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Au plus profond des douleurs psychologiques
L’amour est-il plus fort que tout ? Se peut-il qu’il soit déraisonnable au point de s’égarer ? Agnès Martin-Lugand y apporte une réponse poignante avec son nouveau roman choral « La Déraison », paru aux éditions Michel Lafon. Écrit en miroir, ce roman d’absolu, d’amour en suspens, de destins contrariés met en scène deux êtres parvenus à un point crucial de leur vie. D’un côté, il y a Madeleine, une femme au dernier stade d’une maladie incurable. Avant de quitter ce monde, elle veut profiter de ces derniers instants avec sa fille Lisa dans la demeure familiale où elle n’est plus revenue depuis si longtemps. Elle veut lui raconter qui elle était vraiment avant sa rencontre avec son père, avant sa naissance. D’un autre côté, il y a Joshua, un homme alcoolique aux idées suicidaires, mais qui ne parvient pas à passer à l’acte. En proie à ses démons, ce compositeur et pianiste réputé vit en ermite, hanté par le passé. Seul son fils Nathan a le pouvoir, par sa présence attentive, de le faire reculer dans son désir d’en finir. Dans ce roman, l’auteure livre les émotions brutes de deux êtres à la dérive, dans lesquelles s’est cristallisée la déraison, chacun sous une forme différente. À coups de phrases courtes et rythmées, elle nous plonge au plus profond des douleurs psychologiques pour en extraire l’essence vitale. Celle qui fait avancer l’Homme. L’amour.
La résilience d’un amour voué à une fin sans retour
Connue pour la finesse psychologique de ses récits, Agnès Martin-Lugand se penche à nouveau sur la résilience de ses personnages. Et notamment la résilience d’un amour voué à une fin sans retour. Deux êtres meurtris à qui le destin redonne une chance de s’expliquer, de comprendre et de s’aimer encore plus fort, de manière éperdue, même au-delà de la mort. La fatalité de la maladie qui grignote inexorablement les jours de Maddie donne au roman une urgence réelle qui maintient le suspense jusqu’à la dernière page… faisant oublier une mise en place des personnages qui s’étire. Mais, dès lors que l’indice de la relation unissant ces deux êtres déchirés nous est révélé, le puzzle de l’histoire du couple hors norme, détruit à trop s’aimer, se reforme par petites touches. Avec ces différentes clés de compréhension, on mesure mieux l’ampleur du combat intérieur que les deux amants se livraient contre eux-mêmes. Et on se projette enfin – et plus facilement – dans ce récit où l’amour a une place prépondérante. Bienfaiteur du côté de Maddie. Destructeur du côté de Joshua. Lequel des deux triomphera ? Là est tout l’enjeu de ce roman brut et ciselé, à la fois dans les sentiments des personnages et les mots pour l’écrire.
Nathalie Gendreau
Éditions Michel Lafon, 24 mars 2022, 280 pages, à 19,95 euros.
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