Extrait
“Un jour, Lou s’est retournée. Et elle a vu que personne ne la suivait. Elle s’est retrouvée dans un univers dont nul n’avait la clé. Alors elle a étouffé. A force de courir derrière Marc, Lou a semé son monde. le vrai. Le sien. Celui d’où elle vient.“
Avis de PrestaPlume ♥♥♥♥
« Quand on parle de Lou », de Julie Gouazé, est un roman qui navigue dans l’embouchure des émotions, cet endroit tumultueux où le déclin de l’amour pour l’un se confronte à l’amour naissant pour l’autre. Un cœur qui se ravive pour Lou sous le charme de Lucie. Des chapitres très courts, une écriture vive et chaloupée, un style presque télégraphique avec une rare musicalité. Ce roman économe d’effets et de manches aime jouer avec les mots et leur double sens. Lou y es-tu ? Oui, Lou y est et tient à y rester. Non pas dans sa tanière à protéger ses deux louveteaux – qu’elle couve quand même du regard –, mais dans cette nouvelle vie de femme épanouie, aimée et comprise par une autre femme. Elle va apprendre à connaître les sentiments homosexuels et le changement des regards portés sur elle et son couple. Quand la différence se fait flagrante, le quotidien devient un combat pour devenir pleinement ce que l’on vit. Un point de vue intéressant de femme sur les débuts au féminin, d’où se dégagent force et complicité.
Lou est partagée. Elle est mariée avec Marc, un homme brillant. C’est un écrivain reconnu, qui est de tous les dîners mondains, de toutes les cérémonies officielles. La beauté de Lou l’accompagne, en toutes occasions. Lou aimerait pourtant exister, se sentir vivre, accrocher un regard, un intérêt. Les sourires de circonstances finissent par l’étouffer. Tout comme son désamour pour son attachant mari qui ne comprend pas l’excitation de Lou pour la parution de son premier livre. Lui, il en a connu tellement qu’il méprise ce plaisir inédit. Alors, de questions en non-réponses, Lou se détache, s’interroge, pèse le pour et le contre, pense aux enfants qui auraient deux maisons. Lou prend sa décision, se retient de consoler Marc de sa peine, et ouvre la porte de cette chère liberté. Puis, Lou connaît la solitude de toute femme divorcée, les invitations à dîner qui se raréfient, les amis qui se détournent sans faire de bruit. Puis, Lou connaît le coup de foudre et la douce extase dans les bras de Lucie. Une révélation, comme un bonheur qui s’éveille après une longue nuit sans rêve.
« Quand on parle de Lou » est le troisième roman de Julie Gouazé. Un roman de femme, encore et toujours. Julie n’avait sans doute pas fait le tour de Lou. Une femme qui découvre l’amour d’une femme. Avec simplicité et sans fard, l’auteure aborde le cœur nu un fait de société qui ne devrait plus poser question, mais qui fait couler encore beaucoup d’encre. Lou est amoureuse. Peu importe que cet amour soit incarné par une femme. N’est-ce pas l’amour le plus important ? Alors, Julie Gouazé s’interroge au travers de Lou qui, elle, ne craint pas de montrer les dents quand l’autre devient méfiant, désobligeant, fuyant. L’agressivité est dans ce silence insupportable de l’entourage qui prend le large, après s’être peu à peu éloigné. Pour le dire joliment, ce roman court, condensé en vécu, emprunte à la poésie une rythmique d’émotions qui cavalent sans s’appesantir sur l’instant. Paradoxalement – et c’est ce qui en fait un livre unique –, la fugacité des mots s’immisce en soi pour y faire résonner une sensation durable.
Nathalie Gendreau
Éditions Belfond, 4 octobre 2018, 232 pages, à 17 euros en version papier et 11,99 euros en version numérique.
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