Extrait
“Sortir en tapinois.
S’éclipser discrètement. Au XIIe siècle, on disait : en tapin. Terme venu du verbe “se tapir” : se cacher. Il ne faut surtout pas confondre avec un autre tapin (XVIIIe s.) qui n’a rien de discret puisqu’il s’agissait d’un musicien qui bat le tambour (dérive du verbe “taper”). Ce qui va générer la locution “faire le tapin” : racoler sur la voie publique, tapiner (par allusion au comportement de ces tapins qui cherchent tous à se faire remarquer de leurs congénères).”
Avis de PrestaPlume ♥♥♥♥
L’homme qui dégaine les mots plus vite que son ombre s’appelle Daniel Lacotte. L’as des as n’est pas à son coup d’essai. Dans plus d’une quarantaine d’ouvrages à son actif, l’auteur allie la plume à l’esprit facétieux. Il emploie les mots à toutes les sauces narratives : biographies, romans, documents, essais, mais aussi des dictionnaires qui ne se la racontent pas. De ceux qui jouent avec l’origine des mots et leur glissement de sens. De ceux qui contiennent l’essentiel tout en distillant l’accessoire. De ceux, surtout, qui instruisent tout en distrayant ! « Métaphores, je vous aime – Le dico des belles images », paru chez First Éditions, est le dernier-né de cette longue liste à la Prévert qui ne reste pas sur l’estomac. Bien au contraire ! Des métaphores, en veux-tu ? En voilà ! Sans jeter de l’huile sur le feu, Daniel Lacotte déclare sa flamme une nouvelle fois, sans avoir les foies. Il n’a pas son pareil pour nous mettre l’eau à la bouche avec ses métaphores qui enjolivent si bien, au sens propre comme au figuré.
Entre le sous-titre « Le dico des belles images » et l’illustration de la couverture, « Métaphores, je vous aime » ne tergiverse pas. L’œil énamouré, la bouche en cœur, l’ouvrage séduit dès le premier regard. Il annonce la promesse d’un plaisir renouvelé. Ouvrage didactique, documenté et aisé à utiliser, il peut se découvrir en suivant l’ordre alphabétique ou en se laissant guider par le hasard des mots qui happent l’attention ou la curiosité. Et si j’opte pour la tactique de la journaliste Olivia de Lamberterie d’ouvrir le livre à la page de son année de naissance, je tombe sur « Faire le joli cœur » et « Ouvrir son cœur » ! Deux métaphores qui marquent l’amour au fer rouge ! Les définitions sont tirées au cordeau, entre explication et exemple ou avançant sur le fil du rasoir entre plaisir et intérêt, entre verve et bons mots.
Avec Daniel Lacotte, la lassitude passe son chemin. Même les adeptes de l’école buissonnière trouveront du grain à moudre dans son dernier-né. Il y a toujours des mots à apprendre, à revoir, à réinventer, à gorger de sens ou à essorer jusqu’à ce qu’ils rendent leur dernier jus. Bien malin celui ou celle qui aura deviné l’origine de la métaphore « Se mailler de rire » pour dire plus ordinairement « se tordre de rire » ? Ou bien de l’expression « trois pelés et un tondu » pour parler des gueux et indigents du temps où la lèpre et la gale sévissaient ? Après son « Dictionnaire insolite du français truculent » (2015), à remettre en toutes les mains, et son récent et plus coquin « Le Bouquin des mots savoureux, cocasses et polissons » (2017), Daniel Lacotte sème une multitude de petits cailloux de la connaissance, sans façon ni manière, mais avec tout le respect que l’on doit à la langue française. Qu’elle soit fleurie ou bien pendue, vivante ou désuète, elle ne cessera jamais de nous étonner. Du moins tant qu’il y aura des chasseurs de mots pour les épingler dans un dico !
Nathalie Gendreau
First Éditions, 11 octobre 2018, 232 pages, à 16,95 euros.
Journaliste, biographe, auteure et critique culturel, je partage avec vous mes articles et avis. Si vous aimez, abonnez-vous !