“Un ange passe”, Michel Stéphane

Temps de lecture : 3 min

 

Extrait

“Comment en était-il arrivé à violer et tuer ces femmes ?
Tout s’était passé très vite. Il y a longtemps. Au début ce n’était qu’un jeu. Un jeu. Le petit Pierre avait mouchardé ses copains et lui. Cafarder au pion, ça ne se fait pas. Et puis une cigarette fumée en cachette dans les toilettes, ce n’est pas un crime ! La vengeance approchait. Petit Pierre allait leur payer. Ils l’attrapèrent à la sortie du collège et le traînèrent derrière le bois. Ils y seraient plus tranquilles.
“Une bite au cirage !… On le pince à mort ! On lui fait bouffer de l’herbe !” Chacun des mômes avait sa petite idée pour faire passer au petit Pierre l’envie de recommencer.” (Page 51.)

 

Avis de PrestaPlume ♥♥♥

 

Premier roman de Michel Stéphane, rédacteur en chef de hors-séries au magazine L’Evénementiel, « Un ange passe », aux éditions du Petit Pavé, est un polar sombre, aux scènes d’action réussies et à l’humour noir prononcé, qui surprend par sa construction. La capitaine de police Ange Carminetti doit résoudre deux énigmes impliquant un violeur-tueur en série de femmes et un pédophile qui s’attaque à Julien, un enfant dont Ange s’est prise d’affection tout en ignorant tout de lui. Alors que le lecteur tente de chercher le lien entre les deux affaires, les pensant logiquement liées, il découvre que les enquêtes sont décorrélées l’une de l’autre. Par cette construction, prenant volontairement à contrepied le lecteur, ce roman s’apparente à une série annonciatrice de multiples épisodes. On s’attend donc à une suite reprenant le même personnage que l’auteur fera évoluer d’une affaire à la suivante. Dans cet opus, l’héroïne qui n’est pas un ange, aimant bastonner les hommes et répliquant vertement à leur moindre remarque misogyne, devient plus sensible au fil de ses rencontres avec Julien. Cet enfant opportunément disparu va ouvrir le cœur de la capitaine à l’amour.

L’été 1997 est caniculaire et les esprits sont surchauffés. Un serial violeur répand la psychose à Toulouse, choisissant ses victimes apparemment au hasard. La capitaine de police Ange Carminetti est aux anges, elle aime l’action et les énigmes. Femme de tête, elle commande une équipe d’hommes qui la craignent. Une course contre la montre s’engage pour arrêter l’ignoble prédateur qui semble prendre du plaisir à saigner ses victimes. Entre-temps, elle fait la connaissance de Julien, un enfant frêle et sauvage bien mystérieux. Peu à peu, ils vont tisser des liens d’affection. C’est donc violemment qu’elle réagit en apprenant que son voisin d’immeuble a tenté des attouchements sur son protégé dans l’ascenseur. Deux bonnes claques dans la figure n’ont cependant pas suffi à refroidir ses désirs, car plus tard il entraînera l’enfant chez lui. Mais Julien se démènera tant et si bien qu’il le tuera, avant de disparaître à jamais. Choquée et obsédée par cette mystérieuse disparition, Ange n’abandonnera pas l’affaire jusqu’à ce que la vérité lui explose à la figure.

Nonobstant la petite voix qui cherche à relier deux affaires, « Un ange passe » se lit très vite. Il est rythmé entre des scènes de course-poursuite bien ficelées et une biographie des personnages qui ralentit la narration, détournant par là même l’attention du cœur de l’action. Ce parti pris de décrire sur plusieurs pages la vie des personnages dès qu’ils apparaissent laisse encore à penser que le lecteur les retrouvera plus tard, dans un prochain épisode. Si la première affaire est tristement banale dans sa cruauté, la seconde trouve une résolution inattendue et incroyablement imaginative. Le style de Michel Stéphane est limpide et alerte ; il abonde dans l’humour noir dans les pires scènes, instillant ainsi une légèreté décalée pour s’opposer à la violence. Ça marche  : on ne s’émeut pas des actes monstrueux, on en sourit… malgré soi. On appréciera également les clins d’œil à la ville rose où la vie n’est pas si rose, au prénom de la capitaine qui tient autant de l’ange frappeur que de l’ange gardien et à l’époque de l’action pas si lointaine où les enquêtes 2.0 n’étaient pas encore dans l’air du temps aujourd’hui saturé d’ondes. « Un ange passe », et peut-être repassera-t-il par là… un de ces jours !

Nathalie Gendreau

 

Éditions du Petit Pavé, mars 2019, 192 pages, à 19 euros.

 

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