« Une joie féroce », Sorj Chalandon
Temps de lecture : 3 minCHRONIQUE
Sans la férocité, comment la joie pourrait-elle triompher de l’adversité ? Sans la férocité, ne s’inclinerait-elle pas devant la maladie ? Quand celle-là a pour nom cancer, la joie doit sacrément s’accrocher à la férocité pour surmonter la défection autour de soi. Avec « Une joie féroce », paru chez Grasset, Sorj Chalandon nous gratifie d’un roman à la sensibilité cruelle, exacerbée, magnifiée. Aux premiers mots, il nous embarque avec une justesse bouleversante dans une histoire qui concentre les vérités de ces femmes atteintes d’un cancer dans le corps martyrisé de son héroïne, pour ensuite lui donner une dimension inattendue. Car « Une joie féroce » n’est pas qu’un énième livre sur cette maladie insidieuse et tueuse, il la sublime en offrant à Jeanne le pouvoir de reprendre en main sa vie. Choisir de commettre l’impensable, l’irréparable, par amitié, mais aussi par consolation. Seule consolation dans un monde inhospitalier, où même l’homme censé l’entourer bat en retraite, cachant sa couardise par l’encensement de la combattante qu’il a lui-même désarmée en lui retirant son amour. Il s’en lave les mains, ce n’est plus son histoire. C’est presque une histoire ancienne. Tout juste un souvenir qui précipite Jeanne dans la reconquête de son intégrité morale, et donc physique. C’est ça ou la lente descente vers la mort.