“Une comédie à la française”, Jean-François Roseau

Temps de lecture : 2 min

 

Extrait

“Oui, sa vie l’ ennuyait.
Raphaël, qui jusqu’à ce jour s’était préservé de ces réflexions par paresse, eut un hoquet de clairvoyance. Être témoin du monde, témoin muet, ne lui suffisait pas. Il voulait jouer un rôle. De héros ou d’histrion, qu’importe, mais un rôle assumé, écrit par lui. Un rôle qu’il maîtriserait.
” (page 21)

 

Avis de PrestaPlume ♥♥♥♥

 

Avec Une comédie à la Française, Jean-François Roseau trempe sa plume satirique dans la noirceur des intrigues de la République. Ce roman, qui résonne des échos véridiques de l’actualité, palpite au diapason de l’assouvissement de l’ambition et de la course au pouvoir, quel qu’en fut le prix à payer. Dans la lignée du “roman vrai” de son précédent livre “La chute d’Icare”, ce jeune auteur nous plonge dans les coulisses d’un parti politique aux allures du Front National rebaptisé Parti National (PN), à la veille des élections présidentielles de 2017. On se régale du coup pendable que le héros joue en s’infiltrant dans le mouvement nationaliste pour mieux démasquer la bête. Puis, d’intrigues en hypocrisies, on s’insurge contre cet imposteur héroïque qui en vient à ravaler son âme sous les dorures du pouvoir, trompant l’ennui aussi allégrement que ses convictions.

Raphaël Dorval démissionne de son emploi dans une banque d’affaires américaine. Passé l’excitation du gain, il a fait le compte d’une vie sans attrait, vide de sens et de désirs. Il n’aime pas l’homme qu’il est devenu. Alors il veut changer, s’investir, être utile à son pays. Un ami écrivain lance l’idée d’introduire les rangs du PN pour ébranler dans ses fondations le parti de l’extrême droite française, le miner de l’intérieur en discréditant les piliers pour mieux en dénoncer les dérives. Cependant, l’opération infiltration-espionnage-divulgation sous le masque vengeur/sauveteur va dévier de sa trajectoire. Le jeune militant PN dans le Gard monte si vite les échelons dans le parti, à force de roueries et de duplicité, qu’il devient le très proche collaborateur d’un sénateur dont il va précipiter la chute. Comme le vide n’aspire qu’à être rempli, Raphaël va se couler dans le costume si convoité du pouvoir avec une facilité déconcertante, sans s’encombrer de bonne ou de mauvaise conscience. Il file imperturbable le parfait amour avec l’irrémédiable contamination du pouvoir.

Une comédie à la Française est une fresque exemplaire du bien qui courbe l’échine devant le mal, des intentions louables qui se désagrègent en désaveux rationnels, mais aussi un bestiaire d’envieux, d’opportunistes, de carriéristes, de revanchards, de délateurs qui hantent l’antichambre de la toute puissance. Ce roman se découvre en double lecture, où réalité et fiction se tutoient avec finesse. Si tous les personnages évoluent avec des noms d’emprunt, leur véritable figure politique se décalque par couche d’impressions, à coups de traits nerveux et intraitables de leurs actions. Avec une plume acérée au vitriol, Jean-François Roseau accomplit un numéro de prestidigitateur qui prend l’option du faux pour raconter le vrai et démonte les combines des partis avec le cynisme guilleret d’un anti-héros assumé. Ce pamphlet aux accents fictionnels touche au but, plus vite et de manière plus ludique qu’un essai : dénoncer le pire en l’incarnant et imaginer les dessous du réel en l’observant.

Nathalie Gendreau

 

Editions De Fallois, 7 février 2018, 240 pages, 18 euros.

 

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1 réflexion au sujet de « “Une comédie à la française”, Jean-François Roseau »

  1. Merci Nathalie Gendreau…
    Jean-François Roseau a certainement bien du talent mais, comme le proclament quelques penseurs qui s’érigent souvent en Maitres, “l’objectivité n’existe pas”. La sacro-sainte “opinion” qui fascine tant journalistes et politiques a bien besoin de l’écrit réfléchi pour nous aider à faire le tri dans le magma 2.0 qui nous est servi enrobé de publicités qui, par définition, ne sont pas objectives. Dommage que Jean-François Roseau a cédé à la facilité en choisissant sa cible. Car il semble bien que, sous couvert d’une respectabilité auto-proclamée, les autres partis sont souvent devant le FN dans l’escalier de la Tour des ambitieux.

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