« Le Meilleur Professeur », Daniel Besse

Temps de lecture : 2 min

 

Extrait

“Non, il faut avoir une parole résolument tournée vers l’avenir. C’est pourquoi nous  pensons qu’il est impératif de sélectionner si vous me le permettez monsieur le Proviseur, un professeur qui incarne, ici, dans ce lycée, au mieux, ce qu’il y aura de meilleur dans l’enseignement de demain. Un professeur grâce aux efforts duquel le demain pédagogique que nous rêvons tous sera possible. C’est à ce professeur-là, si vous le permettez monsieur le Proviseur  que nous devons confier cette si délicate mission d’assumer le statut de meilleur professeur en prime time devant tous le pays. Voilà en effet le critère qui peut raisonnablement être retenu par vous, monsieur le Proviseur. Le meilleur, non pas sur des compétences plus ou moins reconnues, mais le meilleur en tant que passerelle entre le monde imparfait que constitue l’enseignement d’aujourd’hui et l’univers harmonieux que deviendra, grâce à des pionniers comme nous, l’enseignement de demain.” (p. 50)

 

Avis de PrestaPlume ♥♥♥

 

Avec “Le Meilleur Professeur“, pièce parue aux éditions Dacres, Daniel Besse nous offre une comédie de mœurs originale, fine et intense. Empruntant au bestiaire ses huit personnages, le dramaturge dresse un état des lieux de l’enseignement sidérant de réalisme et de justesse au travers d’un fait déclencheur  : un proviseur doit sélectionner son meilleur professeur pour représenter l’excellence lors d’un prime time à la télévision. Cette nouvelle satire sociale entend dénoncer l’ingérence de la communication dont les gouvernements usent et abusent pour promouvoir leur politique. En fait, une jolie façade ornée de mots creux pour redorer le blason d’une belle institution malmenée par des réformes à répétition. Sauf que les premiers à en pâtir sont les élèves sommés d’être exemplaires, quoi qu’il leur en coûte… jusqu’au suicide. Un texte ramassé et explosif.

Le lycée Loup Renard est en effervescence  ! Le proviseur M. Rhinocéros est missionné par le recteur pour désigner le meilleur professeur de son établissement. Ainsi, douze enseignants, censés incarner la crème des professeurs français, devront s’exprimer sur leur vision de l’enseignement au cours d’un prime time de quinze minutes. Le proviseur ne sait comment se sortir de cette mission à double tranchant. Sur quels critères définit-on l’excellence ? Des professeurs s’insurgent en dehors mais se jalousent en dessous. Au fil des refus et des indécisions, la tension monte. La ligne hiérarchique s’impatiente. À la veille de l’émission télévisée, le non-choix s’impose, écornant l’éthique. L’excellence déclamée pâlit sous les manigances de certains et la lâcheté d’autres. Quand le suicide d’un élève harcelé par ses camarades vient redistribuer les cartes du meilleur professeur, la grandeur de l’école de l’égalité des chances s’écroule sous les feux médiatiques et les foudres politiques.

Trempant sa plume dans l’humour vitriolé, Daniel Besse s’autorise tout, n’épargnant personne, et poussant l’audace jusqu’à son trait le plus cruel. À la manière d’un Jean de La Fontaine, il aborde sans complexe un sujet sensible qui exalte les passions et suscite les controverses. En mettant en relief les médiocrités, les bassesses et les manipulations par animaux interposés, il déporte le drame dans une autre dimension. L’écriture alerte et percutante divertit tout en posant clairement les enjeux, dessinant ainsi des pistes de réflexion. D’autant que des problématiques abordées en découlent bien d’autres. C’est tout l’art de dire sans l’écrire. Un régal pédagogique  !

 

Éditions Dacres, Coll. “L’Envers du décor”, février 2017, 165 pages, 12 euros.

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