’une justesse rare de la part des deux comédiens, allant pour l’un de l’écoute bienveillante à l’écoute contrainte, et pour l’autre allant des menaces aux révélations. Ce duel psychologique, dont l’issue reste imprévisible, atteint son apogée à la dernière réplique. Du grand art ! Patrick Seminor (le psychanalyste) et Olivier Douau (le chef de gang) font montre d’une belle présence scénique, judicieusement orientée par le metteur en scène Stanislas Rosemin. Économie de gestes, silences éloquents, peur à fleur de peau, regards pénétrants forment un tout palpable qui donne corps aux mots et à leurs conséquences. Remarquable !

“Dernier carton”, un huis clos qui bouscule

Temps de lecture : 3 min THÉÂTRE & CO
Deux hommes s’affrontent sur les planches du théâtre du Gymnase Marie-Bell. Ils ne sont rien l’un pour l’autre. Seule une situation les réunit : un déménagement. Alors que le dernier carton trônant dans la pièce vide marque une page qui se tourne pour Richard, le déménageur semble hésiter. Il est sur le point de quitter l’appartement, mais une force le retient. Cette même force qui va prendre à la jugulaire l’animateur littéraire de TV, très connu au demeurant. Quand l’humour absurde, sombre et dramatique, s’invite dans la danse, c’est un combat explosif qui s’annonce. Il sera rude entre les protagonistes qui font preuve d’inventivité pour feinter, esquiver et frapper l’adversaire, dans tous les sens du terme, révélant à bon escient les strates de mensonges, de flous et d’ambiguïté. Le texte très actuel d’Olivier Balu, un jeune auteur au talent certain, propose un thriller psychologique décapant, haletant, renversant qui ne lâche ni les personnages ni le public. Il ménage le suspense par des virages comportementaux, parfois à 180°, qui laisse planer le doute de la folie. La mise en scène réaliste de Laurent Ziveri est très efficace. Elle offre à ce duo de choc toute l’amplitude de jeux possible, de la ruse à la violence, de la sincérité à la tromperie. Patrice Laffont et Michaël Msihid prennent un malin plaisir à partager la scène, leur complicité saute aux yeux et leur énergie saisit au col.

“Rimbaud Verlaine”, le stupéfiant biopic d’un amour absolu

Temps de lecture : 4 min THÉÂTRE & CO
Au théâtre du Gymnase sont évoquées avec force talents les trois années d’amours tumultueuses et inspirées de Paul Verlaine et Arthur Rimbaud, de 1871 à 1873. Sur une idée du producteur Pierre Cardin et de Rodrigo Basilicati Cardin, l’auteur et metteur en scène Stéphan Roche a commis un « Rimbaud Verlaine » de toute beauté. Le livret, la mise en scène, mais aussi la musique, la chorégraphie, la scénographie, les voix et le jeu des comédiens ont contribué à faire de cette pièce de théâtre musicale une œuvre frappante et exquise à la fois, qui exalte le sens du beau en étant très éloquente. Sans verser dans la pure comédie musicale, cette pièce aux points d’orgue chantés narre la rencontre de deux poètes du XIXe siècle, géniaux et hors normes, et leur relation fusionnelle à la fois créatrice et destructrice qui les a rendus immortels. Ces deux êtres révoltés, épris de « liberté libre » mais incompris dans un siècle de conventions, n’ont eu de cesse de s’aimer et de s’entre-déchirer passionnément, avec grandeur et décadence, comme seuls les plus grands esprits savent le vivre, jusqu’au point de rupture : les deux coups de revolver tirés par Verlaine sur Rimbaud, le blessant au poignet, et la condamnation du premier à deux ans de prison au désespoir du second.

“Nature morte dans un fossé”, du polar théâtral noir, beau et utile

Temps de lecture : 3 min THÉÂTRE & CO
Frissons et tension extrême sont au menu de « Nature morte dans un fossé ». Repris à la rentrée au théâtre du Gymnase Marie-Bell, ce polar noir est la satire d’une violence ordinaire faite aux femmes, le désenchantement d’une jeunesse fragilisée par les addictions, le trafic et les arrangements sexuels, avec en fil d’Ariane le labyrinthe des mauvais choix dans lequel se débattent les personnages. Ce militantisme intelligent focalise toute l’attention jusqu’au paroxysme du dénouement qui suscite révolte et incrédulité. Pourtant, quoi de plus crédible qu’une histoire vraie ! Un fait divers, comme on en voit trop : le meurtre d’Élisa Orlando, une jeune femme retrouvée, le corps nu martyrisé, dans un fossé entre Gênes et Milan. Comédienne et auteure, Wally Bajeux n’aime rien tant que créer beau et utile. Cette union fait la force de son adaptation du livre de Fausto Paravidino, auteur contemporain dont l’œuvre analyse les travers de notre société. Pour l’adapter, Wally Bajeux a misé sur une originalité narrative électrisante, qui pulse sans répit. En rendant les pensées des sept comédiens audibles, plus que du théâtre immersif, c’est une immersion intime dans l’esprit de chacun d’eux qui est instaurée. À leur insu, les spectateurs sont aimantés par des scènes au réalisme saisissant. Du beau théâtre, alliant puissance et originalité, opposant violence et finesse, comme on en voit rarement !

“Ça reste entre nous”, un cœur à cœur irrésistible !

Temps de lecture : 4 min THÉÂTRE & CO
Voici un binôme d’une valeur sûre, pour nous, spectateurs en quête de rires et de bonne humeur. Deuxième mise en scène d’Olivier Macé sur les textes de Brigitte Massiot, « Ça reste entre nous ! », au théâtre du Gymnase Marie-Bell, est bien parti pour faire durer le plaisir au-delà de la date fatidique de fin prévue le 28 avril 2019. Pour parfaire cette comédie échevelée se greffent à cette amitié de treize ans quatre trépidants comédiens habitués du boulevard. Michèle Garcia/Pierre Douglas et Isabelle de Botton/Bruno Chapelle forment deux couples proches de la cinquantaine qui marient leurs enfants respectifs. Mais il y a comme un hic au soir du mariage. Une révélation explosive fait chavirer l’existence de chacun, mais surtout leur façon de penser la vie. Les répliques sont autant de missiles de l’humour qui font mouche à chaque tir. Pas de répit entre les dialogues, c’est la tension qui grandit à mesure que l’impossible vérité se pare d’une réalité implacable pour les deux épouses : Jacques (Pierre Douglas) fait éclater au grand jour son amour pour André (Bruno Chapelle), amoureux et amants depuis deux ans. Loin de n’être qu’un vaudeville désopilant, ce texte n’a pas oublié d’être intelligent et de parler droit au cœur. « Ça reste entre nous » interroge les sentiments et leur durée, leurs faux-semblants et les petits arrangements avec soi pour ne pas voir. Un excellent pied de nez à la bien-pensance !

“L’amour est dans le prix”, du vécu à revendre !

Temps de lecture : 4 min THÉÂTRE & CO
La petite salle du théâtre du Gymnase Marie-Bell voit débarquer du vendredi au dimanche l’explosive troupe de comédiens qui s’éclate dans « L’amour est dans le prix ». Écrite comme une comédie sentimentale satirique par Thierry Boudry, la pièce inspirée de sa vie personnelle est surtout une comédie de mœurs. Non sans autodérision, elle retrace le parcours chaotique d’un éternel amoureux et de son évolution au fil des ans et des gifles à poings fermés. Car, le mariage n’est-il pas un vaste ring et les conjoints, des partenaires qui se muent en adversaires ? Brandissant le parti d’en rire par des réparties qui claquent à chaque reprise, l’auteur sublime ses amours et ses séparations à travers trois couples de comédiens qui donnent tout, de la dernière chemise à la petite culotte ! Ces six personnages vont se croiser, s’aimer et s’entre-déchirer à une période déterminée, qui semble être la même, jusqu’au surprenant gong final. L’auteur ne vous promet ni du sang ni des larmes, quoique… Mais du rire, de la nostalgie, de la cruauté, du cynisme, de l’infidélité, de l’amour vache folâtrant dans un pré carré entouré de paravents en plexiglas. Une pièce sous haute sobriété scénique où tout est suggéré. L’entreprise de pompes funèbres, le restaurant, le ring de boxe et la galerie de peinture : on s’y croirait !

Pin It on Pinterest