“Bulle de savon”, Sylvia Hansel

Temps de lecture : 2 min

♥♥♥

Voilà un roman qui colle au titre aussi bien dans sa forme que dans son fond. « Bulle de savon » est le récit dense et intense d’une plongée dans l’abîme d’une jalousie, d’une relation toxique faite de passion et d’abandon. L’auteure, Sylvia Hansel, qui travaille dans la presse musicale, tout en chantant et jouant dans des groupes de rock, s’était déjà essayée à la satire sociale avec « Les adultes n’existent pas ». Dans « Bulle de savon », elle traite de l’amour éphémère, aussi fragile qu’une bulle de savon. Notre héroïne est une jeune femme indépendante, préférant les relations d’un soir à des histoires perdues d’avance. Pourtant, d’un regard, elle tombe en pâmoison devant un Britannique plus jeune qu’elle, au charme indéniable. Mais, après une courte liaison enfiévrée, l’amant met fin à l’idylle, brutalement, sans tact ni explications qui vaillent. C’est alors la lente chute libre jusqu’à l’autodestruction. Livre très court, à l’écriture nerveuse et impertinente. Sylvia Hansel n’y mâche pas ses mots, elle les choisit crus et imagés, sans s’encombrer de fioritures. Tout est dans le choc que les mots produisent au contact des émotions. Le tout est assaisonné d’un humour ravageur. L’auteure lui donne ce ton direct, nature, qui apporte au drame un versant comique, si irrésistible qu’on aurait aimé que ce soit un tout petit plus long. Mais peut-on regretter qu’une bulle de savon éclate bien trop tôt ? Où serait le plaisir sinon ?

Avec « Bulle de Savon », Sylvia Hansel nous donne à observer d’une manière quasi chirurgicale les conséquences du déni de rupture. Elles sont d’autant plus dévastatrices que l’obsession primait sur la raison. L’adage dit que la première impression est la bonne ; encore faut-il la prendre en considération et ne pas la balayer d’un clignement de l’œil pour que le désir puisse trouver son plein assouvissement. Selon Pacôme Thiellement, dont s’est inspiré l’auteure, cette illusion d’amour, alors que le for intérieur hurle de se méfier, conduit à des histoires non pas d’amour, mais de « sickamour », à savoir des relations toxiques, destructrices, au mécanisme irrationnel, dont la victime ne parvient pas à s’extraire malgré une prise de conscience… même tardive. L’héroïne de Sylvia Hansel en est la parfaite illustration. De fille sympa, elle passera par tous les stades de la garce contente d’elle-même. La jalousie, puis le désir non partagé, la conduiront à s’abîmer dans l’alcool, à connaître les troubles alimentaires et des comportements inadaptés de persécutrice. Nous sommes en 2006, au temps du balbutiant réseau social « Myspace », Facebook (son arrivée datant d’avril 2013) n’existant pas encore… en France. La maladie d’amour la forcera à traquer son Don Juan d’outre-Manche et ses conquêtes sur le Net, partagée entre la vengeance et la reconquête, jusqu’à ce qu’elle parvienne, enfin, à détacher son regard de l’autre pour s’intéresser à ce que la relation a fait d’elle, une femme malheureuse et aigrie.

Nathalie Gendreau

Éditions Intervalles, 17 juin 2021, 96 pages, à 14 euros.


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