“Les dernières heures”, Ruth Druart

Temps de lecture : 2 min

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Le deuxième roman de Ruth Druart « Les dernières heures », paru aux éditions City, se coule dans la même veine historique que le premier « L’enfant du train ». Cette fois-ci, elle nous immerge dans l’histoire de France, aux dernières heures de l’Occupation, à Paris. À l’aube de la Libération, une mère et ses deux filles, Élise et Isabelle, vivent des jours difficiles, en l’absence du père retenu prisonnier en Allemagne. Comme tous ses compatriotes, Élise voue une haine rentrée contre tout ce qui porte un uniforme allemand. Mais, en cachette, elle exfiltre les enfants d’un orphelinat juif avant leur départ au camp de Drancy. Un jour, elle rencontre Sebastian, un jeune soldat allemand, dans une librairie. Cet Allemand-là est à l’étroit dans son costume d’oppresseur. Les jeunesses hitlériennes, le front de l’Est, la vindicte aveugle contre les juifs et la Ville lumière enténébrée par l’occupation allemande, tout le révolte. Leur amour caché, contre nature, voire contre-patriotique pour Élise, sera broyé dès les premières heures qui se comptent en si peu de mois, alors qu’il aurait dû durer une vie entière. L’avalanche de violence contre eux aura de dramatiques répercussions sur leur devenir. Elle sera arrêtée puis rasée. Il sera arrêté, puis… le silence. Il s’écoulera presque vingt ans avant qu’Élise, exilée en Bretagne, connaisse la vérité grâce à la ténacité de sa fille Joséphine.

Intriguant au possible, « Les dernières heures » vous emporte dans un tourbillon d’émotions et de révélations tout en se focalisant sur l’amour que la détestation d’un peuple oppresseur interdit. Ruth Druart nous fait vivre ces dernières heures d’une Occupation insupportable, menaçante et déshonorante. Les relations charnelles entre Allemands et Françaises sous l’Occupation ont été légion. Parmi celles-ci, certaines étaient guidées par l’amour, voire le grand amour. Dans une version originale de ce postulat, l’auteure sait nous rendre sympathique cet Allemand (un peu Français par sa grand-mère tout de même !) qui rejette de tout son être le pouvoir d’Hitler, pris dans l’étau de l’obéissance. Il parviendra à s’en affranchir en suivant Élise dans son investissement patriote. Parfois, trahir son pays, son peuple, est un devoir.

Sous forme d’une enquête familiale, ce roman choral confronte deux époques (1944 et 1963), mais aussi deux destins qui fusionneront pour en créer un troisième, celui de Joséphine. Cette enfant « de la honte » qui aura grandi sans père et sans connaître son histoire sera le trait d’union des retrouvailles de ses parents. Ainsi, les deux récits, à l’instar des protagonistes, avancent l’un vers l’autre, progressivement, et finissent par se rejoindre en digne apothéose. La tension entre les deux destins est maintenue jusqu’aux révélations en cascade. L’amour de ces deux êtres, pris dans la tourmente de l’histoire, était inconcevable pour la société qui avait tant souffert. Si l’occupant a perpétré des horreurs, la haine de l’occupant a conduit à en commettre, sous couvert de justice qui, souvent, avait les traits de la vengeance. Ruth Druart l’évoque avec intelligence et délicatesse. L’atmosphère et les émotions sont restituées avec force et sobriété. L’amour est beau, pur, résigné. Tout autant que la douleur. Tout autant que l’espoir vaincu. Un très bon moment de lecture, instructif et passionnant.

Nathalie Gendreau

City Editions, 29 juin 2022, 464 pages, à 22 euros.


1 réflexion au sujet de « “Les dernières heures”, Ruth Druart »

  1. Nathalie Gendreau a souvent le chic pour trouver des romans qui nous interpellent dans notre actualité. Cette fois c’est l’amour en temps de guerre que nous propose Ruth Druart avec son roman « Les Dernières Heures ». Et l’on pense aussitôt au drame Ukrainien qui bouleverse notre quotidien émotionnel… quand il nous laisse un peu de répit hexagonal.

    Mais cet amour maudit est devenu aujourd’hui quasiment banal malgré l’intensité de ceux qui vivent cette collaboration organique. La trouvaille de Ruth Druart est d’introduire un 3ème personnage dans cette aventure traditionnellement réservée aux duos et, aussi, de compléter cette brève rencontre tragique des années 40 par une suite vécue vingt ans après par le fruit de ces amours soi-disant coupables.

    Je connais bien cette deuxième époque puisque c’est la mienne mais les années 40 sont le terreau sur lequel j’ai grandi et qui, manifestement, inspire encore nombre de nos politiciens de Gauche qui le rabâchent « ad nauseam », concentrés sur le point Godwing de leur horizon étriqué. Et si on laissait Hitler aux bons soins des vrais historiens ?

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