“Berlin, Berlin”, Le Mur de la dérision

Temps de lecture : 3 min

♥♥♥

Au cœur d’une intrigue rocambolesque et loufoque à Berlin Est

Faire rire de la Guerre froide, de la Stasi, du Mur de Berlin est un joyeux fait d’armes des deux compères d’écriture, Patrick Haudecœur et Gérald Sibleyras. Après l’extravagante comédie « Silence, on tourne  ! », les deux auteurs se liguent une nouvelle fois contre la morosité et l’austérité au théâtre Fontaine avec « Berlin Berlin ». Leur cible est de choix puisque nous voici immergés au cœur d’une intrigue rocambolesque et loufoque à Berlin Est. C’est l’histoire d’un couple d’amoureux, Emma et Ludwig, qui cherchent à s’enfuir pour se marier à l’Ouest. La jeune femme a réussi à se faire embaucher comme aide-soignante chez Werner Hofmann pour s’occuper de sa mère grabataire. Pour elle, l’appartement est d’un précieux intérêt, car le passage secret dissimulé derrière la bibliothèque mène au Mur tout proche. Il suffirait de percer quelques fondations pour goûter à la liberté, de l’autre côté du Mur. Résolue, elle entraîne son amoureux Ludwig, un être empoté et peureux, dans cette aventure aux dangers démultipliés. A commencer par cet agent de la Stasi qui use de son pouvoir coercitif pour la charmer. De plus, l’appartement est surveillé par un voisin espion qui abuse d’un pouvoir de rétorsion. Bref, ces impondérables viennent enrayer un plan pas si bien huilé, malgré toute la bonne volonté de nos apprentis de la grande évasion. N’est pas espion qui veut ! Entre roueries et rebondissements, cette comédie dépote et rempote, euh pardon, remporte haut les mains l’adhésion des spectateurs hilares.

La tension et l’urgence installées par la mise en scène de José Paul

Berlin Berlin Werner joue du violon

Dès l’ouverture du rideau, une vidéo aux effets 3D nous fait longer la façade du Mur de Berlin jalonné de sinistres miradors. De ruelle en ruelle, nous atterrissons dans l’appartement d’un fonctionnaire de la police secrète est-allemande. Papier peint à l’imprimé « faucille et marteau », mobilier fonctionnel et terne, affiche de propagande accrochée au mur. L’intérieur créé par Édouard Laug ne fait aucun doute sur l’époque et le lieu. Au troisième acte, ce sont les bureaux de la Stasi qui prennent place, froids, dépouillés, lugubres. Là où sont torturés les prévenus ; là où sont décodés les messages chiffrés ; là où les oreilles de Moscou traînent. Dans ces décors ainsi plantés, un vent de panique prend ses quartiers et la menace d’être démasqués est croissante. La tension et l’urgence installées par la mise en scène de José Paul s’inscrivent dans les déplacements des comédiens qui forment un ballet – bien huilé lui – de gesticulations et de postures qui déclenchent rires et sourires. Le tout sous-tendu par une musique de cinéma de Michel Winogradoff qui apporte un souffle quasi épique à la comédie.

Un dynamisme étourdissant

Les huit comédiens battent le plancher de la scène avec un dynamisme étourdissant. Dans son costume est-allemand, Maxime d’Aboville campe avec finesse un officier de la Stasi rigide, mais aux failles discernables. Il a un cœur qui bat – mais oui ! – pour sa maman et pour Emma, même s’il l’exprime de manière… radicale. Emma est une jeune femme déterminée et aux ressources illimitées, notamment lorsqu’il s’agit de se jeter au cou de Werner pour se sortir d’un mauvais coup. Anne Charrier incarne à merveille la femme faite homme qui inspire et tire vers le haut le peu de courage de son prétendant. Conforme à ses personnages, Patrick Haudecoeur joue la maladresse avec talent. Un Bourvil du boulevard, à la fois attendrissant et couard, mais surprenant par une certaine inconscience naïve qui le pousse à se dépasser. Un benêt qui n’en a que l’air et qui nous raconte un personnage autrement plus complexe. Au bout de bien des mésaventures désopilantes, les deux Berlin écartelés par un mur infâme finissent enfin par s’embrasser et ne faire plus qu’un. Minute de silence pour le souvenir. Pour le spectacle, fervents applaudissements. Les quatre nominations aux Molières 2022 en font foi.

Nathalie Gendreau
©Bernard Richebé


Berlin Berlin théâtre FontaineDistribution
Avec : Anne Charrier, Maxime d’Aboville, Patrick Haudecoeur, Loïc Legendre, Guilhem Pellegrin, Marie Lanchas, Gregory Gerreboo, Gino Lazzerini

Créateurs
Auteur : Patrick Haudecœur, Gérald Sibleyras
Metteur en scène : José Paul 
Assistants de mise en scène : Guillaume Rubeaud

Décor : Edouard Laug
Création lumière : Laurent Béal
Création costumes : Juliette Chanaud
Création Musique : Michel Winogradoff

Une coproduction Théâtre Fontaine – Pascal Legros et Cinéfrance Studios – David Gauquié et Julien Deris

Du mardi au vendredi à 21 heures, le samedi à 16 h 30 et 21 heures, le dimanche à 16 heures, jusqu’au juillet 2022.

Au théâtre Fontaine, 10 rue Pierre Fontaine, Paris IXe.

Durée : 1 h 30


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