“La disparition de Josef Mengele”, Olivier Guez

Temps de lecture : 3 min CHRONIQUE
Beaucoup de biographies ont été écrites sur « L’ange de la mort », le criminel de guerre qui œuvrait à Auschwitz comme médecin-chef SS. Son obsession : découvrir le secret de la gémellité par l’expérimentation sur les jumeaux. Avec “La disparition de Josef Mengele”, Olivier Guez propose un « roman vrai » de haute volée qui s’intéresse à la vie du tortionnaire après 1945 et au contexte géopolitique favorisant cette disparition. Il nous raconte comment Mengele a pu fuir jusqu’en Amérique latine et y vivre en toute impunité jusqu’à sa mort en 1979. L’auteur a fouillé dans le passé trouble de cet homme, issu d’une famille bourgeoise conservatrice, qui a rallié le parti nazi pour ensuite devenir SS. La clé de son ascension est un opportunisme cynique qui guidera sa conduite jusque dans l’exil au soleil. A-t-il été puni par la vie, la justice des hommes n’ayant pu être rendue ? C’est ce que l’auteur cherchera à savoir en s’intéressant à sa cavale de près de trente ans. Cette biographie romancée très documentée le dévoile sans pathos ni affect qui dévoieraient le contenu, fruit de trois années de recherche et d’écriture.

“Une comédie à la française”, Jean-François Roseau

Temps de lecture : 2 min CHRONIQUE
Avec Une comédie à la Française, Jean-François Roseau trempe sa plume satirique dans la noirceur des intrigues de la République. Ce roman, qui résonne des échos véridiques de l’actualité, palpite au diapason de l’assouvissement de l’ambition et de la course au pouvoir, quel qu’en fut le prix à payer. Dans la lignée du “roman vrai” de son précédent livre “La chute d’Icare”, ce jeune auteur nous plonge dans les coulisses d’un parti politique aux allures du Front National rebaptisé Parti National (PN), à la veille des élections présidentielles de 2017. On se régale du coup pendable que le héros joue en s’infiltrant dans le mouvement nationaliste pour mieux démasquer la bête. Puis, d’intrigues en hypocrisies, on s’insurge contre cet imposteur héroïque qui en vient à ravaler son âme sous les dorures du pouvoir, trompant l’ennui aussi allégrement que ses convictions.

“Juste une orangeade”, Caroline Pascal

Temps de lecture : 3 min CHRONIQUE
Avec “Juste une orangeade”, paru aux éditions de L’Observatoire, Caroline Pascal s’épanche sur les relations mère/fille. Ce cinquième roman est d’abord un hymne filial destiné à toutes les mères. Émouvante, viscérale, immuable, cette déclaration d’amour ne peut passer inaperçue ni laisser insensible tant les mots sonnent juste, percutent des souvenirs d’enfance, font converger des réalités personnelles. Car cette histoire d’amour fusionnel est un miroir des émotions qui réfléchit l’universalité du thème, avec netteté et chaleur. L’auteure a construit son roman comme un thriller familial qui conduira Raphaëlle à rechercher sa mère Laurence, subitement introuvable. Disparue sur le chemin entre la maison familiale de Nonant en Normandie et l’appartement de Versailles. Entre l’enquête de voisinage et les révélations de ses proches, Raphaëlle va s’apercevoir qu’elle ignore beaucoup de la vie intime de sa mère. Elles qui se disaient tout sur le quotidien se taisaient sur l’essentiel.

“Le fait du prince, petits et grands caprices des présidents de la Ve République”, Béatrice Houchard

Temps de lecture : 3 min CHRONIQUE
Le fait du prince, petits et grands caprices des présidents de la Ve République, aux éditions Calmann-Lévy, est un titre accrocheur qui sous-entend des révélations croustillantes. En fait, le titre va bien au-delà. Il annonce un contenu argumenté et fondé rappelant en filigrane que l’accession à la fonction de président n’efface pas d’un trait la nature humaine si encline à obéir aux humeurs et aux passions. C’est toujours l’homme qui gouverne, et le président qui exécute. Tout électeur a tendance à oublier cette évidence tellement les espoirs sont grands. Avec ce livre, Béatrice  Houchard nous le rappelle avec force et méthode, décryptant derrière les petites et grandes décisions des huit présidents de la Ve République les faits du prince qui ont servi ou desservi la grandeur de la France.

“Le Miracle Spinoza”, Frédéric Lenoir

Temps de lecture : 3 min CHRONIQUE
Frédéric Lenoir, écrivain spécialiste des religions, a percuté de plein fouet l’œuvre de Baruch Spinoza il y a peu. Le choc a été si immense et les répercussions sur lui si positives qu’il a voulu partager cette expérience avec ses lecteurs. Pour cela, il a défriché sa propre voie de vulgarisation de l’œuvre jugée révolutionnaire. Avec une curiosité enthousiaste, l’auteur débroussaille la pensée de ce philosophe juif du XVIIe siècle, qui a construit ses écrits en empruntant un style géométrique et démonstratif, et donc âpre et difficile d’accès. Par un facétieux trait d’esprit, l’essayiste a nommé son traité Le miracle Spinoza, alors même que le précurseur des Lumières, des démocraties modernes et de la psychanalyse ne croyait ni au hasard ni au miracle, mais à la raison. Tout ayant une explication ou en aurait une avec le temps. Mais, le miracle ne serait-il pas cette philosophie révélée, très en avance sur son temps, inédite et renversante, mue par la raison et fondée sur la joie et le désir ?

“Toi, Caïphe, juge de Jésus”, Nicolas Saudray

Temps de lecture : 3 min CHRONIQUE
Après Le Jaune et le Noir – Sur les pas de Stendhal, Nicolas Saudray a marché sur les pas de Caïphe, grand-prêtre de Jérusalem dont l’Histoire n’a fait que peu de cas, à l’opposé de Judas et Pilate, des contemporains ayant eu un rôle dans la condamnation à mort de Jésus. On ne connaît ni la date de sa naissance ni celle de son décès. Avec Toi, Caïphe, juge de Jésus, l’auteur rompu aux rouages judiciaires, ayant été lui-même haut fonctionnaire et conseiller à la Cour de Cassation, s’est intéressé de très près à ce grand-prêtre saducéen qui a occupé dix-huit ans sa lourde charge sous l’occupation romaine. Longévité assez rarissime pour y dénoter toute l’intelligence politique qu’il savait déployer pour être à la fois gardien des traditions juives et auxiliaire de Rome. Fait assez signifiant pour donner envie à l’auteur de reconstituer le parcours de ce grand-prêtre qui serait le véritable instigateur du trépas de Jésus. Nicolas Saudray s’y est employé formidablement, en étayant son roman par des écrits d’historiens et en l’enrobant d’un vernis pédagogique délicat et astucieux.

“À la folie”, Clémentine Célarié

Temps de lecture : 3 min CHRONIQUE
Avec ce troisième ouvrage aux éditions du Cherche-Midi, Clémentine Célarié revient en force et en douceur sur un thème qui lui est cher. “À la folie” entraîne le lecteur dans le monde des “empêchés”, comme elle le formule si pudiquement, c’est-à-dire des personnes internées dans des établissements psychiatriques. Avec son héroïne Marguerite, une vedette du petit écran en crise existentielle, elle jette une passerelle entre les vaillants et les accidentés de la vie. Elle y met beaucoup de sa fougue et de sa légèreté pour transfigurer sa Marguerite en pleurs en une Rita rieuse. Une histoire d’amour fou, total, vrai, unique, naît dans le dernier refuge des êtres retranchés du monde que Marguerite/Rita se donne pour mission de réveiller. L’aria entêtant des Souffrances de Werther (opéra de Massenet) rythme, au fil de la narration, les aventures des résidents, agissant comme un aiguillon sur leur cœur assoupi.

“Un goût de terre dans la bouche”, Dominique Lin

Un goût de terre dans la bouche Dominique Lin

Temps de lecture : 3 min CHRONIQUE
C’est un sixième roman pour Dominique Lin, un auteur qui se plaît à observer l’effervescence du monde et les résonances chez l’homme. “Un goût de terre dans la bouche”, aux éditions Élan Sud, pose la question existentielle de son propre parcours sur cette terre, avec son lot de rencontres, d’opportunités saisies et manquées, et celles dont il aurait fallu s’écarter. Un matin, vous vous levez et vous ne vous reconnaissez plus dans le miroir. Quelque chose a bougé dans la nuit, l’enfant que vous avez été s’est réveillé, il vous a pris la main et ne vous lâche plus. Cet inconnu que vous êtes devenu, ce robot qui obéit aux défis imposés par le système, vous n’en voulez plus. Ce roman, aux accents fantastiques du conte, est un road trip intrigant qui se focalise sur le discernement d’un homme sur la vacuité de sa vie, cet inconnu pour ses rêves déchus qui ne retrouvera son identité qu’avec le mot fin.

“Sensualité bien élevée”, Christine Delaroche

Temps de lecture : 5 min CHRONIQUE+
Les éditions Dacres viennent de publier dans sa collection l’Envers du décor de Dacres l’autobiographie de la comédienne Christine Delaroche. “Sensualité bien élevée” se déroule au fil des pages comme un ruban de soie fin, aérien et coloré, à l’image de sa carrière riche de rêves et d’accomplissements. Mais que vient faire cette “fille de bourge” au milieu des saltimbanques, se demandait-on alors qu’elle étudiait le théâtre ? La seule réponse qui vaille est la passion, seule à même de combler l’ennui qui l’anéantissait malgré une jeunesse dorée. Jouer lui permettait de déjouer ce sentiment de vide. Ce mal-être qui échappait à sa logique est évoqué avec pudeur et peu de mots, mais il se mêle à ses éclats de rire, à son appétit gargantuesque d’être sur scène, de vibrer au théâtre et de récolter chaque soir sa moisson d’applaudissements.

“Le piège de verre”, Éric Fouassier

Temps de lecture : 3 min CHRONIQUE
“Le piège de verre” est à la fois un roman historique flamboyant et un thriller ésotérique qui enchanteront tous les inconditionnels du genre. Ce deuxième opus d’Éric Fouassier, qui fait suite aux aventures de la charmante apothicaire d’Amboise, Héloïse Sanglar, et de Pierre Terrail, seigneur de Bayard, le chevalier sans peur et sans reproche(*), est lui aussi très réussi. L’auteur à l’imagination fertile nous entraîne dans une folle équipée à travers la France Renaissance et ses splendides édifices religieux. Cette fois-ci, la reine de France, Anne de Bretagne, confie à Héloïse et à son homme de confiance, Henri de Comballec, la mission d’enquêter sur une menace d’attentat envers le roi Louis XII. Il faudra toute la sagacité de la jeune femme et la force combative du baron pour résoudre les codes secrets du parchemin de la Conspiration de la lumière et avoir des chances de déjouer le complot régicide des maîtres-verriers.

“La maison de Petichet”, Evelyne Dress

Temps de lecture : 2 min CHRONIQUE
“La maison de Petichet” ouvre avec fracas ses portes à un amour infernal et dévastateur qu’Évelyne Dress brosse au fil des étés passés dans la demeure familiale. Petichet, hameau près de Grenoble, est comme “un petit bout de terre promise” pour cette famille d’émigrés hongrois, exilés pendant la Seconde Guerre mondiale. Si ce rituel des retrouvailles à Petichet est une réalité familiale pour l’auteure, l’autobiographie s’arrête à la frontière de l’imagination d’un amour passionnel et incestueux. Bercée de souvenirs et d’impressions, l’auteure réussit à inventer une histoire recomposée, surprenante et intense, avec des personnages optimistes et volubiles, débordant de vitalité et d’extravagance, malgré le drame lent et inexorable qui se prépare comme les orages de fin d’été.

“La Méduse, chronique d’un naufrage annoncé”, Olivier Merle

Temps de lecture : 3 min CHRONIQUE
Dans la pure tradition du roman historique, si prisé par son père Robert, Olivier Merle vient de publier « La Méduse, chronique d’un naufrage annoncé », une superbe reconstitution qui plonge le lecteur dans l’effarement. Ce naufrage immortalisé par le célèbre tableau de Géricault en 1818 est un drame d’autant plus effroyable qu’il aurait pu être évité sans l’impéritie d’un capitaine, la fatuité d’un aventurier, les conflits entre les officiers et les guerres couvées entre les différents partis politiques, ceux nostalgiques de l’Empire napoléonien et ceux partisans de la Restauration. Et sans le banc d’Arguin, près des côtes sénégalaises, sur lequel la frégate s’est ensablée un 2 juillet 1816, avec à son bord 400 personnes, dont des colons, des savants, des marins et un bataillon d’Afrique. L’auteur relate avec une plume alerte et crue l’incroyable aventure des passagers de ce navire qui est venu s’échouer lamentablement alors que les trois autres vaisseaux de l’expédition arrivèrent sans encombre au port de Saint-Louis, au Sénégal.

“Le Déjeuner des barricades”, Pauline Dreyfus

Temps de lecture : 3 min CHRONIQUE
C’est toute une époque que ressuscite la plume mordante de Pauline Dreyfus en nous plongeant dans les coulisses de l’hôtel Meurice. Le Déjeuner des barricades décrit la journée du 22 mai 1968 dans ce palace, où doit se tenir la remise du prix littéraire Roger-Nimier à Patrick Modiano, pour son premier roman La place de l’Étoile. Du moins, c’est ce qui était prévu bien avant la colère contagieuse des étudiants que l’Histoire baptisera Mai 68. À travers une variété de regards, tous attachants dans leur pertinence, l’auteure invite à partager avec précision les étapes de cette journée de tensions et de paradoxes, où l’anarchie prétend à la légitimité, où l’autogestion se décrète à l’unanimité des salariés. Le Meurice, témoin du faste d’un temps manifestement révolu, résistera-t-il aux pressions extérieures ?

“Abus de fortune”, Éric Deschodt

Temps de lecture : 3 min CHRONIQUE
Abus de fortune est un roman, mais le lecteur comprend vite qui sont les véritables héros de cette histoire, une histoire qui voit son triste épilogue avec la disparition récente de Liliane Bettencourt. Car il n’est pas farfelu d’affirmer qu’Eric Deschodt s’est inspiré de la rencontre sulfureuse entre la quatorzième fortune mondiale et un homme à l’âpreté au gain démesurée. Un couple improbable, mais ô combien médiatique quand la dame veut faire de son “écornifleur” son légataire universel. Sans vouloir chercher à rétablir la vérité, l’auteur tend la plume de la confession au double romanesque de ce couple, leur offrant la possibilité de livrer leur version, en puisant dans l’enfance et l’éducation les ressorts qui les auraient conduits à conclure un pacte tacite autour, pour et à cause de l’argent. Quel beau plaidoyer sur la liberté d’être et d’agir selon ses propres désirs, égoïstes et impérieux ! Ce biopic fantasmé est un roman intelligent et incisif, qui dépeint une époque révolue, des personnages singuliers, une relation inimaginable. C’est un moment de lecture croustillant et instructif, qui offre une grille de compréhension originale.

“Cœur-Naufrage”, Delphine Bertholon

Temps de lecture : 2 min CHRONIQUE
Avec Cœur-Naufrage, Delphine Bertholon plonge une plume délicate au cœur du mal-être, des névroses et des actes manqués. Le parcours de ses deux personnages se dévoile à rebours, en toute intimité, sobriété et profondeur. Lyla revoit Joris pour tenter de se libérer d’un passé qui la hante depuis dix-sept ans, et qui l’empêche d’avancer. Ils s’étaient aimés par défi alors qu’elle était mineure. Une désobéissance avait suffi pour les mettre en présence à un moment de leur jeunesse en rébellion. À l’époque, ils s’étaient accrochés l’un à l’autre, dans un geste désespéré, pour ne pas se laisser submerger par leur souffrance réciproque. À l’orée de la quarantaine, le mal-être non résolu décuple ce sentiment d’inachevé… ou de mauvais choix. Un vide sidéral que l’auteure comble avec justesse en offrant à son héroïne l’opportunité d’anéantir ses peurs. Peur d’être soi, peur de vivre, peur d’assumer… peur d’aimer.

“Les Peaux rouges”, Emmanuel Brault

Temps de lecture : 3 min CHRONIQUE
Pour un premier roman, Emmanuel Brault marque les esprits. Il rue dans les brancards du politiquement correct en s’attaquant à un fléau antédiluvien, la haine de l’étranger ! Le gros mot est lâché. Pourtant, c’est sans jugement que l’auteur prête sa plume à un raciste décomplexé, un être mal dégrossi et analphabète. Pour laisser s’épanouir tous les ressorts de ce personnage, il crée une société imaginaire où vivent les blancs et les rouges, les rouges représentant l’union symbolique de tous les peuples stigmatisés par leur couleur de peau. Dans ce monde de fiction, le racisme est puni tel un assassinat. Amédée Gourd va vivre les accusations, la mise à l’index, la honte, la prison, la cure de désintoxication, l’espoir de guérison. Grâce à une narration sans filtre, sans pudeur de langage, sans autocensure, la fable parvient à toucher le lecteur avec sa musique ensorcelante qui, par un dosage équilibré, déploie la palette des nuances entre l’abjection et la compassion.

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