“Quatre saisons avec Roberto Alagna”, Jacqueline Dauxois

Temps de lecture : 3 min CHRONIQUE
Quatre saisons en dix-huit mois. Quatre saisons entre rêve et labeur pour l’auteure Jacqueline Dauxois. Quatre saisons pour observer et partager la vie trépidante du célèbre ténor français contemporain sans aucun doute le plus adulé, Roberto Alagna. Avec “Quatre saisons avec Roberto Alagna”, la journaliste littéraire à la trentaine d’ouvrages à son actif ne nous propose pas une biographie ordinaire, mais un reportage sur le vif, documenté et vivant. Pendant dix-huit mois, de 2014 à 2016, l’ordi sous le bras, elle a accompagné le ténor dans les coulisses, les loges, les studios et les scènes des plus grands Opéras du monde. Elle nous donne à entendre un homme passionné et passionnant, une tornade chantante menant une vie à l’agenda étranglé, entre New York et Vienne, entre Milan et Paris, entre Berlin et Bilbao. Elle l’interroge sur sa conception du métier et le regarde travailler jusqu’à l’extrême fatigue pour placer la note parfaite, cherchant à percer le mystère de cette forte nature qui comprend si bien les œuvres qu’il redonne vie à ses héros. Une vie hors norme, relatée d’une plume nerveuse, tantôt lyrique tantôt journalistique. L’écriture est directe, parfois parlée, ce qui déstabilise au premier abord, mais veut souligner le caractère exceptionnel de cette proximité.

« Moïse d’Égypte – L’Enfant des trois Livres », Nathalie Beaux

Temps de lecture : 3 min CHRONIQUE
De la vie de Moïse, que peut-on savoir de plus ? À l’évocation de ce prophète, je revois se dérouler devant mes yeux d’enfant ébahis un film culte, “Les Dix Commandements”, réalisé par Cecil B. DeMille en 1956. Le livre de Nathalie Beaux, “Moïse d’Égypte – L’Enfant des trois Livres”, non seulement ressuscite ce souffle épique et romanesque de mes souvenirs, mais restitue au personnage biblique une dimension d’homme à plusieurs stades de sa vie. Et, ô miracle !, elle parvient dans sa fiction romanesque à nous détacher de l’image entêtante de Charlton Heston pour cheminer vers un Moïse vierge de toutes projections. Pour dépeindre ce Moïse dépouillé, l’auteure égyptologue s’appuie sur les textes fondateurs des trois religions (juive, chrétienne et musulmane), imprégnant ainsi sa plume de la Lumière de l’Histoire. En restituant le verbe juste à cette figure symbolique, elle commet un ouvrage documenté fascinant, poétique et très instructif.

« Surtout ne regardez pas mon jardin », Stéphane Guérin

Temps de lecture : 2 min CHRONIQUE
Stéphane Guérin est parolier, scénariste et l’auteur d’une dizaine de textes de théâtre. Avec “Surtout ne regardez pas mon jardin”, aux éditions Dacres, il donne dans la tragi-comédie shakespearienne à laquelle il insuffle une modernité crue et cruelle, où rire et grincement de dents font bon ménage… ou déménagent. Prenez des personnages du grand dramaturge anglais, conférez-leur des sentiments opposés à ceux de l’œuvre, invitez-les dans une maison de famille qui sera le point de convergence de toutes les folies, placez les intrigues dans le futur… Un futur assez proche pour emporter l’actualité du monde et assez éloigné pour éviter que le lecteur rédige ses dernières volontés sur-le-champ. Et vous obtenez un texte drôle qui tranche net la langue de bois et laisse proliférer les mauvaises langues. Un texte qui ose, sans fard, ni filtre, ni mesure. Un régal sans complexe et sans ponctuation !

« Demain, Territoire de tous les possibles », sous la direction de Michel Levy-Provençal

Temps de lecture : 3 min CHRONIQUE
“Vous ne changez pas les choses en combattant la réalité existante mais en proposant un nouveau modèle qui rend l’ancien obsolète”, écrit Santiago Siri, l’un des trente et un contributeurs à l’ouvrage collectif “Demain, territoire de tous les possibles”, sous la direction de Michel Levy-Provençal. Cette phrase à elle seule résume l’ambition de cet ouvrage : l’homme doit être à la hauteur de la tâche qui l’attend pour éviter de faire de ce monde au futur certain du “tout connecté” dominé par la science un monde incertain où les bonnes innovations finissent par être dévoyées… tôt ou tard. Cette innovation exponentielle, qui n’en est encore qu’aux frémissements aux dires de ces chercheurs en êtres vivants et en algorithmes, ne doit plus être pensée par thématiques séparées mais croisées… Bref, interconnecter les connaissances pour créer cette innovation “au service du bien commun”. Ainsi serons-nous mieux préparés à cette révolution scientifique qui est en marche !

« Le Syndrome de Croyde 2 », Marc Welinski

Daphnis et Chloé Welinski

Temps de lecture : 2 min CHRONIQUE
Le nouveau thriller de Marc Welinski, “Le Syndrome de Croyde 2 – L’état sauvage” n’est pas une suite, mais évoque le même thème puissant de l’instinct de mort. Pour l’auteur, le syndrome de Croyde serait une pathologie psychiatrique qui pousse les êtres normaux à commettre des meurtres spontanés, sans mobile. Si, dans le premier tome, les victimes sont poussées dans le métro, dans celui-ci elles chutent dans le vide, en pleine nature. Qui donc est ce tueur qui trucide au hasard des rencontres dans les hauteurs de la forêt de Chamonville ? Car, évidemment, quand des accidents sont trop nombreux et trop rapprochés dans le temps, la thèse de l’accident est vite jetée aux orties ! De sa plume reconnaissable, Marc Welinski envoûte l’esprit et tient au col le suspense jusqu’à la fin.

« Les Favorites du Renégat », Alain de Savigny

Roman Les favorites du Rénégat

Temps de lecture : 2 min CHRONIQUE
“Faire partie des dirigeants d’une grande nation, ceux qui ont une influence sur la marche d’un empire ou d’un royaume.” C’est ce à quoi a aspiré toute sa vie le Comte de Bonneval. Ce converti à l’islam, par la force du destin et un sens de l’honneur chatouilleux, a laissé nombre traces de ses faits de guerre et de ses trahisons qui ont fait de lui un bel aventurier, autant adulé que haï. Avec “Les favorites du Renégat”, Alain de Savigny porte un regard différent sur ce héros historique. Se refusant à écrire une énième biographie, exacte ou fantasmée, l’auteur raconte la vie de ce héros guerrier au travers du regard de six femmes qui l’ont aimé follement. Une approche certes originale, mais qui donne à celui qui deviendra Ahmed Pacha dans l’Empire ottoman une dimension humaine et humaniste forte. Pour un homme qui n’aura vécu que pour les conquêtes, cet ultime assaut de la vérité venant des alcôves, passionnément divertissant et instructif, lui rend un très bel hommage.

« Le Meilleur Professeur », Daniel Besse

Texte de pièce de théâtre Dacres

Temps de lecture : 2 min CHRONIQUE
Avec “Le Meilleur Professeur”, pièce parue aux éditions Dacres, Daniel Besse nous offre une comédie de mœurs originale, fine et intense. Empruntant au bestiaire ses huit personnages, le dramaturge dresse un état des lieux de l’enseignement sidérant de réalisme et de justesse au travers d’un fait déclencheur : un proviseur doit sélectionner son meilleur professeur pour représenter l’excellence lors d’un “prime time” à la télévision. Cette nouvelle satire sociale entend dénoncer l’ingérence de la communication dont les gouvernements usent et abusent pour promouvoir leur politique. En fait, une jolie façade ornée de mots creux pour redorer le blason d’une belle institution malmenée par des réformes à répétition. Sauf que les premiers à en pâtir sont les élèves sommés d’être exemplaires, quoi qu’il leur en coûte… jusqu’au suicide. Un texte ramassé et explosif.

« Un si petit territoire », Marc Bressant

Temps de lecture : 3 min CHRONIQUE
Estampillé roman, “Un si petit territoire”, de Marc Bressant, aux éditions De Fallois, est bien plus encore. À mi-chemin entre l’essai et la chronique historique, ce petit bijou de plus de quatre cents pages passionne l’érudit en herbe qui sommeille en chacun. C’est un ouvrage résolument moderne, mais qui emprunte au passé ses plus beaux vestiges. Une langue belle, sans fioritures, un rien académique, un ton joliment caustique, un livre tel qu’aurait pu l’écrire un écrivain du siècle visité. L’auteur, diplomate de carrière, élève le territoire de Moresnet au rang de héros autour duquel gravitent des générations d’hommes et de femmes investis et imaginatifs. Tous n’auront qu’un seul but : donner à cette minuscule terre neutre, riche et désolée, un destin surprenant, hors norme, et pourtant historiquement vrai : celui de devenir l’embryon d’un plus grand territoire soudé qu’on appellerait Europe. Et ce rêve qui commence en juin 1816, un an après Waterloo, va prendre corps et âme le lecteur impressionné et touché. Une préfiguration stupéfiante de l’Europe du XXe siècle… vouée à être engloutie par l’Empire allemand en 1914.

« Les amants de Maulnes », Lyliane Mosca

Temps de lecture : 3 min CHRONIQUE
Journaliste culturelle à l’Est éclair, Lyliane Mosca est aussi romancière. Son nouveau roman, Les amants de Maulnes, qui vient de paraître aux éditions Presse de la Cité, fleure bon le terroir. Un genre au terreau généreux qui nourrit de réalisme bucolique les histoires de famille, souvent compliquées et aux secrets toujours enfouis. Les romans de terroir éveillent dans la mémoire des impressions douces et pastel qu’on croyait avoir enterrées et qui ressurgissent tels des geysers aux couleurs vives. L’histoire des Amants de Maulnes fait partie de ces romans qui entend éclairer une région, un village, une famille, des mensonges, avec en toile de fond un château en ruine et une légende. Des personnages s’aiment et s’affrontent, se désolent et vivent avec leur peine bon an mal an jusqu’à ce qu’éclate la vérité… Le récit se noue et se dénoue sur trois générations, l’histoire suscite de la curiosité, l’écriture est agréable. Dommage que le cœur de l’intrigue ne vibre qu’en seconde partie, celle de la dernière génération.

« Électre 21 », Romel

Temps de lecture : 2 min CHRONIQUE
Avec son deuxième roman “Électre 21”, Romel s’impose comme un globe-trotteur de l’écriture qui abolit les frontières géographiques et temporelles. Sa vie organisée aujourd’hui en Asie, entre Phnom Penh et Bangkok, et son bagage dans le milieu des affaires et des gouvernements lui sont autant d’atouts pour instiller une atmosphère singulière à ce texte futuriste qui revisite le mythe d’Électre, une vengeance contre un membre de sa famille. Haine, vengeance, violence, un triptyque mythologique modernisé qui, sous l’écriture fulgurante et efficace de l’auteur, prend un tour 2.0 passionnant et addictif. En parallèle, la recherche d’un tableau de Picasso disparu lors de la Seconde Guerre mondiale donne une dimension historique et symbolique inattendue qui dynamise l’intérêt de lecture.

« Le Roman d’Elsa », Geneviève Senger

Temps de lecture : 2 min CHRONIQUE
Avec “Le roman d’Elsa”, Geneviève Senger dresse le portrait passionnant d’une femme qui refuse de se soumettre aux conventions qui contraignent les jeunes filles au mariage arrangé. Issue de la grande bourgeoisie, Elsa Samuelson est si jolie et riche qu’elle ne manque pas de prétendants. Pourtant, son rêve vogue très loin des rivages du mariage et de la maternité. Elle voudrait étudier la médecine, un désir obstiné qui déconcerte sa famille. Il n’existe pas encore de femmes médecins. Et si Elsa était la première à ouvrir le chemin ? En parallèle de ce combat qu’elle devra mener sans faillir, elle va connaître ses premiers émois, une attirance forte pour Théo Dupin, un ouvrier syndicaliste à l’écoute de ces quelques voix féminines qui s’élèvent pour gagner leur indépendance.

« Un monde sans moi », Franck Lucas

Temps de lecture : 2 min CHRONIQUE
Il est des caractères qui ne s’épanchent pas. Il est des destinées qui rendent mutiques. Dans les deux cas, le non-dit prend ses aises, s’incruste et se pétrifie dans le corps jusqu’au déclic libérateur, si déclic il y a. “Un monde sans moi”, de Franck Lucas, relate le combat intérieur d’un homme dont les émotions sont figées dans l’horreur des guerres. Instinctivement, il refoulera les mots qui charrient la mort, les cadavres, des sacrifiés à des causes contestables, une histoire qu’il n’arrive pas à partager avec sa femme Marie, son amour d’enfance. Des mots tus qui fissurent la confiance, des mots ravalés qui séparent. Le personnage qui se raconte avec simplicité est inspiré du père de l’auteur. Cet emprunt à la réalité confère au récit la force de conviction et aux mots l’allégresse de la liberté.

« Lettre à l’autre », Colette Bitker

Temps de lecture : 2 min CHRONIQUE
“Pour moi écrire et peindre c’est vivre et lutter chaque jour contre la mort… Mais c’est aussi rêver.” Dans cette courte phrase relevée dans son dernier ouvrage “Lettre à L’autre” (éd. Michel de Maule), l’artiste peintre Colette Bitker a ramassé en peu de mots ce qui la constitue, et la fait avancer et s’interroger. Une mise à nu subliminale entre textes en fragments et dessins de femmes le plus souvent dénudées qui s’adresse à un autre, à cet inconnu à la consistance énigmatique, un “Monsieur” connu d’elle seule, apprivoisé par sa solitude infinie face à l’œuvre. Un Autre sublime et parfait qui s’offre en miroir de son âme créatrice. Un amour profond et vivifiant, coloré et doux, pour cet Autre qui la guide sur son chemin pictural. Un livre poétique, beau à regarder et à lire, qui pousse à la rêverie des émois et à la nonchalance du corps. Sensuel et nostalgique.

« Un fils parfait », Mathieu Ménégaux

Temps de lecture : 2 min CHRONIQUE
La perfection n’est pas de ce monde. Dans son deuxième roman inspiré de faits réels, “Un fils parfait”, Mathieu Ménégaux le grave au coin de l’éloquence dramatique qu’il sait instiller dans ses histoires. Après “Je me suis tue”, ce nouveau roman prête encore sa voix à une femme. Cette fois-ci, cette femme est comblée. Elle a un mari aimant et brillant, deux petites filles adorables et une carrière qui prend son essor. Son Paradis sur terre va pourtant s’engloutir dans les entrailles de l’Enfer lorsqu’une de ses filles lui confie qu’elle a peur du loup quand elle s’absente pour son travail. Le loup, c’est le père. Un père qui abuse de l’affection de ses filles. “Un fils parfait” est le témoignage poignant de cette femme qui confie sa version du drame à sa belle-mère dont le fils unique a toute l’apparence du fils parfait.

« La langue oubliée de Dieu », Saïd Ghazal

Temps de lecture : 3 min CHRONIQUE
Il est des livres qui tonitruent dans la tête sans discontinuer. Même après le mot fin. Au point de vouloir en rependre la lecture pour s’immoler encore, cette fois-ci volontairement, en toute connaissance de cause. Après avoir apprivoisé le style, quel plaisir de se laisser porter, page après page, vers cette douce mort de l’essence des mots ! “La langue oubliée de Dieu” fait partie des livres à part, un ovni littéraire qui vient repousser les frontières des mots. L’auteur Saïd Ghazal leur étrille la peau, les éventre, les dépèce, les étire au rouleau compresseur pour ensuite les faire siens, vierges de sens. Il leur offre une nouvelle vie sous sa plume poétiquement réaliste, qu’il trempe à l’encrier de sa mémoire ensanglantée. L’auteur a mal à ses ancêtres syriaques, chassés par les massacres des Turcs et exilés au Liban. Son travail de mémoire, telle une psychothérapie, se colore de la fiction pour s’extraire d’une éventuelle pudeur censoriale. Entre ses doigts patients, l’indicible douleur se débarricade du silence pour s’épancher dans le réconfort d’un confessionnal saturé de mots absous.

« Les Harmoniques », Gérald Tenenbaum

Temps de lecture : 2 min CHRONIQUE
Avec “Les harmoniques” (éd. l’Aube), l’auteur et mathématicien Gérald Tenenbaum transporte la rêverie dans un voyage immobile qui enjambe les années et les lieux au gré des rencontres de deux couples d’amis qui vont et viennent dans le récit au rythme d’un océan soumis au flux et au reflux du hasard. Keïla, Belen, Pierre et Samuel forment un carré de personnages touchants qui interagissent en miroir, s’additionnant et se divisant par le jeu du destin. S’invite également dans l’équation une belle inconnue, l’amour. Un amour si éperdu que “la texture du temps s’en trouve incurvée”. Un pur amour que l’histoire d’un pays va s’ingénier à dissoudre dans un temps figé, dont la texture va s’en trouver rectifiée à jamais. Tant qu’un drame familial ne trouve pas sa résolution, c’est tout le pouvoir d’attraction de l’amour qui est annihilé.

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