“Les misophones”, Bruno Salomone

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On connaît bien le jeu et l’humour de l’acteur Bruno Salomone, notamment dans la série télévisée « Fais pas ci, fais pas ça », mais un peu moins sa plume. Il eut été dommage de passer à côté. En publiant aux éditions Cherche Midi son premier roman « Les Misophones », Bruno Salomone reste fidèle à sa justesse et à sa drôlerie qu’il transpose à l’écrit. D’autant que son titre ne laisse pas sans intriguer. Qu’est-ce donc que ce néologisme médical dont 15 % des Français seraient atteints ? L’indisposition aux petits bruits du quotidien qui, dans la tête du misophone, peut prendre des proportions incontrôlables. Les bruits déclencheurs sont la mastication, les croustillements, les borborygmes, les toux, les reniflements… toutes ces musiques disharmonieuses du corps qui provoquent chez le misophone tout un éventail de réactions, du simple agacement à l’irascibilité violente. Et se raisonner ne sert à rien. Dans ce roman singulier à l’écriture alerte, l’auteur met en lumière une maladie non encore répertoriée, mais handicapante au point de vouloir devenir ermite… Quoique les bruits d’une nature, continuels, peuvent tout aussi bien taper sur les nerfs ! L’un des deux héros de Bruno Salomone en a fait les frais !

“Le Tigre”, Joël Dicker

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Joël Dicker avait gardé au fond d’un tiroir informatique un conte écrit pour prendre part à un concours de nouvelles en 2004. Il avait 19 ans. L’histoire ne dit pas s’il a remporté ce concours avec ce conte d’inspiration russe « Le Tigre », mais une chose est sûre : il ne faut jamais jeter ses premiers écrits. S’ils ne marquent pas forcément les esprits, ils en disent long sur le processus de création, l’inspiration et le parcours de l’auteur dans son chemin d’écriture jusqu’à la belle éclosion. « Le Tigre », paru aux éditions de Fallois, est un conte à ne pas mettre entre les mains des tout jeunes. Il tient plus de la Bête du Gévaudan que du Petit chaperon rouge où il est question dans les deux cas de dévoration. Avec « Le Tigre », on prend un billet simple dans la lointaine Sibérie où la plus grande menace n’est plus le froid ou la faim, mais la voracité d’un tigre qui tue sans faim et la voracité sans fin d’un homme avide.

“À la ligne : feuillets d’usine”, Joseph Ponthus

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Il est des livres qui sortent de l’ordinaire. Tantôt par la forme, tantôt par le fond. « À la ligne – Feuillets d’usine », de Joseph Ponthus, cumulent des deux en quittant les sentiers battus de la ponctuation et en racontant sa souffrance quotidienne à l’usine. Si l’usine a été une déflagration tant physique que morale pour lui, ce premier roman est une claque par l’audace narrative qui aurait pu être rédhibitoire pour beaucoup de maisons d’édition. Vu les prix qui s’engrangent (Grand prix RTL-Lire 2019 et Prix Régine Deforges), les éditions La Table Ronde ne se sont pas trompées en croyant à ce roman qui a tout du journal poétique, où les vers libres chassés à la ligne sont la seule contrainte à laquelle s’est tenu Joseph Ponthus. Cette contrainte littéraire, qui ressemble tant à la liberté, a favorisé son évasion mentale de son travail prolétarien, à l’heure de la précarité moderne. L’ouvrier intérimaire privé de temps s’octroie la liberté absolue, irréductible, de penser son présent et de l’inscrire dans les pages blanches de sa nouvelle vie sur les lignes des usines en Bretagne. Une superbe ode aux peuples des usines !

“J’ai dû rêver trop fort “, Michel Bussi

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Machine à best-sellers à l’imaginaire foisonnant, Michel Bussi est de nouveau sur la rampe de lancement du succès avec son douzième roman, « J’ai dû rêver trop fort », aux éditions Presses de la Cité. A 52 ans, le professeur normand totalise douze romans, près de huit millions de livres vendus et des millions de lecteurs addicts à sa prose échevelée qui pousse à tourner les pages…

“Le retour du Jeune Prince”, Alejandro G. Roemmers

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“Le retour du Jeune prince” d’Alejandro G. Roemmers est le livre que l’auteur aurait voulu lire adolescent et qu’il a écrit en quelques jours, en 1999. Selon ce industriel au cœur de poète, ce roman n’est pas une suite au conte philosophique et initiatique, mais une continuité du message du Petit Prince de Saint-Exupéry. Sous la plume de l’auteur argentin, le gracile enfant aux cheveux de blé et à l’écharpe rouge est un adolescent exténué, échoué sur la route désertique de la Patagonie. Parti à la recherche de son ami aviateur qui lui a offert jadis un mouton, le jeune garçon gît à demi-mort de faim et de fatigue sur le bord de la route…

“Kiosque”, Jean Rouaud

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Bravant l’interdit maternel : « Tout sauf le commerce ! », Jean Rouaud devint kiosquier. Non pas par contradiction ou bravade, mais par nécessité alimentaire. C’était dans les années 80, il était apprenti écrivain en recherche de style, d’éditeur, de lecteurs, de reconnaissance. Avant “Les Champs d’honneur” premier roman et Prix Goncourt en 1990, nombre de ses manuscrits avaient été impitoyablement refusés. Son style n’étant pas dans l’air du temps. Ces sept années à vendre les journaux au 101 rue de Flandre dans le XIXe arrondissement de Paris formeront la matière génitrice de personnages aussi singuliers qu’attachants dans leurs fêlures épidermiques et leur intempérance verbale…

“Raymonde”, Audrey Poux

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Qui a vu et aimé le film « Le diable s’habille en Prada » doit se précipiter sur « Raymonde » d’Audrey Poux, aux éditions De Fallois. Un premier roman très réussi : enlevé, cruel, grinçant et drôle. Le style de l’auteur, aux traits bien marqués, détourne l’horreur de comportements éminemment nocifs et parvient à sublimer les situations avilissantes et les propos blessants. Le talon dans une cage à titi en couverture en dit long sur la dérision dont fait preuve l’auteure. En fait, Raymonde s’appelle Chloé. Mais comme ce prénom était déjà pris dans la rédaction du magazine de mode « Dolce Vita », la rédactrice en chef, langue venimeuse et esprit retors comme armes de poing, rebaptise sa nouvelle chef de service de son deuxième prénom : Raymonde. Ce baptême aux couleurs de l’extrême onction est le point de départ à l’enfer pavé de très mauvaises intentions et à un livre qui brosse des portraits très gratinés…

“Les Amants de la Rivière-Rouge”, Marie-France Desmaray

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La vie n’est pas un long fleuve tranquille. Cette expression vaut pour ce premier roman de 638 pages qui relie le Vieux Continent au Nouveau Monde, peu après la Grande Guerre. Paru aux éditions Presse de la Cité, « Les Amants de la Rivière rouge » est une saga romantique inspirée qui montre combien Marie-France Desmaray aime sa région (la Vendée) et les traditions culinaires. L’auteure rend hommage à ces pionnières courageuses au cœur conquérant de Vendée et des Charentes qui ont tout lâché pour s’exiler dans des contrées inhospitalières du Québec, endurant les pires difficultés financières et souffrances psychologiques pour s’acclimater et construire un nouveau foyer digne de ce nom…

“Métaphores, je vous aime – Le dico des belles images”, Daniel Lacotte

Temps de lecture : 2 min CHRONIQUE
L’homme qui dégaine les mots plus vite que son ombre s’appelle Daniel Lacotte. L’as des as n’est pas à son coup d’essai. Dans plus d’une quarantaine d’ouvrages à son actif, l’auteur allie la plume à l’esprit facétieux. Il emploie les mots à toutes les sauces narratives : biographies, romans, documents, essais, mais aussi des dictionnaires qui ne se la racontent pas. De ceux qui jouent avec l’origine des mots et leur glissement de sens. De ceux qui contiennent l’essentiel tout en distillant l’accessoire. De ceux, surtout, qui instruisent tout en distrayant ! « Métaphores, je vous aime – Le dico des belles images », paru chez First Éditions, est le dernier-né de cette longue liste à la Prévert qui ne reste pas sur l’estomac. Bien au contraire ! Des métaphores, en veux-tu ? En voilà ! Sans jeter de l’huile sur le feu, Daniel Lacotte déclare sa flamme une nouvelle fois, sans avoir les foies. Il n’a pas son pareil pour nous mettre l’eau à la bouche avec ses métaphores qui enjolivent si bien au sens propre comme au figuré.

“Changer le sens des rivières”, Murielle Magellan

Temps de lecture : 3 min CHRONIQUE
Le nouveau roman de Murielle Magellan, chez Julliard, est pareil à un bel esquif, maniable et léger, propre à naviguer avec grâce dans le fracas des remous d’une rivière. Si la vie n’est pas un fleuve tranquille, en changer le cours semble surmontable. C’est ce que « Changer le sens des rivières » raconte, empruntant au roman d’apprentissage. En suivant le cheminement de pensées de la jeune héroïne Marie, le lecteur se laisse embarquer avec bonheur par l’imprévisibilité d’un pacte avec le juge qui l’a condamnée. Cette rencontre va tout changer. Avec un pragmatisme poétique et une sensibilité à fleur d’eau, Murielle Magellan nous fait traverser avec douceur le tourbillon de l’âme de ceux et celles, issus de milieux défavorisés, qui se sont laissé enchaîner en fond de cale par les connaissances des autres… jusqu’au jour de la dernière humiliation.

“Le chaos de la séduction moderne », de Nathalia L. Brignoli

Temps de lecture : 3 min CHRONIQUE
Un titre choc pour un sujet chaud. L’auteure et journaliste Nathalia L. Brignoli ne s’embarrasse pas de circonvolutions pour décrire une réalité qui fait froid dans le cœur. Tout est suggéré dans le titre de cet ouvrage, « Le chaos de la séduction moderne », où elle évoque la « survie au désenchantement du couple et aux nouveaux codes de la drague, réflexions et témoignages ». Elle explique ce qu’est devenu ce féminisme des années 70 qui ne pensaient qu’à se libérer de tous les carcans pour finalement, aujourd’hui, s’enchaîner à la société de marché où la femme s’élève d’elle-même en produit de consommation. Elle décortique, non sans provocation, le bouleversement des échanges amoureux après avoir analysé nombre de témoignages d’hommes et de femmes de toutes conditions, de tous âges, éperdus de solitude, sans plus de repères dans leurs relations de couple. Au chaos occasionné par cette perte de repère s’ajoute le chaos généré par la modernité. Ainsi, le progrès nuirait à la relation amoureuse, faussant les règles de l’amour. Qui les reconnaît encore dans le comportement de ces êtres qui cherchent, non plus leur moitié, mais une moitié interchangeable une fois consommée ?

“La vie est plus belle en musique”, Claire-Marie Le Guay

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Claire-Marie Le Guay en est convaincue : la vie est plus belle en musique ! La volée de notes sur la couverture illustre l’enthousiasme qui se répand au fil des pages en une variation de rythmes sous la baguette passionnée d’une virtuose du piano et des sensations. Balayés les a priori ou la retenue, ce livre brillant n’est pas fait que pour les initiés ! « La vie est plus belle en musique » est un ouvrage didactique à la portée de toutes les émotions, qui réussit à concilier tous les publics et à captiver tant le mélomane averti que le profane complexé. La musique classique parle à tous, mais son universalité n’embrasse que ceux qui lui prêtent l’oreille. C’est ce que propose humblement la pianiste concertiste. À travers les œuvres citées, Claire-Marie dévoile aussi la femme passionnée et engagée, au gré des notes de musique qui égrènent les siècles sans perdre de leur force ni de leur poésie. C’est un livre précieux à garder toujours près de soi, tel un remède aux maux de l’âme, dans lequel puiser sans fin selon les humeurs et les envies.

“L’Air de l’espoir”, Geneviève Senger

Temps de lecture : 3 min CHRONIQUE
Après « Le roman d’Elsa », où Geneviève Senger dresse le portrait d’une femme qui lutte pour devenir médecin au début du siècle passé, l’auteure plonge sa nouvelle héroïne dans les temps troublés de la Seconde Guerre mondiale, de 1940 à 1944. Si le sujet a été traité maintes fois en littérature, « L’Air de l’espoir » marque sa particularité par le choix de situer l’action en Alsace, qui connaît l’annexion au Troisième Reich et non l’Occupation. Une horreur absolue pour ces Français de cœur dont la région n’a cessé d’être écartelée entre la France et l’Allemagne. Les Alsaciens deviennent Allemands, ils sont contraints de renier la langue française sous peine de représailles et de germaniser leur prénom. Viviane est la fille unique d’un viticulteur du cru et d’une Marseillaise répondant au doux prénom de Juliette. Mais Juliette a un secret : elle est juive. Connaissant l’obsession d’Hitler contre les siens, elle tremble d’être découverte et arrachée à son mari. Sa fille, Viviane, bien que blonde aux yeux bleus, ne serait alors pas épargnée.

“Le puzzle du chat”, Michael Freund

Temps de lecture : 3 min CHRONIQUE
Premier roman de l’enseignant-chercheur Michael Freund, « Le puzzle du chat » joue au chat et à la souris avec notre raisonnement. Comment une étudiante a-t-elle pu vouloir mourir après la réussite d’un examen ? C’est ce que Stani, professeur de logique à l’université d’Orléans, et le commissaire Bellot cherchent à élucider, chacun de son côté, dans un roman qui met en équation l’émoi amoureux en sursis, une énigme à double inconnue et un raid vengeur pour honorer la mémoire d’un père juif humilié. Le récit de Michael Freund s’installe lentement, la suspicion s’amorce très vite et l’intrigue prend une ampleur inattendue, se démultipliant jusqu’au dénouement en suspens. Deux histoires en parallèle qui, contre toute logique géométrique, finissent par se rencontrer grâce au dénominateur commun : le commissaire Bellot, un enquêteur opiniâtre jeté aux oubliettes des « has been » par ses supérieurs dans l’attente d’une mise à la retraite imposée.

« Les Mécaniques du Crime », Sylvain Larue

COuverture Les mécaniques du crime

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Le policier historique est la marque de fabrique de l’auteur Sylvain Larue. Avec « Les Mécaniques du Crime », aux éditions De Borée, il signe le quatrième tome de la série relatant les aventures de Léandre Lafforgue, dit Le Goupil, agent très spécial du Second Empire. Ce polar d’une belle complexité, à l’image d’une savante mécanique, vous plonge dans un siècle instable politiquement et une période aussi passionnante qu’explosive. Des bombes enflamment en effet Paris, elles visent Napoléon III, que beaucoup traitent d’usurpateur, car le premier président élu au suffrage universel masculin s’est institué empereur le 2 décembre 1852. Son plus fervent agent lui-même, Léandre Lafforgue, se sent trahi, mais il lui reste fidèle quoi qu’il lui en coûte. D’autant que sa sagacité est réclamée en haut lieu pour débusquer le poseur de bombes et faire cesser l’hécatombe des innocents touchés indistinctement…

“Quand on parle de Lou”, Julie Gouazé

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« Quand on parle de Lou », de Julie Gouazé, est un roman qui navigue dans l’embouchure des émotions, cet endroit tumultueux où le déclin de l’amour pour l’un se confronte à l’amour naissant pour l’autre. Un cœur qui se ravive pour Lou sous le charme de Lucie. Des chapitres très courts, une écriture vive et chaloupée, un style presque télégraphique avec une rare musicalité. Ce roman économe d’effets et de manches aime jouer avec les mots et leur double sens. Lou y es-tu ? Oui, Lou y est et tient à y rester. Non pas dans sa tanière à protéger ses deux louveteaux – qu’elle couve quand même du regard –, mais dans cette nouvelle vie de femme épanouie, aimée et comprise par une autre femme. Elle va apprendre à connaître les sentiments homosexuels et le changement des regards portés sur elle et son couple. Quand la différence se fait flagrante, le quotidien devient un combat pour devenir pleinement ce que l’on vit. Un point de vue intéressant de femme sur les débuts au féminin, d’où se dégagent force et complicité.

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