“La Moustâche”, l’irrésistible circonflexe qui fait tache

Temps de lecture : 3 min

 

THÉÂTRE & CO 

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Avis de PrestaPlume “Coup de cœur

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Que voilà une moustache bien fournie, au dessin simple et original, une magnifique coupe au carré si ce n’était la symbolique terrifiante qui ne fait plus fureur en ces temps éclairés ! Le circonflexe de la moustache de Sylvain Sabourdin (Arnaud Gidoin) est au centre de toutes les tensions au théâtre du Splendid. Cet homme discret, qui dit oui à tout et à tout le monde, va devoir faire montre d’imagination pour passer inaperçu avec l’ombre noire sous le nez. La rencontre avec son futur beau-père qui se trouve être de confession juive promet d’être mouvementée. La mise en scène de Jean-Luc Moreau amplifie la vivacité de ce boulevard délirant. Les auteurs Sacha Judaszko et Fabrice Donnio abattent une à une toutes leurs cartes de l’imprévu, déroutent coupe sur coupe les protagonistes et remportent pli sur pli l’adhésion du public. Les quiproquos et les malentendus se donnent la main dans une suite de situations comiques qui montent crescendo jusqu’au paroxysme. « Ça va trop loin ! » entend-on comme une antienne à chaque malentendu au bord du précipice de la vérité. Que nenni ! Ça ne va pas trop loin ! On aime être secoué de spasmes aux larmes, on adore être choqué par les situations indémêlables  : on en reveut !

Pour Sylvain Sabourdin, la journée s’annonce difficile  : il doit rencontrer son futur beau-père. Sa chère et énergique amoureuse (Joy Esther) le prévient que son père (Daniel-Jean Colloredo) n’est pas un tendre, qu’il est même très spécial. C’est un briseur de couple. Les autres prétendants ont été priés de passer leur chemin avec force bruits. La pression est à son comble pour Sylvain, d’autant qu’il doit gérer JB (Fabrice Donnio), son pote chômeur qui squatte chez eux sans en faire une rame. Or, il a mission de le virer pour le dîner, sinon c’est le divorce assuré avant même le mariage ! À ce problème se greffent les survenues intempestives du concierge (Sacha Judaszko) qui se dévoile un pro-nazi qui détourne son courrier, son entretien d’embauche sur Skype à un poste à contre-emploi de « Cost killer » et… l’arrivée très matinale du beau-père qui est en avance de huit heures ! Sylvain est horrifié  : une panne d’électricité l’a empêché de se raser toute la barbe. Seule subsiste une moustache riquiqui, qui va provoquer un grand désordre, car ressemblant trop à s’y méprendre à celle d’Hitler ! Sylvain aurait pu tenter une sortie par l’humour… Seulement voilà, le beau-père, kippa vissée sur le sommet du crâne, manque de s’étouffer d’indignation et frôle la commotion cérébrale. Pour comble de malheur, JB et le concierge nuisent gravement à sa santé nerveuse ! L’affaire semble inextricable !

L’idée du scénario de « La Moustâche » est une trouvaille ingénieuse, le résultat fait un carton plein de rires et de bonne humeur ! Impossible de rester de marbre après le tâtonnement des dix premières minutes, telle la répétition dysharmonique d’un fabuleux orchestre qui s’apprête à tout donner. Et le jeu des comédiens en vaut la chandelle, car il monte en puissance à mesure que les quiproquos s’empilent, désarçonnent et vous projettent dans le sillage d’autres quiproquos annonciateurs de tempêtes. Les répits sont de courte durée, de l’ordre de la micro seconde. Les auteurs et le metteur en scène nous assènent gaiement les rebondissements avec entrain et malice, faisant de nous leurs joyeux complices. En un tournemain, ils font monter la tension jusqu’à l’explosion des situations qui, à peine éclairées, contiennent tous les ingrédients pour susciter un autre malentendu tout aussi improbable. Cet enchaînement pourrait fatiguer, lasser. Il pourrait, mais non ! Il donne un rythme fou à cette histoire déchaînée qui, toute pièce de boulevard qu’elle est, explore le comique du drame de ne pas savoir dire « non » et se faire respecter quand on est un gentil. Paradoxalement, la moustache dictatoriale de Sylvain lui permettra d’accoucher de lui-même et de s’assumer tel qu’il est. Moustache ou pas !

Nathalie Gendreau

Crédit Photos : Charlotte Spillemaecker

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“La Moustâche”

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Distribution

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Avec : Arnaud Gidoin, Joy Esther, Daniel-Jean Colloredo, Fabrice Donnio, Sacha Judaszko ou Matthieu Burnel.

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Créateurs

Auteurs : Sacha Judaszko, Fabrice Donnio 

Mise en scène :  Jean-Luc Moreau 

Décors : Charlie Mangel 

Costumes : Juliette Chanaud

Lumières : Jacques Rouveyrollis

Musiques : Sylvain Meyniac 


Du mardi au samedi à 21 heures, le dimanche à 15 heures, et la matinée du samedi à 17 heures, jusqu’au 2 juin 2019.


Au Théâtre du Splendid, 48 rue du Faubourg Saint-Martin, Paris Xe.


Durée : 1h30.

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