“Nature morte dans un fossé”, du polar théâtral noir, beau et utile

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Frissons et tension extrême sont au menu de « Nature morte dans un fossé ». Repris à la rentrée au théâtre du Gymnase Marie-Bell, ce polar noir est la satire d’une violence ordinaire faite aux femmes, le désenchantement d’une jeunesse fragilisée par les addictions, le trafic et les arrangements sexuels, avec en fil d’Ariane le labyrinthe des mauvais choix dans lequel se débattent les personnages. Ce militantisme intelligent focalise toute l’attention jusqu’au paroxysme du dénouement qui suscite révolte et incrédulité. Pourtant, quoi de plus crédible qu’une histoire vraie ! Un fait divers, comme on en voit trop : le meurtre d’Élisa Orlando, une jeune femme retrouvée, le corps nu martyrisé, dans un fossé entre Gênes et Milan. Comédienne et auteure, Wally Bajeux n’aime rien tant que créer beau et utile. Cette union fait la force de son adaptation du livre de Fausto Paravidino, auteur contemporain dont l’œuvre analyse les travers de notre société. Pour l’adapter, Wally Bajeux a misé sur une originalité narrative électrisante, qui pulse sans répit. En rendant les pensées des sept comédiens audibles, plus que du théâtre immersif, c’est une immersion intime dans l’esprit de chacun d’eux qui est instaurée. À leur insu, les spectateurs sont aimantés par des scènes au réalisme saisissant. Du beau théâtre, alliant puissance et originalité, opposant violence et finesse, comme on en voit rarement !

“Chacun son tour”, Mabille et Chevallier, le tandem de l’été

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Bernard Mabille et Philippe Chevallier, dans un décor de Paris-Plage sans les mouettes, se retrouvent du jeudi au samedi soir sur la scène du théâtre de l’Archipel entre billets d’humour et chroniques politiques bien senties. Ces deux trublions du verbe prolongent là ces délicieux moments passés le reste de l’année dans la Revue de presse,sur Paris Première, à s’écharper à coups de réparties, aussi caustiques que malicieuses. Sur scène, ils tentent de faire preuve d’égard l’un pour l’autre en multipliant les politesses pour un « Chacun son tour », l’un priant expressément l’autre de s’exprimer. Mais, faisant de cette courtoisie extrême un cheval de Troie, Bernard Mabille se délecte d’avoir laissé la parole à son compère pour mieux la lui couper, allégrement, à tout bout de champ, sans ménagement. Philippe Chevallier n’en perd cependant pas son latin, il surfe l’œil frisottant, le cheveu au vent et l’esprit léger sur les peaux de banane. Il revient inlassablement, sans lâcher sa bonne humeur, sur les mésaventures de son beau-frère qui lui sert de boussole dans la mer déchaînée des interruptions. Chacun ténor dans sa partie, le tandem de l’été s’amuse de tout et surtout des autres avec un public qui en redemande.

“Un drôle de mariage pour tous”, du rire pour tordre les conventions !

Un drôle de mariage pour tous Henri Guybet Théâtre Daunou

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L’élégant théâtre Daunou des années trente est, jusqu’à fin juillet, le décor d’une pièce à l’argument inventif, très actuel et délicieusement divertissant. « Un drôle de mariage pour tous » est un boulevard écrit, mis en scène et interprété par l’excellent Henri Guybet, qui a encore de belles idées sous le pied. Davantage qu’une bagatelle truffée de quiproquos et de situations loufoques, c’est aussi le miroir d’une société contemporaine du mariage pour tous, à la fois égalitaire et sectaire. Une contradiction que Henri Guybet a refondue pour la mouler à la louche dans son propre matériau : le rire… sans conventions. Rire sur un mariage pas comme les autres, inédit, qui fait fi de l’amour et des belles promesses qui tombent, avec le temps, dans le lit d’une ou d’un autre, plus accueillant. Mais là, nulle question d’amour, mais d’intérêt, de pragmatisme. Quand le pouvoir d’achat dégringole, il faut de la ressource pour ragaillardir son sex-appeal ! Et Henri Guybet n’en manque pas !

“Mes 15 meilleurs et mes 2 pires”, Irrésistiblement tendre, désarmant, inattendu

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Dans son seul-en-scène « Mes 15 meilleurs et mes 2 pires », Thierry Samitier est irrésistiblement tendre, désarmant, inattendu. Sa naïveté incarnée décale le propos et le tord jusqu’à l’absurde. C’est cette absurdité joyeusement loufoque dans l’authentique émotion qui donne à ce spectacle drôlement bien écrit un regard différent, pris sous un angle insoupçonné, et le fait résonner contre la paroi sensible de notre propre réalité. Cet humoriste se moque du formalisme. Dès l’entrée en scène, son petit sourire en biais, ses yeux malicieux, sa nonchalance crédule nous happe dans son monde cousu main d’irrationalité. Connu pour ses apparitions intempestives sur Canal+ dans « Nulle part ailleurs » et pour le personnage coincé d’Aymeric Dubernet Carton dans la série « Nos chers voisins » (TF1), Thierry Samitier est tout aussi à l’aise et performeur dans les seuls-en-scène. Son humour à la Devos, se jouant des situations ordinaires, nous amène là où il fait bon rire aux éclats, sans retenue, au détour de sketches faussement sérieux, provocants à l’envi. Tellement, qu’on en redemande !

“2 Shows en coloc”, deux voix pour une voie royale

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Une grande première pour le Don Camilo qui s’est invité sur la scène de l’Olympia, le 23 avril dernier, pour un show unique réunissant deux voix à découvrir. « 2 Shows en coloc », produit par Richard Vergnes, directeur du célèbre cabaret découvreur de talents, est un nouveau concept du Don Camilo consistant à réunir deux artistes prêts pour la course à la renommée, dont la case de départ est l’Olympia, le Graal de tout artiste ! L’imitateur Thierry Garcia et la chanteuse québécoise Geneviève Morissette avaient l’insigne honneur de transformer cette soirée-là de lancement en show exceptionnel. À en croire l’ovation du public à la fin des deux heures trente de performance, mission réussie ! Jouant l’un après l’autre leur propre spectacle, les deux artistes ont témoigné d’une signature artistique indéniable, d’une folle énergie, d’un humour à la fois audacieux et loufoque et d’une voix… inimitable. Ces deux alliés vibraient de cette joie à l’unisson, expansive et communicative, d’être sur la scène de l’antichambre sacrée qui donne le la à une carrière.

“I Love Piaf”, un cru 2019 exceptionnel

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L’élégant théâtre Daunou est le nouvel écrin de la biographie musicale de Jacques Pessis, « I love Piaf », consacrée à la « Môme » immortelle de Belleville. Une nouvelle version, mais avec un trio différent et de nouveaux talents. Le plaisir est à la fois renouvelé et inédit. Anaïs Delva en est l’interprète remarquable et Maryll Abbas l’accordéoniste complice. Ce soir-là, l’auteur, Jacques Pessis lui-même, est le narrateur heureux de la vie de Piaf, de sa naissance à son trépas. Le sourire rieur, un rien espiègle, il raconte les débuts, les amours, la carrière fulgurante et trop brève de la chanteuse, généreux d’anecdotes et redressant avec humour les erreurs tenaces comme sa cécité, enfant, qui aurait été guérie par la prière.

Noga en concert, la célébration de la vie

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Au théâtre de l’Atalante à Paris, la voix d’un être de douceur au style affirmé s’élève dans le ciel, irréelle et lumineuse. Ancienne avocate ayant porté la voix pendant trente ans pour défendre son prochain, la chanteuse suisse Noga lui a donné de la légèreté pour plaider en faveur de « la liberté d’être, l’importance du choix, la vertu de l’expérience et la célébration de la vie ». Rarement le rayonnement d’une artiste et ses convictions battent d’un même cœur, en parfaite osmose, en connexion subtile avec son public. Cette unité crée de l’authenticité qui touche. Pour ce concert, Noga est entourée de deux musiciens aux doigts ailés. Patrick Bebey principalement au piano et Olivier Koundouno au violoncelle. Chacun d’eux tire de son instrument des notes envoûtantes qui se colorent de rythmes différents au fil des chansons (Des envies d’encens, Léger la vie, Laisser partir, Dépêche-toi, N’écoute que ceux qui ne te disent rien, 3 syllabes, Psaumes de minuit…). Les textes ont pris leur source dans la sagesse des expériences vécues et les émotions, où la mémoire est omniprésente. Noga les a composés, pour certaines avec la complicité de romanciers comme Patrice Guirao, Thierry Illouz et Marie Nimier.

“La chute”, un vertigineux Clamence

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Dans la petite salle du théâtre des Mathurins, le verbe d’Albert Camus habite le comédien Yvan Morane, viscéralement, en tension, en éclats, en complexité. En contenu aussi. Le court roman, « La chute », est l’autopsie d’une âme tourmentée en quête d’une improbable rédemption, celle d’un avocat parisien obsédé par les cris d’une femme tombée dans la Seine. C’était une nuit de novembre, il rentrait chez lui par les quais quand il a entendu le bruit d’une chute. Il ne s’est pas retourné ; il aurait voulu, mais il a poursuivi son chemin sans avertir quiconque. Son comportement non glorieux le hante jusque dans le bar sordide Mexico-City à Amsterdam, ville où il s’est réfugié. Comme si l’exil éloignait la honte, la lâcheté, la culpabilité, le dégoût de soi et, en miroir, le dégoût des Hommes et de leurs turpitudes. Là, il a coutume d’aborder un compatriote pour confesser le secret de son âme à vif, non sans ironie et cynisme, ménageant le suspense sur l’horrible faute. Le narrateur se nomme lui-même « juge pénitent » et entreprend son procès dans un monologue dramatique glaçant.

“68, Mon amour”, la renaissance par le verbe

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Pièce écrite par Roger Lombardot et éditée en 2007 par Les Cahiers de l’Égaré, « 68 Mon Amour » est la version théâtralisée d’un témoignage nu, vibrant, sans filtre et lucide sur les événements de Mai 68. Loin de la résumer à la violence, l’auteur analyse cette époque comme l’émergence d’une jeunesse en recherche d’expression, de liberté d’être et de dire, comme l’affranchissement des chaînes du passé, de la dictature des traditions, du travail et des interdits. Pour cet enfant de l’après-guerre, qui eut « la sensation de vivre dans un monde gris au milieu de morts-vivants », 1968 est une année éblouissante, celle de sa renaissance qui a tout d’une révolution intérieure. Dans le rôle de cet homme en quête de beau, car convaincu que « la beauté sauvera le monde », Ludovic Salvador s’impose en force et en sensibilité…

“Et elles vécurent heureuses”, une comédie peps sur le bonheur

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« Et elles vécurent heureuses » est une comédie désopilante et impertinente sur ce qu’est le bonheur ? Ce soir-là, pour le public, il est certain que le bonheur a pris ses aises au Théâtre de Dix Heures. Le texte écrit à six mains par Anne de Kinkelin, Vanessa Fery et Emmanuel de Arriba, brille par des réparties qui fusent comme des boulets et touchent juste à chaque envoi. Le match à trois est truffé de phrases-chocs selon un scénario bien ficelé qui conduit le spectateur dans le labyrinthe des états d’âme féminins. Les comédiennes complices dispensent sans compter leur joie à faire vivre leur personnage qui sont chacune à un moment critique de leur vie. Delphine (Vanessa Fery) vit un divorce difficile ; Jeanne (Leslie Bevillard) va devenir mère contre son gré et Angélique (Marie-Cécile Sautreau) suspecte l’infidélité de son fiancé une heure avant leur mariage…

“Labyrinthe – Les Couloirs de L’Infini”, Pourang, le mentaliste conteur

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« Labyrinthe, les couloirs de l’Infini » n’est pas qu’un show de mentalisme haut de gamme. Ce spectacle allie le mystère à l’humour, la féerie poétique à l’esthétique, les tours de force aux talents de conteur. Car ce show, qui se tient à la Comédie de Paris, est d’abord une belle histoire qui traverse le temps, depuis l’Antiquité avec le mythe du Minotaure jusqu’à nos jours dans le cerveau humain, en passant par l’époque Victorienne qui fut marquée par les meurtres de Jack l’Éventreur en 1888…

“Deux mensonges et une vérité”, les démêlés d’un cœur à cœur jubilatoire

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La pièce « Deux mensonges et une vérité », nommée aux Molières 2018 pour la meilleure comédie, reprend au théâtre Montparnasse jusqu’à fin juin avec une nouvelle distribution. L’excellent Lionnel Astier cède le rôle de Philippe à Jean-Luc Moreau, aussi metteur en scène de ce boulevard original et tordant, et Nicole Calfan endosse avec bonheur le costume de Catherine, l’épouse de Philippe…

“Avant que j’oublie !”, que des maux d’amour !

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Tel Rocky, Sébastien peut mettre le genou à terre sur le ring de la compétition médiatique, il se relève toujours, car le petit Patrick, grâce à son cartable à malices, transforme les maux bleus en maux d’amour. Alors, avant que de tout oublier, de ces années bonheur aux années tristesse, l’inclassable artiste doué pour rallier à son panache clownesque les plus grands talents a décidé de tout balancer “les yeux dans les yeux” avec son nouveau spectacle “Avant que j’oublie !”…

“La Moustâche”, l’irrésistible circonflexe qui fait tache

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Que voilà une moustache bien fournie, au dessin simple et original, une magnifique coupe au carré si ce n’était la symbolique terrifiante qui ne fait plus fureur en ces temps éclairés ! Le circonflexe de la moustache de Sylvain Sabourdin (Arnaud Gidoin) est au centre de toutes les tensions au théâtre du Splendid. Cet homme discret, qui dit oui à tout et à tout le monde, va devoir faire montre d’imagination pour passer inaperçu avec l’ombre noire sous le nez. La rencontre avec son futur beau-père qui se trouve être de confession juive promet d’être mouvementée…

“Ma grammaire fait du vélo”, à vos marques, prêts, riez !

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Grammaire et orthographe, le couplet gagnant dans la course au bon français. Mais un casse-tête casse-pieds pour les élèves en queue de peloton. Ah ! S’ils avaient assisté à ce « Ma grammaire fait du vélo », spectacle éblouissant de François Mougenot sur les mots et leurs savantes combinaisons, ils auraient appris en riant… ou ri en apprenant ! Ce seul en scène humoristique au théâtre de l’Essaïon est exemplaire de la manière dont le corps enseignant devrait faire aimer la langue de Molière. L’auteur et comédien, sans esbroufe ni emphase, fait don de ces leçons de rattrapage, cocasses et absurdes, à la manière d’un Devos ou d’un Morel…

“Comment j’ai dressé un escargot sur tes seins”, la maladie d’amour sublimée

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Le petit théâtre “Le bout” est l’écrin parfait pour sanctifier l’intimité du texte de Matéi Visniec. L’éloge de la maladie d’amour du dramaturge et poète roumain, sous le titre aussi curieux qu’amusant « Comment j’ai dressé un escargot sur tes seins », peut s’y répandre avec la lenteur de l’agonie d’amour et le fracas intérieur des sentiments. Sans préambule, ce seul-en-scène nous fait entrer dans un univers surréaliste où la poésie voisine avec l’absurde. Le monologue du personnage nous entraîne dans une auscultation in vivo de son cœur mis à nu pour une femme fatale, une Muse dont il ne peut se passer. Il l’a dans la peau, elle palpite dans ses organes jusque dans ses moindres cellules…

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