“Mercredi blanc”, Dominique Lin

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Extrait

L’atelier de chorégraphie verticale prenait forme. Lucie était en harmonie avec les membres du groupe, la date du spectacle approchait. À cause de la pluie, Lucie n’avait raté aucun rendez-vous du mercredi. Son idée préalable sur l’atelier s’était effacée devant la réalité de ce qu’elle vivait et surtout réussissait à exécuter. Il n’était pas question, comme elle le craignait, de se bouger les hanches et faire des pas cadencés comme sur une piste de danse ou dans les clips, mais de se laisser aller au rythme de la musique et de déplacer son corps avec la sensation d’apesanteur dans une chorégraphie aérienne de groupe (page 260).

 

Avis de PrestaPlume ♥♥♥♥

 

Avec son septième roman, « Mercredi blanc », Dominique Lin explore le monde de l’adolescence et sa face nord, celle cachée des regards non bienveillants, celle d’une différence qui cultive l’espoir. L’héroïne est une collégienne mature par les circonstances familiales et qui a fait de l’escalade son horizon de liberté. Elle a appris toute seule, sur les conseils d’un père disparu qu’elle croit entendre lors des moments ardus de ses ascensions urbaines illégales, nuitamment et sans protection. Pour elle, l’escalade est une bouffée d’air dans cette cité de banlieue grise et menaçante, hérissée de tours. En particulier, la tour numéro dix qui concentre le danger avec des trafics en tout genre. D’une voix poétique et sobre, l’auteur décrit le cheminement d’une adolescente courageuse et attendrissante entre la réalité d’un monde difficile et sa passion dévorante qui va l’amener, contre toute attente, à intégrer l’atelier de chorégraphie verticale d’un lycée voisin. Mais la porte du paradis va brutalement se refermer un certain mercredi trop blanc. Seule Lucie a les clés en main pour la rouvrir. Mais en aura-t-elle la volonté ? Une histoire simple, belle, actuelle, vivante, qui fait du bien à ses propres rêves.

Lucie vit dans une famille très modeste. Elle est la seule fille d’une fratrie de cinq enfants. Par nécessité, elle se charge de la maison et de ses deux petits frères en l’absence de leur mère qui se tue au travail et de leur père prétendument décédé. Elle n’a que quatorze ans, mais elle veut préserver sa mère. Ses rares moments de liberté, elle les consacre à l’escalade, une passion qu’elle cache à tous, même à son meilleur ami. Quand elle attaque les sommets de béton, elle ne pense plus à sa légère claudication. Elle fait même corps avec ce père guide de montagne décédé, qu’un mystère entoure. Là-haut, elle est heureuse, sereine, à sa place. Elle est très douée. Lorsqu’elle rejoint une équipe de grimpeurs et de grimpeuses du lycée voisin, c’est le bonheur absolu. Mais à l’approche de son rêve d’escalader au grand jour et de s’intégrer dans une équipe accueillante, il y a cet accident qui l’immobilise pour quelques semaines, voire davantage si elle ne reprend pas confiance en elle. Alors, c’est la lutte qui s’engage pour reconquérir, avec la complicité de la famille et de son meilleur ami, le sommet d’une confiance qui a dévissé un certain mercredi blanc.

« Mercredi blanc » est un roman d’initiation, de transmission, à remettre dans toutes les mains. Jeunes et moins jeunes. Également auteur d’ouvrages jeunesse, Dominique Lin est à l’aise dans la tête d’une adolescente qui va vivre une aventure déterminante pour son devenir. En fonction de son comportement dans les épreuves, leur dépassement ou pas, son destin serait bien en passe de s’accomplir selon ses aspirations. L’écriture exigeante et délicate, la confrontation d’un réalisme brut avec le rêve inaccessible, l’amour familial et amical indéfectible, l’optimisme au cœur de l’action, le mystère d’un père absent, le tout tendu par un suspense ménagé donne à ce roman un souffle quasi épique d’une grande humanité. On sent l’adrénaline couler dans les veines, on tremble sur les échafaudages avec l’héroïne, on espère pour elle le meilleur. On la remercierait presque de nous avoir donné accès à son univers tout en nous éclairant sur l’étonnante pratique sportive de la chorégraphie verticale !

Nathalie Gendreau

 

Éditions Élan Sud, Hors collection, mars 2019, 288 pages, à 19 euros.

 

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