“Un prénom en trop”, Christophe Carlier

Temps de lecture : 3 min

♥♥♥

Une romance acide et démoniaque passionnante

Après Patrice Quélard pour Place aux immortels, Christophe Carlier est le deuxième lauréat du Prix du roman de la gendarmerie nationale, avec « Un prénom en trop », paru chez Plon. Cet agrégé de lettres classiques et docteur ès lettres à la Sorbonne nous offre avec son dernier ouvrage un aller simple dans les méandres de la perversité, une romance acide et démoniaque passionnante. Ce prénom en trop est Rebecca. Une brillante jeune femme dont la beauté racée provoque la fascination. Son apparente froideur dans une boîte de nuit à Toulon excitera la convoitise d’un homme, au physique banal et au cerveau malade. À la suite de ce coup de foudre unilatérale, il cherchera qui elle est et la pistera jusqu’à Annecy, où elle vit. Il la traquera avec une cruauté jubilatoire, la tyrannisant par petites touches, avec lenteur calculée. Il fait durer le plaisir pour qu’elle soit hantée par lui. Il se nourrit de l’épier, de la suivre, de lui laisser des cadeaux empoisonnés dans sa boîte aux lettres, sur son pare-brise, sur son lieu de travail. Il vampirise sa vie jusqu’à la rendre folle d’angoisse. Violette, la nouvelle collègue de Rebecca, qui lui voue d’emblée – elle aussi – une adoration sans borne, fera son possible pour la rassurer, la protéger, l’aider même. Elle la convaincra de porter plainte. Mais le psychopathe est prudent, il prend son temps, il savoure son emprise ; il hisse même sa proie sur l’autel de la divinité en assassinant d’autres Rebecca par amour pour elle. Peu à peu l’étau se resserre… mais pour qui ?

Un véritable bonheur de lecture

Ce roman est un véritable bonheur de lecture. L’histoire tient en haleine, le rythme est trépidant, la construction est astucieuse, la mécanique implacable. L’auteur place la victime au centre de son récit sans lui donner voix. Nous ne connaissons son histoire, ses actions et réactions, ses émotions qu’à travers deux narrateurs  : le psychopathe et Violette. Les deux points de vue d’une même situation alternent à la première personne, par chapitres très courts. Être dans la confidence de ces protagonistes, l’un qui manipule pour prendre le pouvoir sur Rebecca, l’autre aussi pour s’en faire une amie, ajoute à l’intérêt du thriller. Si le personnage du psychopathe harceleur est clair et net dans ses intentions, celui de Violette est intrigant, troublant, flou dans ses réelles intentions. L’auteur nous donne ainsi à voir deux tableaux psychiques d’emprise en miroir qui réfléchissent une Rebecca malmenée, tout aussi manipulatrice et autoritaire que fragile et émotive. Au milieu des interactions de ce trio, un gendarme sceptique sur la réalité du danger, plus intéressé par la beauté de la plaignante que par ses dépôts de plainte. Pourtant intrigué par les mésaventures de Rebecca et sensible à ses tourments, il enquêtera en sous-marin, hors champ de la narration, jusqu’au rebondissement final.

Christophe Carlier manie l’art du suspense et de l’originalité

Déjà lauréat en 2012 du prix du Premier roman avec son polar L’Assassin à la pomme verte (éditions Serge Safran), Christophe Carlier manie l’art du suspense et de l’originalité, mais aussi de la construction psychologique de ses romans. Il parvient à se mettre dans la tête d’un pervers rusé, ironique, décontracté, pas pressé de tuer, qui savoure son jeu du chat et de la souris. Mais qui se laisse prendre à son propre jeu, puisqu’il cessera de tuer une fois la proie dans ses filets. Ce passage du récit où l’avenir de Rebecca oscille entre la normalité et l’atrocité est un grand écart sur le vide vertigineux qui accroît la tension tout en brouillant les pistes d’une fin possible. Le personnage de Violette est tout aussi bien caractérisé. La jeune fille, simple et réservée, s’attribuant un rôle prédominant dans sa relation professionnelle et personnelle avec Rebecca, passe de l’insignifiance à l’importance, de l’espoir au désespoir au rythme des actes malveillants et des pauses du psychopathe. Après cette immersion fictionnelle captivante, on ne verra plus ces êtres malfaisants de la même manière !

Nathalie Gendreau

Éditions Plon, 10 mars 2021, 298 pages, à 17,90 euros.


Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Pin It on Pinterest