« Cache-cash mortel », Hubert Letiers

Temps de lecture : 3 min

 

Extrait

“Notre nouveau monde est maintenant organisé en blocs que se partagent les voyous de la modernité. Et nos politiques siègent à la table de ces voyous. Ils ont compris que l’ordre social ne pourra se financer que grâce au racket sur des économies parallèles juteuses, aussi amorales soient-elles. Alors ce racket, ils ont décidé de le transformer en partenariat légal. L’État-providence restera bon payeur grâce à un nouvel actionnaire qu’on a décidé de mettre à bord, discrètement, plutôt que le traquer sans vouloir vraiment le rattraper. Eh oui,  Stan ! La came va boucher le trou de la Sécu, maintenir à flot l’UNEDIC, payer les camps de réfugiés, financer les aides aux start-up. À chacun son protectionnisme…” (Page 238.) 

 

Avis de PrestaPlume ♥♥♥

 

Avec son deuxième roman « Cache-Cash Mortel », Hubert Letiers lâche le filet de son inspiration dans les eaux fangeuses du blanchiment d’argent issu du trafic de drogue, un trafic qu’il imagine institutionnalisé par la sphère politique au plus haut de l’État pour colmater le trou de la Sécurité sociale. Ambitieux scénario pas si élucubrant qu’il n’y paraît, quand on connaît les démangeaisons de certains politiques à vouloir légaliser le cannabis. L’idée est intéressante et a l’avantage de faire s’interroger sur cette miraculeuse manne qui viendrait renflouer le navire France qui croule sous des dettes abyssales. Dans ce nouvel opus, l’auteur de « Meurtre en haut lieu » poursuit son autopsie des comportements déviants des gouvernants, de ceux qui les conseillent, des différents services de police et du renseignement qui agissent dans l’intérêt de l’État. Il nous offre un roman de haute tenue, solide, convaincant et éclairant. Le tout tendu au cordeau par une écriture irréprochablement littéraire. Peut-être un peu trop pour le confort de lecture d’un polar aux ramifications de personnages étendues.

Le commissaire Stan Huysman et la lieutenant Feng Lee enquêtent sur la mort violente de Sarah Stern, journaliste d’investigation classée « RIE – Rebelle aux Intérêts de l’État ».Sa tête a été retrouvée au milieu d’un billard placé sur le parvis de Notre-Dame un dimanche de Pâques. Plus tard, ses membres sont découverts dans le coffre du procureur chargé de l’enquête. Mais avant d’être auditionné, il se fait abattre et les deux policiers se font méchamment molester par des armoires à glace hurlant « Allah Akbar ». Malgré la sommation d’enterrer l’affaire, ils poursuivent les investigations. Mais leurs progrès sont meurtriers : les témoins ou les proches des victimes tombent les uns après les autres. Victimes dont l’honneur est volontairement entaché par le service « Action » de la DGSE. Il faudra de la persévérance et bien des ruses de la part des pourfendeurs d’hypocrisie pour s’extraire des vérités contrefaites et des trahisons en série… Et renverser le rapport de force : de proie, devenir le chasseur.

« Cache-Cash Mortel » est un polar ficelé dans les règles de l’art avec l’appât du gain, des ripoux et des policiers intransigeants sur les valeurs civiques, avec un peu d’action, juste ce qu’il faut d’hémoglobine et pas d’idylle venant ralentir l’avancée de l’enquête. Le sujet des narcotrafiquants se suffit à lui-même, entre l’arnaque institutionnelle, la guerre économique souterraine, la politisation de la justice et l’imbroglio des machinations qui montre combien la démocratie – et donc l’État de droit – est bien fragile. Ne soyons pas candides, nous le supputions ! Mais le lire, c’est appréhender la monstruosité de l’iceberg « corruption » qui baigne sous la ligne de flottaison de l’impunité. Ce roman très documenté, donc pointu et dense en informations, donne un indéniable accent de vérité – ou plutôt de réalité – à cette fiction. Frissons garantis ! Seul bémol, le registre très soutenu qui ralentit la narration. Mais est-il bien raisonnable de se plaindre d’une écriture trop châtiée à l’heure d’une démission de l’exigence ? Alors, un seul mot : merci !

Nathalie Gendreau

 

Éditions Inspire, 6 novembre 2018, 268 pages, à 20,50 euros en version papier et 2,99 euros en version numérique (en promotion).

 

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1 réflexion au sujet de « « Cache-cash mortel », Hubert Letiers »

  1. Un grand merci pour cette analyse critique de mon roman.
    Elle est encourageante, surtout pour un auteur soucieux d’offrir à ses lectrices et lecteurs des polars avec un minimum de dimension littéraire…
    Bien à vous.

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