“Le puzzle du chat”, Michael Freund

Temps de lecture : 3 min

 

Extrait

“L’idée lui vint alors que le taxi s’engageait sur le pont Henri-IV : pourquoi s’arrêter à cette seule vitrine de Montparnasse, pourquoi en rester là ? Il pouvait poursuivre, recommencer une fois, deux fois, dix fois. Casser du Luchaire partout où c’était possible, en faisant suivre à chaque fois de la même signature, la griffe de Julius. On finirait tôt ou tard par s’y intéresser. On enquêterait. Les journaux s’empareraient de l’affaire, ils citeraient le slogan, ils parleraient du Luchaire collabo, antisémite, ce Luchaire qui s’affichait impudemment à tous les coins de rue, qui continuait d’exister, impuni, oublié, comme si de rien n’était. On mettrait enfin les pendules à l’heure.

Julius, trois quarts de siècle après, serait vengé.” (page 50)

 

Avis de PrestaPlume ♥♥♥


Premier roman de l’enseignant-chercheur Michael Freund, « Le puzzle du chat » joue au chat et à la souris avec notre raisonnement. Comment une étudiante a-t-elle pu vouloir mourir après la réussite d’un examen ? C’est ce que Stani, professeur de logique à l’université d’Orléans, et le commissaire Bellot cherchent à élucider, chacun de son côté, dans un roman qui met en équation l’émoi amoureux en sursis, une énigme à double inconnue et un raid vengeur pour honorer la mémoire d’un père juif humilié. Le récit de Michael Freund s’installe lentement, la suspicion s’amorce très vite et l’intrigue prend une ampleur inattendue, se démultipliant jusqu’au dénouement en suspens. Deux histoires en parallèle qui, contre toute logique géométrique, finissent par se rencontrer grâce au dénominateur commun  : le commissaire Bellot, un enquêteur opiniâtre jeté aux oubliettes des « has been » par ses supérieurs dans l’attente d’une mise à la retraite imposée.

Stani est un homme divorcé, obnubilé par les maths et les insolubles équations. Il vit à Paris, mais se rend trois fois par semaine à l’université d’Orléans pour y faire cours. Cette année-là est bien chargée en émotions. Stani vient d’enterrer son père et il veut se débarrasser de la maison familiale. Il est dans un imbroglio administratif ardu à résoudre. Ce remue-ménage émotionnel lui rappelle un souvenir auquel il avait fait peu de cas, enfant. Mais qui, en ce temps de deuil, prend une importance excessive qui le pousse à commettre des actes impensables, hors de sa nature. L’honneur exige réparation, à tout prix. Alors que Stani règle les comptes du passé, le présent vient lui chatouiller le cœur sous la forme d’une belle pianiste, dont il s’est vu proposer de garder le chat quelques jours. Pourrait-il tomber à nouveau amoureux ? En proie à ces nombreux questionnements, l’histoire de suicide à l’université, qui lui tombe sur les bras un matin brumeux, est un tracas supplémentaire qui l’agace au plus haut point. Il est persuadé de s’être fait manipuler par le professeur de cette étudiante qui aurait trafiqué la note.

Avec « Le puzzle du chat », Michael Freund fait ses griffes sur la fiction, sans s’écarter de son domaine de prédilection, les maths. Il mène de front plusieurs histoires qui se croisent et s’entrecroisent en mettant en scène son personnage principal, Stani, dans un environnement connu de lui. Sans doute une manière de dévoiler les préoccupations quotidiennes des professeurs, entre réforme de l’enseignement et processus de corrections des copies. Si le premier paraît superfétatoire et ralentit l’intrigue, le second donne une clé de compréhension pour appréhender l’énigme. Si l’on ne saisit pas l’énoncé d’un problème, comment espérer le résoudre ? Toutes les conjectures possibles et imaginables vont être jetées par les protagonistes, dont Stani et le commissaire Bellot, pour démêler un acte de prime abord aberrant. C’est cette quête dans le paysage mouvant de l’absurde que propose Michael Freund qui prend un malin plaisir à nous égarer dans ce labyrinthique policier. D’autant qu’il intègre un grain de folie improbable, mais qui gagne les cœurs. Réparer une injustice en se faisant justice soi-même, au nom de tous les siens, n’est-ce pas tentant ?

Nathalie Gendreau

 

Éditions Michel de Maule, 23 mai 2018, 244 pages, à 22 euros.

 

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