“Deux mensonges et une vérité”, les démêlés d’un cœur à cœur jubilatoire

Temps de lecture : 3 min

 

THÉÂTRE & CO 

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Avis de PrestaPlume ♥♥♥♥

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La pièce « Deux mensonges et une vérité », nommée aux Molières 2018 pour la meilleure comédie, reprend au théâtre Montparnasse jusqu’à fin juin avec une nouvelle distribution. L’excellent Lionnel Astier cède le rôle de Philippe à Jean-Luc Moreau, aussi metteur en scène de ce boulevard original et tordant, et Nicole Calfan endosse avec bonheur le costume de Catherine, l’épouse de Philippe. Au bout d’une passe d’armes aux accents d’incompréhension mutuelle sur le « confort » de leur couple, celle-ci veut prouver à son mari qu’ils ont encore les ressources de se surprendre après vingt-sept de mariage. Sébastien Blanc et Nicolas Poiret (fils de Jean) sont les talentueux auteurs de cette comédie qui commence dans la félicité complice. Mais Philippe se voit précipité dans les affres de l’inquiétude aliénante en raison d’une malheureuse parole remisant son amour pour sa charmante femme dans l’antichambre de l’ennui. Peut-on prononcer une parole malheureuse sans conséquence ? Oui, mais à la condition de la reconnaître, de s’excuser, de faire amende honorable… Mais quand l’orgueil de celui qui pense avoir toujours raison est le maître du jeu, rien ne va plus… surtout quand votre partenaire vous prend à votre propre piège. Dans le cas présent, on rit aux dépens de ce mari. Philippe est tellement certain de connaître sa femme sur le bout des doigts qu’il lui propose le jeu de deux mensonges et une vérité… Jubilatoire à souhait !

Pour fêter ses vingt-sept de mariage, Philippe a souhaité un dîner romantique, à la maison, dans la plus stricte intimité. Pourquoi pas ? L’ambiance chaude, amoureuse, câline cède cependant peu à peu le pas au désarroi de Catherine quand Philippe lui expose sa vision de leur amour : « On est les mêmes, on ne fait plus qu’un, synchronisés, jumelés », sachant tout l’un de l’autre, n’ayant plus rien à apprendre sur l’autre. Laissant parler l’avocat qu’il est, Philippe commet l’imprudence de lui proposer le jeu des deux mensonges et une vérité, pensant faire la démonstration CQFD. Pour le confondre dans son orgueil, Catherine le met au défi de trouver la vérité parmi ces trois affirmations : elle a changé de nom, elle a fait un séjour en prison, elle a eu un autre enfant. Catastrophe ! Philippe manque de trépasser de surprise ! Mais il se reprend. Il lui suffit de raisonner pour trouver, du moins le pense-t-il… Avec son associé, qui se révèle le pire des mauvais génies, il est happé dans la spirale infernale des conjectures abracadabrantes. D’autant plus avec l’apparition du jeune Samuel, visiteur de prison de son état, et de Marc, architecte de renom et père de Samuel et, accessoirement, ami de longue date de Catherine.

Jusqu’où doit-on camper sur ses positions, sans bouger d’un iota par raison, sinon par amour ? Tel est le propos de cette pièce écrite à quatre mains… d’une main magistrale. Magistrale par le ton aux envolées démentiellement lyriques qui donnent à Jean-Luc Moreau quelques tirades de bravoure à couper le souffle ! La densité du texte et son acuité y contribuent pour beaucoup. La mise en scène sobre et inventive de ce dernier s’inscrit résolument dans un rythme où vertige et équilibre se disputent la part belle. Ce va-et-vient des deux côtés du ravin du comique de situations stables/instables ravit les observateurs suspendus à l’intrigue jusqu’au dénouement qui tombe à pic. Tout est bien qui finit bien… pour celui qui se résout à laisser l’autre le surprendre, le laissant être sans prétendre se fondre l’un dans l’autre, le privant d’espace et de liberté à surprendre l’autre. Bref, à se surprendre lui-même. N’est-ce pas là le terreau nécessaire à la longévité d’un amour véritable ? C’est ce qu’a mis en pratique le duo d’auteurs pour faire de cette pièce à quatre mains une comédie intelligente. Quant aux comédiens, leur complicité est au rendez-vous du succès. Jean-Luc Moreau est performant dans les profondeurs de la tourmente, Nicole Calfan est irrésistible dans son jeu de charme et de dupe, Stephan Wojtowicz joue avec le grain de folie de son personnage sans mesure. De vrais moments d’anthologie parsèment cette comédie ! Un petit regret, cependant. La voix sourde de Jean-Luc Moreau, par instants calmes, aurait gagné en clarté avec un décibel supplémentaire. Mais qu’est-ce que tendre l’oreille quand la force des expressions soulève l’enthousiasme et les rires ?

Nathalie Gendreau

©J.Stey


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Distribution

Avec : Jean-Luc Moreau, Nicole Calfan, Stephan Wojtowicz, Nicolas Moreau, Nell Darmouni et Tristan Robin.

Créateurs

Auteurs : Sébastien Blanc et Nicolas Poiret
Mise en scène : Jean-Luc Moreau
Collaboration artistique : Anne Poirier-Busson
Décor : Stéfanie Jarre, assistée de Daphné Roulot
Costumes : Juliette Chanaud
Musique : Sylvain Meyniac
Lumières : Jacques Rouveyrollis, assisté de Jessica Duclos
Accessoiriste : Christophe Guillaumin

Reprise : Du mardi au samedi à 21 heures et la matinée du samedi à 17 heures jusqu’au 22 juin 2019.

Au Théâtre Montparnasse, 31 rue de la Gaîté, Paris XIVe.

Durée : 1 h 40.

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