“Noces de corail” – L’amour en fusion qui ne laisse pas de glace

Temps de lecture : 3 min

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L’histoire est belle et déchirante

Chronique de l’inconcevable annoncée. Il ne s’agit pas d’une mort, mais de deux. Celle d’un petit ange atteint d’une maladie rare. Celle d’un couple que la douleur et les larmes font imploser à mesure que s’évanouit l’espoir de guérison de leur fille Agathe. « Noces de corail » est une comédie dramatique, à la fois brutale et émouvante, où la poésie tient haut le flambeau pour ne pas l’obscurcir avec l’ombre du pathos. L’histoire est belle et déchirante, comme toutes celles qui relatent la maladie incurable d’une enfant et le parcours de soins. Agathe souffre de calcification du cerveau. Pour nous l’expliquer, l’auteure Laure Loäec choisit l’analogie du corail. Comme on sait, le corail est constitué de polypes vivant en symbiose avec leur environnement. Pour freiner l’invasion, l’auteure imagine le froid comme antibiose. L’amour fusionnel, intense et tendre d’un couple y résistera-t-il ? Peut-il sortir indemne de l’épreuve ? Telle est la véritable question de cette pièce que la mise en scène éthérée, sobre et suggestive, de Frédéric Thibault, Zakariya Gouram et Laure Loaëc, sublime et élève au-dessus de la couche de tristesse.

Le verbe est autant en profusion qu’en fusion

Au début, il y a le verbe, dit-on. Dans « Noces de corail », le verbe est autant en profusion qu’en fusion, il bouscule tout en irradiant. Il réfléchit sa chaleur dans les cœurs des protagonistes et se démultiplie, comme le corail. Tantôt leur verbe est joie. Tantôt il est sanglots. Il est toujours juste dans les déchirements et dans les éclats d’amour qui font tout autant de bruits. Peut-être trop de bruits ? La douleur est en dents de scie, alternant abattement et révolte. L’empathie du public est totale dans sa position mutique. Perdre un enfant d’une maladie rare qui annihile tout espoir est une épreuve totale, qui resserre les liens du couple ou les détruit. L’auteure parvient à nous restituer avec force et poésie les étapes d’une relation fusionnelle de deux amants devenus couple, puis parents, tout en retraçant la gradation de leurs réactions émotionnelles face à la maladie dégénérative. Elle décrit la stupeur, le combat, la volonté d’y croire, les non-dits et les vérités qui font autant de mal, la colère, la tentation de résignation, l’abattement. Et la nécessité vitale d’un couple de redevenir deux pour être plus fort face à l’adversité. Ainsi pourront-ils donner le meilleur d’eux-mêmes à leur fille agonisante.

Les émotions jaillissent et ricochent

Agathe, jouée par la gracile Alice Berger, est attendrissante. Le jeu nuancé de la comédienne rend son personnage à la fois sage et joueuse, innocente et mûre. Elle est l’axe autour duquel s’affairent les adultes. Elle comprend mieux ses parents qu’eux-mêmes et les incite à s’interroger sur la situation, sur leur douleur, leur capacité à la surmonter et la lente agonie de leur couple. Ce passage de la narratrice à la petite fille est fluide et quasi naturel. Ce soir-là, le couple était interprété par Amandine Pudlo et Yannick Mazzili. Ils jouent des parents à l’amour absolu, avec profondeur et conviction. Ils expriment tant et si bien cet amour inconditionnel mis à rude épreuve qu’ils en deviennent vrais. Les rôles des infirmiers et du médecin sont tenus par Thomas Drelon. Tout aussi crédible, il nous donne à entendre les mots implacables du diagnostic et de l’hypothétique remède du froid qui font froid dans le dos. Ainsi, la petite Agathe devra-t-elle manger des glaçons, dormir dans des draps glacés et vivre dans les courants d’air pour ralentir le grignotage du cerveau par le corail.

De l’incandescence de l’amour, on passe au refroidissement de l’atmosphère que permet une mise en scène inventive. Entre lumière bleutée, meubles au ton glaçant comme la morgue, flocons virevoltants, la sensation de froid gagne du terrain, vient s’immiscer entre ce couple malmené, que les ballons de baudruche, qui se multiplient à l’instar du corail, ne sauraient égayer. Entre rires et pleurs, entre espoir et désespoir, les émotions jaillissent et ricochent. Autant de raisons pour découvrir une pièce qui ne peut laisser indifférent. Si la vie offre une infinité de possibilités entre 0 et 1, comme souligne l’auteure, les « Noces de corail » est une des portes d’entrée pour les entrevoir.

Nathalie Gendreau
©CédricVanier


Distribution
Avec : Alice BERGER,  Amandine DEWASMES (en alternance avec Amandine PUDLO), Zakariya GOURAM,  Aymeric LECERF (en alternance avec Yannik MAZZILLI)

Créateurs
Auteure : 
Laure LOAËC

Metteurs en scène :  Frédéric THIBAULT,  Zakariya GOURAM,  Laure LOAËC

Création Lumières : Bastien GERARD et Arthur GAUVIN
Création costumes : Sarah BAZENNERYE
Scénographie : Sarah BAZENNERYE

Production Théâtre des Béliers Parisiens & Le Funambule Montmartre

Du mardi au samedi à 21 heures ou 19 heures selon les semaines, le dimanche à 16 heures, jusqu’au 26 juin 2022.
Relâche les mardis 17 et 31 mai, ainsi que le 21 juin 2022.

Au Théâtre du Funambule, 53 rue des Saules, Paris XVIIIe.

Durée : 1 h 10


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