“Maria Deraismes”, Fabienne Leloup

Temps de lecture : 2 min

 

Extrait

Le spectacle de l’injustice la tourmentait plus que les réminiscences de l’amour. Aussi réunit-elle rapidement chez elle des intellectuelles de différents milieux afin de réfléchir à la meilleure façon de reprendre le combat pour l’égalité des droits des femmes. Un cénacle se forma sous son toit : Julie Daubié, la première femme à obtenir le droit de se présenter au baccalauréat en 1861 ; Elisa Pognon, de la bourgeoisie aisée, nièce du géographe renommé Elisée Reclus ; Pauline Kergomard, future Inspectrice des écoles maternelles ; Clémence Royer, scientifique et traductrice de Darwin. Et la journaliste militante Louise Koppe, introduite dans le milieu politique par Victor Hugo.”

 

Avis de PrestaPlume ♥♥♥

Voici un personnage de biographie qui vaut le détour ! Il s’agit de Maria Deraismes (1828-1894), une féministe journaliste qui fonda en 1893, avec George Martin, la loge du « Droit humain » qui accueillait indifféremment hommes et femmes. Cette femme de caractère, grande lettrée et infatigable travailleuse malgré une maladie incurable alors méconnue (la maladie de Cronh), est tirée de l’ombre dans une biographie romancée, grâce à Fabienne Leloup, agrégée de lettres, professeur de français et écrivain. Cette femme érudite du XXIe siècle, qui se plaît dans les domaines « marginaux » du savoir, ne pouvait que se passionner pour le parcours franc-maçonnique de Maria Deraismes et réparer l’injustice de l’oubli. « Maria Deraismes, Riche, féministe et franc-maçonne » (éditions Michel de Maule) est un bel hommage littéraire qui plonge le lecteur dans une époque où la place naturelle de la femme n’était pas dans les cénacles politiques ou à la tribune en maître de conférences. 

Élevées dans l’esprit de Voltaire et des idées progressistes de leur père, Maria Deraismes et sa sœur aînée Anne nourrissaient des aspirations diamétralement opposées. La première était éprise de libertés, liberté de son corps et de ses pensées. Bref, de la conduite de sa vie. La seconde se conformait aux traditions qui plaçaient la femme au centre du foyer avec une ribambelle d’enfants. Dans ce milieu de haute bourgeoisie, elles avaient tout loisir de briller dans les salons. Mais, pour cela, elles devaient être belles, intelligentes et audacieuses dans les conversations. Maria était tout cela et bien plus encore. Elle pensait libérée de l’emprise religieuse et écrivait sans relâche pour le journal qu’elle avait acheté, affrontant les mentalités d’une société empesée dans les conventions et la maladie qui empiétait sur ses heures de travail. Dotée d’un caractère affirmé, d’une puissance de travail hors du commun et d’une fortune qui la mettait à l’abri d’un mari encombrant, Maria avait tous les atouts en main pour laisser une trace dans l’Histoire de l’Empire libéral, puis de la IIIe République.

Dans sa biographie fictionnelle, Fabienne Leloup sort des oubliettes de l’Histoire de France une femme qui a dédié sa vie à la condition féminine au mépris du scandale, en lui donnant de la chair et de l’esprit avec élégance. Alliant un travail de recherche historique poussé et une analyse fine de la psychologie de ce personnage complexe, elle parvient à brosser un portrait attachant de cette insoumise jusque dans ses amours saphismes. Il est impossible de ne pas suivre les pas de Maria sans éprouver de l’admiration pour celle qui a tout sacrifié à sa cause et du respect pour son courage qui n’a jamais faibli, même dans les pires moments des cabales organisées contre elle et l’icône féministe qu’elle représentait. Cette biographie, qui a tous les avantages du roman, divertit tout en dévoilant un pan méconnu du combat pour la libéralisation de la femme. C’est l’assurance d’une lecture surprenante et enrichissante.

Éditions Michel de Maule, octobre 2015, 304 pages, 20 €.

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