« Les Mécaniques du Crime », Sylvain Larue

Temps de lecture : 3 min

Extrait (page 91)
“Prince,
En trahissant vos convictions, vous avez également trahi celles d’un peuple qui avait confiance en vous. En reprenant le titre immérité de votre l’usurpateur, vous n’avez fait qu’aggraver la situation.
Le premier coup de semonce qui a retenti pour vos noces n’a pas eu l’effet recherché, bien qu’il ait fait couler le sang, chose qui n’a sûrement pas été le cas dans le lit de votre gourgandine ce soir-là.
Celui-ci est destiné à vous prouver que nous ne cherchons pas la violence à tout prix.
Les prochaines fois ne seront pas aussi clémentes.
Renoncez au pouvoir avant qu’il ne soit trop tard.
God save the Queen.”

(Sylvain Larue)

Avis de PrestaPlume ♥♥♥♥

Le policier historique est la marque de fabrique de l’auteur Sylvain Larue. Avec « Les Mécaniques du Crime », aux éditions De Borée, il signe le quatrième tome de la série relatant les aventures de Léandre Lafforgue, dit Le Goupil, agent très spécial du Second Empire. Ce polar d’une belle complexité, à l’image d’une savante mécanique, vous plonge dans un siècle instable politiquement et une période aussi passionnante qu’explosive. Des bombes enflamment en effet Paris, elles visent Napoléon III, que beaucoup traitent d’usurpateur, car le premier président élu au suffrage universel masculin s’est institué empereur le 2 décembre 1852. Son plus fervent agent lui-même, Léandre Lafforgue, se sent trahi, mais il lui reste fidèle quoi qu’il lui en coûte. D’autant que sa sagacité est réclamée en haut lieu pour débusquer le poseur de bombes et faire cesser l’hécatombe des innocents touchés indistinctement. Dans une langue très soutenue, l’auteur embarque le lecteur dans les rouages d’une histoire finement orchestrée, où se croisent et s’entredéchirent des personnages historiques. Ce polar très documenté éclaire et divertit en même temps. La lecture des trois premiers tomes n’est pas une obligation, mais une recommandation. Elle aura l’avantage de vous familiariser avec le contexte et les enjeux politiques, ainsi qu’avec la galerie de personnages.

Résumé

Nous sommes en 1853 et Cupidon a assiégé le cœur de Napoléon III. Après moult hésitations, il finit par demander en mariage Eugénie de Montijo, contre l’avis de ses proches et conseillers qui le voit comme une mésalliance. Puis Cupidon sert d’emblème au terroriste qui signe ses forfaits d’un dessin aux traits d’un angelot à la face méchante bandant son arc, appelé Amour. Ses attentats commencent au soir même des noces du couple impérial, incendiant les travées de Notre-Dame de Paris. Ils viendront ensuite ponctuer l’enquête des agents de la Noble Cour (police secrète de Napoléon III), alors qu’au même moment des négociations se tiennent entre la Grande-Bretagne et la France pour convenir d’une alliance politique et commerciale. Au fil des attentats, Le Goupil soupçonne que les crimes cachent un mobile moins politique que personnel. Faisant cavalier seul, ses recherches le mèneront en Italie, sur les terres familiales. Entre trahisons et réconciliation, Léandre Lafforgue devra naviguer avec finesse et discernement pour ne pas sombrer corps et biens.

Pour approfondir

« 1853, hiver de l’Amour, printemps de la mort… » Ainsi commence l’argument des « Mécaniques du Crime », aux éditions De Borée. L’amour et la mort sont intimement imbriqués dans ce livre à l’écriture soignée et aux recherches historiques très poussées. Les détails sur le quotidien, les mentalités, l’atmosphère d’un Paris survolté et les manœuvres pour renverser un « usurpateur » sont aussi croustillants qu’instructifs. La mécanique du roman est ciselée comme celle d’une pièce d’horlogerie de haute précision, qui maintient l’intérêt jusqu’au bout. Malgré leur multitude, les personnages ont chacun un passé, une faille, des émotions, que l’auteur se plaît à dévoiler, même si leur destinée est courte et funeste, ce qui déclenche d’autant l’empathie du lecteur.

L’auteur Sylvain Larue n’est pas à son coup d’essai, puisqu’il a publié en sept ans dix-huit ouvrages dans la collection « Les Grandes Affaires criminelles ». C’est en 2016 qu’il présente le personnage du Goupil, un enquêteur gascon au sang vif et l’âme blessée, dans le Paris de la Deuxième République. Ainsi, après avoir suivi l’ascension du président de la République Charles Louis Napoléon Bonaparte dans « L’Œil du goupil » (1848), « Au bal des muscadins » (1849) et « Le Crime de l’Odéon » (1851), « Les Mécaniques du crime » évoque les remous politiques provoqués par le passage d’une présidence qui aura duré un peu plus de trois ans à un Empire qui prendra fin dix-sept ans plus tard, le 4 septembre 1870. Entre 1853 et 1870, Le Goupil a donc encore de beaux jours à vivre et à nous faire vivre.

Nathalie Gendreau

Éditions De Borée (Collection Vents d’Histoire), 10 octobre 2019, 456 pages, à 21 euros.

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