“Le Tigre”, Joël Dicker

Temps de lecture : 3 min

 

Extrait

“Ivan, étendu par terre, regarda le fauve s’approcher de lui, feulant, menaçant, sur le point de le déchiqueter à coups de griffes. Le jeune homme et l’animal se dévisagèrent. Le Tigre montra ses dents, les oreilles en arrière, prêt à tuer. Ivan le fixa, le coeur battant. Et soudain il se mit à crier, plein de rage : ” Je n’ai pas peur de toi, Tigre ! Je n’ai pas peur de toi !” (page 44-45)

 

Avis de PrestaPlume ♥♥♥

 

Joël Dicker avait gardé au fond d’un tiroir informatique un conte écrit pour prendre part à un concours de nouvelles en 2004. Il avait 19 ans. L’histoire ne dit pas s’il a remporté ce concours avec ce conte d’inspiration russe « Le Tigre », mais une chose est sûre : il ne faut jamais jeter ses premiers écrits. S’ils ne marquent pas forcément les esprits, ils en disent long sur le processus de création, l’inspiration et le parcours de l’auteur dans son chemin d’écriture jusqu’à la belle éclosion. « Le Tigre », paru aux éditions de Fallois, est un conte à ne pas mettre entre les mains des tout jeunes. Il tient plus de la Bête du Gévaudan que du Petit chaperon rouge où il est question dans les deux cas de dévoration. Avec « Le Tigre », on prend un billet simple dans la lointaine Sibérie où la plus grande menace n’est plus le froid ou la faim, mais la voracité d’un tigre qui tue sans faim et la voracité sans fin d’un homme avide.

Dans les steppes de Sibérie, au tout début du XXe siècle, un tigre fait régner la terreur parmi les villageois : les troupeaux et la population sont massacrés. Le peuple a peur, il gronde, il se terre. Saisi du grave problème, le Tsar envoie un émissaire pour enquêter, car ce tigre le contrarie dans ses plans d’expansion dans cette zone reculée. Après la disparition de son émissaire, il promet le poids du monstre en pièces d’or si on lui rapporte sa dépouille. La merveilleuse récompense en fait rêver plus d’un. De toutes les parties de l’immense Empire, les chasseurs seuls ou en groupe quittent leur foyer pour traquer la bête. Yvan fait partie de ceux qui rêvent d’être riches à bon compte. Ce jeune Pétersbourgeois, issu d’une famille pauvre, voit dans cette affaire la chance de sa vie de vivre sans se préoccuper du lendemain. Convaincu que l’animal lui est réservé, qu’il va le ramener avec lui, Ivan vend tout ce qu’il possède pour prendre le train et s’acheter un cheval. La quête commence, poussé irrésistiblement par l’appât du gain jusqu’à ce qu’il se retrouve nez à nez avec la bête.

L’auteur à succès de « La Vérité sur l’affaire Herry Quebert » ou de « La Disparition de Stephanie Mailer » nous avait habitués à du long, du fleuve, du torrentiel jusqu’à l’immensité Pacifique. Avec ce conte russe, nous revenons aux sources. Aux sources de son écriture en formation, mais aussi aux sources d’une écriture du fond des âges  : le conte. Celui qui ne parle pas de fée ni de princesse, mais de survie, de duel sauvage entre l’homme et l’animal. Une confrontation sans merci, dans laquelle l’homme n’a pas à envier au tigre sa nature animale. Ivan est… terrible, certes courageux mais il laisse l’argent le dévorer et le métamorphoser peu à peu en loup aux dents longues. Et tous les coups sont permis, même les plus lâches, les plus vils, les plus abjects. Ce conte sur la voracité met en lumière ce qui anime l’humain quand le désir de possession est le plus fort. Joël Dicker parvient à faire contenir l’horreur mise en miroir homme/animal en seulement quelques pages, sobres et aux détails choisis. L’atmosphère de la Russie plane, le danger aussi comme une épée de Damoclès qui s’abat aveuglément.

Nathalie Gendreau

 

Éditions De Fallois, 23 mars 2019, 64 pages, à 13,90 euros en version papier et 8,99 euros en version numérique.

 

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