« Électre 21 », Romel

Temps de lecture : 2 min CHRONIQUE
Avec son deuxième roman “Électre 21”, Romel s’impose comme un globe-trotteur de l’écriture qui abolit les frontières géographiques et temporelles. Sa vie organisée aujourd’hui en Asie, entre Phnom Penh et Bangkok, et son bagage dans le milieu des affaires et des gouvernements lui sont autant d’atouts pour instiller une atmosphère singulière à ce texte futuriste qui revisite le mythe d’Électre, une vengeance contre un membre de sa famille. Haine, vengeance, violence, un triptyque mythologique modernisé qui, sous l’écriture fulgurante et efficace de l’auteur, prend un tour 2.0 passionnant et addictif. En parallèle, la recherche d’un tableau de Picasso disparu lors de la Seconde Guerre mondiale donne une dimension historique et symbolique inattendue qui dynamise l’intérêt de lecture.

« Le Roman d’Elsa », Geneviève Senger

Temps de lecture : 2 min CHRONIQUE
Avec “Le roman d’Elsa”, Geneviève Senger dresse le portrait passionnant d’une femme qui refuse de se soumettre aux conventions qui contraignent les jeunes filles au mariage arrangé. Issue de la grande bourgeoisie, Elsa Samuelson est si jolie et riche qu’elle ne manque pas de prétendants. Pourtant, son rêve vogue très loin des rivages du mariage et de la maternité. Elle voudrait étudier la médecine, un désir obstiné qui déconcerte sa famille. Il n’existe pas encore de femmes médecins. Et si Elsa était la première à ouvrir le chemin ? En parallèle de ce combat qu’elle devra mener sans faillir, elle va connaître ses premiers émois, une attirance forte pour Théo Dupin, un ouvrier syndicaliste à l’écoute de ces quelques voix féminines qui s’élèvent pour gagner leur indépendance.

« Un monde sans moi », Franck Lucas

Temps de lecture : 2 min CHRONIQUE
Il est des caractères qui ne s’épanchent pas. Il est des destinées qui rendent mutiques. Dans les deux cas, le non-dit prend ses aises, s’incruste et se pétrifie dans le corps jusqu’au déclic libérateur, si déclic il y a. “Un monde sans moi”, de Franck Lucas, relate le combat intérieur d’un homme dont les émotions sont figées dans l’horreur des guerres. Instinctivement, il refoulera les mots qui charrient la mort, les cadavres, des sacrifiés à des causes contestables, une histoire qu’il n’arrive pas à partager avec sa femme Marie, son amour d’enfance. Des mots tus qui fissurent la confiance, des mots ravalés qui séparent. Le personnage qui se raconte avec simplicité est inspiré du père de l’auteur. Cet emprunt à la réalité confère au récit la force de conviction et aux mots l’allégresse de la liberté.

« Lettre à l’autre », Colette Bitker

Temps de lecture : 2 min CHRONIQUE
“Pour moi écrire et peindre c’est vivre et lutter chaque jour contre la mort… Mais c’est aussi rêver.” Dans cette courte phrase relevée dans son dernier ouvrage “Lettre à L’autre” (éd. Michel de Maule), l’artiste peintre Colette Bitker a ramassé en peu de mots ce qui la constitue, et la fait avancer et s’interroger. Une mise à nu subliminale entre textes en fragments et dessins de femmes le plus souvent dénudées qui s’adresse à un autre, à cet inconnu à la consistance énigmatique, un “Monsieur” connu d’elle seule, apprivoisé par sa solitude infinie face à l’œuvre. Un Autre sublime et parfait qui s’offre en miroir de son âme créatrice. Un amour profond et vivifiant, coloré et doux, pour cet Autre qui la guide sur son chemin pictural. Un livre poétique, beau à regarder et à lire, qui pousse à la rêverie des émois et à la nonchalance du corps. Sensuel et nostalgique.

« Un fils parfait », Mathieu Ménégaux

Temps de lecture : 2 min CHRONIQUE
La perfection n’est pas de ce monde. Dans son deuxième roman inspiré de faits réels, “Un fils parfait”, Mathieu Ménégaux le grave au coin de l’éloquence dramatique qu’il sait instiller dans ses histoires. Après “Je me suis tue”, ce nouveau roman prête encore sa voix à une femme. Cette fois-ci, cette femme est comblée. Elle a un mari aimant et brillant, deux petites filles adorables et une carrière qui prend son essor. Son Paradis sur terre va pourtant s’engloutir dans les entrailles de l’Enfer lorsqu’une de ses filles lui confie qu’elle a peur du loup quand elle s’absente pour son travail. Le loup, c’est le père. Un père qui abuse de l’affection de ses filles. “Un fils parfait” est le témoignage poignant de cette femme qui confie sa version du drame à sa belle-mère dont le fils unique a toute l’apparence du fils parfait.

« La langue oubliée de Dieu », Saïd Ghazal

Temps de lecture : 3 min CHRONIQUE
Il est des livres qui tonitruent dans la tête sans discontinuer. Même après le mot fin. Au point de vouloir en rependre la lecture pour s’immoler encore, cette fois-ci volontairement, en toute connaissance de cause. Après avoir apprivoisé le style, quel plaisir de se laisser porter, page après page, vers cette douce mort de l’essence des mots ! “La langue oubliée de Dieu” fait partie des livres à part, un ovni littéraire qui vient repousser les frontières des mots. L’auteur Saïd Ghazal leur étrille la peau, les éventre, les dépèce, les étire au rouleau compresseur pour ensuite les faire siens, vierges de sens. Il leur offre une nouvelle vie sous sa plume poétiquement réaliste, qu’il trempe à l’encrier de sa mémoire ensanglantée. L’auteur a mal à ses ancêtres syriaques, chassés par les massacres des Turcs et exilés au Liban. Son travail de mémoire, telle une psychothérapie, se colore de la fiction pour s’extraire d’une éventuelle pudeur censoriale. Entre ses doigts patients, l’indicible douleur se débarricade du silence pour s’épancher dans le réconfort d’un confessionnal saturé de mots absous.

« Les Harmoniques », Gérald Tenenbaum

Temps de lecture : 2 min CHRONIQUE
Avec “Les harmoniques” (éd. l’Aube), l’auteur et mathématicien Gérald Tenenbaum transporte la rêverie dans un voyage immobile qui enjambe les années et les lieux au gré des rencontres de deux couples d’amis qui vont et viennent dans le récit au rythme d’un océan soumis au flux et au reflux du hasard. Keïla, Belen, Pierre et Samuel forment un carré de personnages touchants qui interagissent en miroir, s’additionnant et se divisant par le jeu du destin. S’invite également dans l’équation une belle inconnue, l’amour. Un amour si éperdu que “la texture du temps s’en trouve incurvée”. Un pur amour que l’histoire d’un pays va s’ingénier à dissoudre dans un temps figé, dont la texture va s’en trouver rectifiée à jamais. Tant qu’un drame familial ne trouve pas sa résolution, c’est tout le pouvoir d’attraction de l’amour qui est annihilé.

“Mythologie et philosophie – Le sens des grands mythes grecs”, Luc Ferry

Temps de lecture : 3 min CHRONIQUE
« La première conviction du crétin, c’est qu’il est intelligent : pourquoi chercherait-il la sagesse ? » (page 481), souligne non sans humour Luc Ferry, le philosophe auteur de « Mythologie et philosophie – Le sens des grands mythes grecs », paru chez Plon. Aussi est-il légitime de s’interroger soi-même : suis-je un crétin ou un philosophe ? La gageure est de taille ! L’audace du lecteur qui ouvre cet ouvrage de 575 pages pour s’y plonger corps et âme peut-elle être une piste pour le déterminer ? Quoi qu’il en soit, s’il ose, c’est une marche à rebours qu’il entreprend, car ce livre réveille les merveilles rêvées de l’enfance et le propulse dans une réalité d’adulte enfin décryptée et qui peut s’appliquer à soi, au quotidien. Le doigt dans l’engrenage des mythes fait tourner les pages sans plus se poser de questions existentielles sur ce temps chronophage qui nous manque tant pour approfondir le temps présent. En vérité, « être dans l’amour du présent, c’est-à-dire la réalité du présent ».

“Maria Deraismes”, Fabienne Leloup

Temps de lecture : 2 min CHRONIQUE
Voici un personnage de biographie qui vaut le détour ! Il s’agit de Maria Deraismes (1828-1894), une féministe journaliste qui fonda en 1893, avec George Martin, la loge du « Droit humain » qui accueillait indifféremment hommes et femmes. Cette femme de caractère, grande lettrée et infatigable travailleuse malgré une maladie incurable alors méconnue (la maladie de Cronh), est tirée de l’ombre dans une biographie romancée, grâce à Fabienne Leloup, agrégée de lettres, professeur de français et écrivain. Cette femme érudite du XXIe siècle, qui se plaît dans les domaines « marginaux » du savoir, ne pouvait que se passionner pour le parcours franc-maçonnique de Maria Deraismes et réparer l’injustice de l’oubli. « Maria Deraismes, Riche, féministe et franc-maçonne » (éditions Michel de Maule) est un bel hommage littéraire qui plonge le lecteur dans une époque où la place naturelle de la femme n’était pas dans les cénacles politiques ou à la tribune en maître de conférences.

“Lucrèce n’est pas une femme”, Pascal Aquien

Temps de lecture : 2 min CHRONIQUE
“Lucrèce n’est pas une femme”, de Pascal Aquien, paru à la jeune maison d’éditions les indés, est une biographie consacrée à un homme qui se sentait femme. Évoluant dans les cabarets comme artiste travesti, André se prénommait Lucrèce. Un prénom qu’il revêtait “naturellement” à la scène comme à la ville, et qu’il conserve encore précieusement aujourd’hui, alors âgé de 86 ans. Pour mettre en lumière cette vie de strass et de condition de transgenre assumée, aussi bien en tant qu’artiste qu’en tant que “femme manquée”, l’auteur a opté pour un récit construit par mots clés qui découpent la vie de Lucrèce en pièces de puzzle, invitant ainsi le lecteur à la reconstituer. Ce glossaire alphabétique et thématique, à la manière du “dictionnaire amoureux”, est un astucieux procédé… si le lecteur décide de picorer les mots-clés au gré de sa curiosité. En linéaire, la lecture perd en fluidité.

“Le voleur de brosses à dents”, Églantine Éméyé

Temps de lecture : 2 min CHRONIQUE
Tendresse et force émaillent le touchant récit d’Églantine Éméyé dans son livre “Le voleur de brosses à dents”, qui est paru aux éditions J’ai lu. La journaliste et animatrice est aussi mère. Deux beaux garçons, dont le cadet, Samy, ne grandissait pas comme Marco, l’aîné. Une différence qui inquiétait la maman, mais que les médecins ne percevaient pas. Tout était normal, selon eux. Bien sûr, une maman, ça s’inquiète toujours ! Il leur a fallu son insistance et du temps pour détecter que Samy avait été victime d’un AVC alors qu’il n’était encore que bébé. Fait rarissime, mais possible. Ce récit est un témoignage vibrant d’une maman surmontant au jour le jour toutes les difficultés pour offrir un confort de vie acceptable à son fils devenu autiste, épileptique et polyhandicapé. Un témoignage qui ne laisse pas insensible.

“Quand les femmes parlent d’amour – Anthologie de la poésie féminine”, Françoise Chandernagor

Temps de lecture : 2 min CHRONIQUE
“Quand les femmes parlent d’amour”, de Françoise Chandernagor, est un superbe ouvrage paru aux éditions du Cherche Midi sur un thème inédit, et non moins hardi, qu’est la poésie féminine. Un genre féminin qui existe depuis des lustres, mais que la prépondérance masculine a conduit à occulter. Cette anthologie très fouillée est d’une richesse stupéfiante et ravit tant par le nombre de femmes poètes talentueuses que par la diversité des sujets traités. L’intérêt provoqué par la découverte d’une poésie féminine foisonnante est décuplé par le traitement de l’écrivain qui ne se contente pas d’égrener le nom de ces femmes poètes francophones de tous horizons sociaux au cours des siècles et ce que l’amour leur a inspiré.

“Bombay mon amour”, Charlotte Valandrey

Temps de lecture : 4 min CHRONIQUE PLUS
« Bombay mon amour » est un roman d’amitié entre trois femmes qui fait voyager dans une Inde envoûtante. Une fois n’est pas coutume, la comédienne et auteure Charlotte Valandrey ne nous offre pas un récit autobiographique sur un fragment de sa vie, comme ce fut le cas pour ses précédents ouvrages. Pour ce récit-là, elle puise dans le genre de l’autobiographie des éléments du réel pour créer sa première fiction… Elle réussit par ce stratagème à brouiller les cartes et à captiver du début à la fin le lecteur qui ne cesse de s’interroger : mais quelle est donc la part du réel ?

“Malone Bolle, à qui perd gagne”, Lauranne Cyonga

Temps de lecture : 3 min CHRONIQUE
« Malone Bolle, à qui perd gagne » est le premier roman jeunesse (9/13 ans) de Lauranne Cyonga, une jeune auteure qui préférait jusque-là les textes courts comme les nouvelles, les chansons, les haïkus. Bien lui en a pris, l’écriture est fluide et agréable, la narration vive et nerveuse. Le vocabulaire est riche, peut-être parfois un peu recherché pour la tranche d’âge visée. L’histoire est simple de prime abord. Elle réunit cinq amis qui s’embarquent dans le projet ambitieux de construire une cabane en bois pour relever le défi d’une bande rivale. La ressemblance avec « Le club des cinq » s’arrête au chiffre, car nulle enquête n’est menée. Tout l’intérêt du récit réside dans l’histoire personnelle et attachante des personnages et l’évolution des relations avec leurs parents. La construction de la cabane étant le prétexte à réunir enfants et parents autour d’un projet commun.

“La mésange et l’ogresse”, Harold Cobert

Temps de lecture : 3 min CHRONIQUE
“La mésange et l’ogresse”, c’est l’horreur nue, dépouillée d’artifices dans la cruauté, qui prend à la gorge et ne desserre la pression qu’à la dernière page. Harold Cobert revient sur l’affaire Fourniret, ce couple maudit dont le parcours meurtrier s’est dessiné en France et en Belgique dans les années 80 et à l’orée des années 2000. Si c’est une œuvre de fiction déclarée, elle reste toutefois basée sur les faits révélés lors du procès. Et c’est là tout le coup de génie de l’auteur qui imagine les coulisses d’une année d’interrogatoires de Monique Fourniret.

Dominic Lamblin, survivant de la Stones fascination

Temps de lecture : 9 min PORTRAIT PASSION
Dominic Lamblin et les Rolling Stones, deux destins scellés dans un même amour de la musique, de la vie de jet-setter, du travail acharné et de la fureur de survivre à tous les excès. Deux trajectoires au parcours parallèle aussi bien dans l’ascension des sommets que dans les traversées du désert. La confiance qui s’instaurera dès leur première rencontre en octobre 1964 ne se démentira pas durant quatre décennies de collaboration intense et enfiévrée. La longévité de Dominic Lamblin et du groupe rock est un miracle, merveilleux ou sulfureux, c’est selon, que l’auteur fait revivre avec joie et prodigalité dans son livre « Satisfaction – Comment j’ai survécu à 40 années avec les Rolling Stones », paru en octobre 2016, aux éditions Larousse. Portrait d’un homme fataliste et chanceux, dont la seule constante dans la vie a été les Rolling Stones. Un mariage musical inclassable !

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