“Sensualité bien élevée”, Christine Delaroche

Temps de lecture : 5 min

 

Extrait

Sensualité bien élevée, c’était mon bébé, je l’avais voulu, écrit, construit ; j’y chantais des chansons que j’aimais, de belles chansons ciselées par de bons auteurs, des chansons à moi aussi. L’accompagnement musical de Warren (Saxe) était magique, il jouait de plusieurs instruments, et comme il avait enregistré mon CD dans son home studio, il rajoutait, selon les morceaux, des bandes rythmiques. C’était un vrai spectacle, et ce soir-là l’état de grâce étant au rendez-vous, la salle a super bien réagi.
Et à la fin : le triomphe.
” (page 173)

 

Avis de PrestaPlume ♥♥♥

 

Les éditions Dacres viennent de publier dans sa collection l’Envers du décor de Dacres l’autobiographie de la comédienne Christine Delaroche. Sensualité bien élevée se déroule au fil des pages comme un ruban de soie fin, aérien et coloré, à l’image de sa carrière riche de rêves et d’accomplissements. Mais que vient faire cette “fille de bourge” au milieu des saltimbanques, se demandait-on alors qu’elle étudiait le théâtre ? La seule réponse qui vaille est la passion, seule à même de combler l’ennui qui l’anéantissait malgré une jeunesse dorée. Jouer lui permettait de déjouer ce sentiment de vide. Ce mal-être qui échappait à sa logique est évoqué avec pudeur et peu de mots, mais il se mêle à ses éclats de rire, à son appétit gargantuesque d’être sur scène, de vibrer au théâtre et de récolter chaque soir sa moisson d’applaudissements.

Christine Delaroche n’est pas une enfant de la balle, mais elle a eu le bonheur d’avoir des parents pragmatiques, aimants et encourageants. N’écoutant que cette envie formidable, elle a suivi en parallèle des études de philosophie à la Sorbonne et des cours au Conservatoire. La chance ne souriant qu’aux audacieux, elle l’a accueillie avec un rôle dans Belphégor (1964), un feuilleton télévisé du temps du noir et blanc. “Des débuts fracassants”, disait la presse dithyrambique ! Elle avait vingt ans, elle était ravissante et courageuse. Toute une vie dédiée à la scène s’ouvrait sous les meilleurs auspices. Théâtre, comédie musicale, chansons, cinéma et télévision ont constitué son ordinaire à un rythme effréné. Celle qui n’acceptait que les rôles ou les projets qui emportaient sa totale adhésion était coutumière de succès à prolongation. Ainsi a-t-elle joué quatre ans “Napoléon“, aux côtés de Serge Lama. Puis, tenaillée par l’envie d’écrire son propre spectacle, elle crée sa mini comédie musicale, baptisée Sensualité bien élevée. Un immense succès. Un de plus… et beaucoup d’autres suivront encore.

Avec son autobiographie, Christine Delaroche nous livre une vie magnifiée par la réalisation de sa passion qui l’a poussée, tel un aiguillon, à chercher la perfection dans son art pluriel (danse, chant, comédie). Un travail au long court que la comédienne relate avec simplicité et sincérité. De projets en concrétisations, elle donne à voir plus de quarante ans de vie de labeur, de constance et d’enthousiasme, où son amour pour le théâtre tient le rôle principal, un rôle exigeant, mais rassérénant. On s’introduit à sa suite dans les coulisses du métier, où se nouent les plus grandes amitiés ; on y découvre ses partenaires au fil des spectacles, on l’imagine tenir ses personnages et ses engagements. Et on picore ici ou là quelques révélations, décentes et plaisantes, qui dépeignent toute la fantaisie et la force de caractère d’une comédienne qui a conduit sa vie comme une ballade des gens heureux… pour ne pas se laisser anéantir par la dépression. Au-delà de ce bain de jouvence culturel qu’elle nous offre, cette autobiographie interpelle aussi par l’humilité d’une femme au grand cœur qui a tout fait pour préserver sa vie privée.

 

Dacres Éditions, Collection “L’envers du décor de Dacres”, octobre 2017, 196 pages, 18 euros.


 

INTERVIEW

Propos recueillis par Nathalie Gendreau

 

Comédie musicale “Napoléon”                                            ©Collection privée de Christine Delaroche

Nathalie Gendreau : Dans quel état d’esprit avez-vous écrit ce récit autobiographique ? Sensualité bien élevée sonne comme un acte de gratitude vis-à-vis du public, de vos amis et partenaires, de la vie ?

Christine Delaroche : C’est vrai, Sensualité bien élevée est ma façon de remercier ma famille, mes amis, mes partenaires et le Public… tous mes bonheurs. Oh ! j’ai eu ma part de douleurs bien sûr, mais cela fait partie de la vie. En plus j’ai réussi à les surmonter comme je le raconte dans le livre. Alors, j’ai rêvé ma vie et j’ai eu une vie de rêve… C’est pourquoi je vous la « livre ».

 

N. G.  : Votre rôle dans la série télévisée Belphégor aux côtés d’Yves Régnier et de Juliette Gréco a propulsé votre carrière en 1964. Comment avez-vous fait pour garder les pieds sur terre ?

C. D. : Avec Belphégor, du jour au lendemain, j’étais reconnue dans la rue, ma photo était dans tous les journaux, la célébrité devenait ma meilleure amie ! En fait, à vingt ans, je trouvais ça plutôt rigolo… Ayant eu la chance d’avoir des parents merveilleux et très lucides (j’habitais encore chez eux), avec leur éducation, je n’ai pu que garder les pieds sur terre. J’ai juste pensé que j’allais gagner dix ans d’expérience… ce qui était vrai, même si je suis retournée au Conservatoire pour continuer à apprendre.

 

N. G.  : Sensualité bien élevée était déjà l’intitulé de votre mini comédie musicale. D’où provient ce titre ? Quelle femme se cache derrière cette sensualité bien élevée ?

C. D. : Sensualité bien élevée, en 1996, c’était mon premier bébé en écriture ; c’était une mini comédie musicale à trois personnages : deux fictifs et un réel, moi (avec mon musicien merveilleux Warren Saxe). Je racontais l’histoire d’une femme qui s’exprimait en chantant, par ma voix. Bien sûr, il y avait un homme, symbolisé par un chapeau et un imper, accroché à un porte-manteau perroquet. C’était une histoire d’amour, avec ses joies et ses peines. Les chansons que j’avais choisies illustraient la vie de mon héroïne. J’adorais la contradiction qui existait dans mon titre et je le trouvais beau ; c’est pourquoi je l’ai repris pour mon livre. En plus, je pense qu’il y a presque toujours un mystère qui se cache chez une femme : c’est sa part de sensualité, même si elle donne le change en étant « bien élevée ».

 

N. G. : Vous êtes chanteuse, danseuse, comédienne et auteure. Vous avez même participé aux Jeux de vingt heures de Maître Capello en 1978. Auriez-vous fait la même carrière si vous n’aviez pas été une artiste aussi complète, curieuse et audacieuse ?

C. D.  : J’ai beaucoup aimé participer aux « Jeux de 20 heures ». Grâce à eux, j’ai visité la France, j’ai toujours été magnifiquement reçue par les municipalités. L’esprit était bon enfant et le contact avec le public délicieux. Dans les jeux, il fallait être soi-même et distraire le public. C’était un peu comme une récréation et l’équipe était formidable.

 

N. G. : Vous avez joué dans de nombreuses pièces à succès, qui ont eu une durée de vie assez longue. N’y a-t-il pas une certaine lassitude ?

C. D. : La durée d’une pièce à succès est parfois difficile à gérer. J’en ai eu plusieurs dans ma vie (et c’est quand même tant mieux !). À la fois on est très heureux que le spectacle plaise à un très grand nombre, mais je ne vous cache pas qu’il y a des soirs d’hiver où l’on aimerait rester au chaud, à la maison, pas maquillée, avec des grosses chaussettes immondes, un plateau TV sur les genoux. Mais on y va. Dès qu’on est dans le théâtre, il y a les partenaires, l’odeur de la scène… et c’est reparti.

 

N. G. : Vous vous livrez avec humour et tendresse sur les coulisses de votre métier, les bons moments et les belles rencontres professionnelles. Quel regard portez-vous sur le métier aujourd’hui ?

C. D. : Sur le métier aujourd’hui, je ne peux pas vous donner un regard neuf. Je le vois avec mes 50 ans d’expérience, ça fausse les choses. Mais je peux vous dire, pour avoir parlé avec des apprentis comédiens, que c’est plus difficile. La multiplicité des chaines TV empêche de faire un buzz (comme Belphégor autrefois, une seule chaîne). Internet peut être un bon outil et le théâtre reste une valeur sûre, comme je l’ai toujours pensé.

 

N. G.  : Avez-vous des projets de théâtre… ou peut-être de romans ?

C. D. : Mes projets de théâtre sont des projets d’écriture de comédies. Depuis une dizaine d’années, la merveilleuse comédienne Claudine Barjol et moi-même écrivons pour le théâtre ; nous avons déjà eu deux pièces jouées : Les Oreillers et Tout reste à Faire, très bon succès. Et, en 2019, notre 3e pièce Enfin Tranquilles partira en tournée. Claudine et moi adorons écrire ensemble, car nous sommes très complémentaires. Nos séances de travail sont souvent ponctuées d’éclats de rire : nous interprétons nos personnages pour voir si ça « sonne » bien !


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