“L’Assassin de Septembre”, Jean-Christophe Portes

Temps de lecture : 3 min

Extrait (page 131)
“Une cinquantaine d’individus se pressaient devant la prison de l’Abbaye, femmes et hommes mêlés, sans-culottes avec leurs piques, gamins des rues, commissionnaires en goguette, la foule ordinaire des exécutions publiques. Mais cette fois, on immolait des conspirateurs et des affameurs du peuple, à la porte même de la prison. C’était nouveau.

“L’Assassin de Septembre”, Jean Christophe Portes

Avis de PrestaPlume ♥♥♥♥

Le titre du sixième opus de Jean-Christophe Portes est des plus explicite. Il recouvre les deux genres affectionnés par l’auteur : le policier et l’histoire. Ceux qui raffolent de ce genre de roman seront gâtés. L’action de « L’Assassin de Septembre » (City Éditions) se situe du 31 août au 27 septembre 1792, à l’époque révolutionnaire où deux visions de la France s’opposent dans une violence inouïe. Dans la veine des enquêtes de Jean-François Parot, « L’Assassin de Septembre » empoigne le lecteur pour ne plus le lâcher. Cette ultime enquête du lieutenant de gendarmerie Victor Dauterive – qui est la première que je lis – a tout pour capter l’intérêt et entretenir le suspense. À l’instar de l’époque qui mêle l’exaltation des sentiments et tous les espoirs fondés pour un monde nouveau, la plume est acérée et précise. Elle tranche dans le vif, dissèque les soubresauts des hommes et des femmes qui font l’histoire, décapite les longueurs, préférant l’action et les rebondissements aux longues descriptions.

Résumé

À peine la Révolution française se tient-elle debout, conquérante, mais encore instable, trop ivre de sa victoire pour être lucide, qu’elle est menacée à ses frontières. Nous sommes à l’été 1792. La révolution est menacée par l’armée prussienne qui est entrée en France aussi facilement que le feront en 1914 les troupes allemandes. En cause, l’insuffisance numéraire des troupes françaises constituées de bonnes volontés sans formation et l’insuffisance tactique des chefs. La menace se rapproche de Paris. Une ville tient encore, c’est le dernier bastion assiégé  : Verdun. Porteur d’un message vital de Danton pour le commandant de garnison, Victor Dauterive est en chemin avec son jeune protégé. Joseph est un orphelin des rues, malicieux, aux ressources multiples qu’il a recueilli et pour lequel il éprouve des sentiments tout paternels. Verdun doit tenir absolument, deux semaines au plus pour laisser le temps aux troupes de se rassembler en ce point convergent. Mais le loup est dans la bergerie en la personne d’un étrange personnage qui se fait accompagner d’un malabar aux humeurs belliqueuses. C’est un espion des Prussiens. Il fera le nécessaire pour échauffer la crainte des bourgeois de la ville et les inciter à capituler. Une tactique payante. Verdun étant ville offerte, elle est la porte ouverte à l’impensable et portera jusqu’à Paris le souffle séditieux de la panique. Pour conjurer le spectre de la mort de la Révolution, entre manipulation et intérêt personnel, les esprits échauffés – plus Ténèbres que Lumière – trouveront là un terrain favorable à leurs éclats. Le carnage du Massacre de Septembre en sera la première manifestation.

Pour approfondir

Journaliste et réalisateur pour la télévision, Jean-Christophe Portes a le sens de la dramaturgie. Son enquêteur – qui tente d’investiguer dans les remous meurtriers d’une Révolution aux abois – est un être entier à l’esprit chevaleresque. Il est tiraillé entre le poids ancestral de sa particule et ses convictions humanistes non moins nobles. Suspect aux yeux des deux camps qui s’affrontent, il devra naviguer en eaux troubles, se justifier et convaincre de sa fidélité envers la jeune République menacée tout en tendant de sauver sa famille menacée de guillotine. L’homme est aussi intelligent, ardent et courageux qu’il est irrésolu, voire pleutre, dans ses sentiments amoureux. Dauterive est l’illustration éclatante des mystères de l’âme humaine, étonnante dans ses contradictions. L’auteur instille ainsi un soupçon d’humanisme en dessinant des caractères ambivalents. Autre personnage attachant, Olympe de Gouges dont il dépeint assez bien le talent et la ferveur de sa plume pour la cause féministe, la liberté – selon elle – devant être aussi autant l’apanage de l’homme que de la femme. « L’Assassin de Septembre » est un instantané d’une période connue et maintes fois décrite qui, sous la plume de Jean-Christophe Portes, prend une dimension humaine aussi brutale qu’authentique.

Nathalie Gendreau

City Éditions, 7 octobre 2020, 480 pages, à 19,90 euros.

1 réflexion au sujet de « “L’Assassin de Septembre”, Jean-Christophe Portes »

  1. Comme Emmanuel Macron l’a twité à Joe Biden : « Welcomme back » Nathalie Gendreau. Oui, bon retour parmi nous, et à 7 heures précises, comme d’habitude. La ponctualité est, paraît t-il, la politesse des Rois, amusante coïncidence pour signaler un livre qui traite de la France en 1792, période où on assassine « joyeusement » après avoir décapité un Roi reconnu comme un brave homme qui souhaitait se rapprocher du peuple contre l’avis des Juges qui, déjà, étaient cramponnés à leurs privilèges et leur impunité.

    Pardon pour ce préambule mais le résumé de l’ouvrage a eu comme des résonances d’actualité en cette période obsédante de sanitarisme. Donc « L’Assassin de Septembre » est un bon livre, et je pressens qu’il va venir rapidement compléter dans ma bibliothèque la rangée bien fournie des ouvrages recommandés par Presta Plume.

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