“Mais t’as quel âge ? !” : Avec Marion Pouvreau, le rire est intergénérationnel (♥♥♥♥♥)

« Mais t’as quel âge ?! » Marion Pouvreau Folie théâtre jusqu'au 22 avril 2022

Temps de lecture : 3 min THÉÂTRE & CO (♥♥♥♥♥)
Que n’a-t-on entendu ce reproche dans la bouche de nos parents qui se désespéraient de nous voir enfin grandir ! Derrière cette question rhétorique d’exaspération se cachait souvent de l’indulgence. Au fait, peut-on dire que c’est une expression de vieux ? Sapristi, flûte, zut ! Qu’il est facile d’être démasqués par notre langage ancré depuis des lustres d’utilisation ! Des mots accrochés à telle ou telle génération, c’est une réalité que la pétillante trentenaire Marion Pouvreau (Prix Meilleur Espoir Avignon 2021) a observée pour la transposer dans « Mais t’as quel âge ?! ». La mise en scène mobile et énergique de Yannick Bourdelle concrétise efficacement cette urgence du temps qui passe. Ainsi, dans son deuxième seul en scène, tordant et rythmé, l’humoriste s’empare de ce qu’elle nomme « concept des générations » pour en balayer les signes distinctifs auxquels on ne pourrait échapper, de la génération dite silencieuse (avant 1945) à Z (1996-2010). On se rassure comme on peut : l’âge réel est celui du cœur et des artères, on ne se sent pas vieillir, on est tous le jeune ou le vieux de quelqu’un, etc. Mais, si tout est relatif, tout est aussi une question de génération qui nous trahit. Le temps file, c’est un fait, mais vous le laisserez filer avec un plaisir non boudé sur la scène de la Folie Théâtre, à Paris, jusqu’au 28 avril, au Festival Off d’Avignon et en tournée jusqu’à fin 2022.

Critique de “Un fauve dans Rome”, Nathalie Cohen (♥♥♥♥)

Temps de lecture : 3 min LITTERATURE
Deuxième opus d’une série (après « Modus operandi »), le thriller historique de Nathalie Cohen « Un fauve dans Rome » (éd. Flammarion) est une incursion passionnante et sidérante dans la Rome Antique, sous le règne de Néron (de 54 à 68 après J.-C.). Cet empereur est connu pour avoir été un bourreau sanguinaire, débauché et pervers qui s’imaginait artiste. Serait-ce lui, le fauve ? À moins que ce soit cet incendie dévastateur qui ravagea Rome du 18 au 24 juillet 64 après J.-C et fit des milliers de morts et plus de 200 000 sans-abri ? Mais ce fauve peut être tout aussi bien l’une des âmes damnées de l’empereur, Lucius Cornelius Lupus, un pourvoyeur d’enfants pour les lupanars de la Cité aux sept collines et les fêtes orgiaques de Néron. Dans cette époque brutale, la vertu des stoïciens résiste, même si elle n’est pas en odeur de sainteté auprès de l’Empereur. Parmi ces hommes, Marcus Tiberius Alexander, qui fut, enfant, un esclave et un martyr sexuel. Aujourd’hui, il est un haut gradé dans le corps des « Vigiles Romae », ces « yeux de Rome » chargés de maintenir la paix publique et de lutter contre les incendies. Attaché à son travail, il est parvenu à ensevelir en lui les traumatismes de l’enfance. Mais, lorsqu’il apprend que des enfants romains de bonne famille sont subtilisés à leurs parents pour les vendre, les horreurs qu’il a subies par le passé refont surface. Il n’aura alors de cesse de retrouver ces enfants jusque dans l’antre du fauve… quitte à y laisser la vie.

Critique de “Black Comedy”, une bonne farce à contre-courant (♥♥♥♥ )

Temps de lecture : 3 min THÉÂTRE & CO
Classique anglais farfelu et drolatique, créé en 1965 par Peter Shaffer (1926-2016), « Black Comedy » a traversé la Manche pour s’amarrer au port du Splendid à Paris, jusqu’au 4 juin. Cette farce est l’histoire d’un artiste sculpteur sans le sou qui emprunte du mobilier à son voisin antiquaire en son absence pour recevoir un collectionneur intéressé par ses œuvres. Tout se passe pour le mieux quand une coupure de courant généralisée contrecarre ses plans. Pire ! Son futur beau-père qu’il ne connaît pas encore fait irruption, puis la voisine acariâtre, puis l’antiquaire revenu plus tôt que prévu. Et la catastrophe n’en est qu’à ses prémices ! Adaptée par Camilla Barnes et Bertrand Degrémont, la version française brille d’une même énergie, à contre-courant, alternant entre le rationnel et l’irrationnel avec autant de constance qu’un tangage sur une mer démontée. Quelle attitude aurions-nous vis-à-vis de notre prochain dans l’obscurité totale pendant une soirée électrique ? Soudain désinhibés dans le noir, les personnages montrent, eux, peu à peu, leur vrai visage, les masques tombent, la vérité de chacun claque au grand jour. Sous la direction d’une précision de métronome de Grégory Borco, les sept comédiens qui brûlent les planches en feignant de n’y voir goutte provoquent de redoutables arcs électriques de rires.

Critique de « Beyrouth Hôtel », un choc culturel à huis clos (♥♥♥ )

Beyrouth Hôtel Théâtre du Gymnase

Temps de lecture : 3 min THÉÂTRE & CO
Dans un climat de guerre latente, ponctuée d’attentats, la vie s’écoule à Beyrouth. Comme elle peut. Comme son peuple l’entend. Pour survivre, pour conjurer le malheur larvé qui plane sur ce beau pays. Jouée au théâtre du Gymnase, la pièce de Rémi De Vos, « Beyrouth Hôtel », s’inscrit dans ce paysage de conflits qui donne le ton et le sel à un choc culturel entre l’Occident et l’Orient. Il imagine une rencontre entre un auteur dramatique français, un égocentrique raté et désabusé, et une réceptionniste libanaise affriolante, boulimique de fêtes et d’insouciance. Pendant cinq jours, cet auteur attend son rendez-vous avec un metteur en scène local qui se disait intéressé par sa pièce, mais qui demeurera aux abonnés absents. Une confrontation culturelle, émaillée d’incompréhensions, alternant entre rapprochement et rejet, s’installe alors entre la jeune femme dont l’appétit de vie fait injure à l’humeur chagrine et anxieuse de son client…

Critique de “La vie suspendue”, Baptiste Ledan (♥♥♥♥♥)

Roman La vie suspendue

Temps de lecture : 2 min LITTERATURE
Baptiste Ledan chérit la littérature et les auteurs. Son premier roman « La vie suspendue », paru aux éditions Intervalles, est en soi un cri d’amour explicite, conduit par ce désir sous-jacent de se faire voix de leurs inspirations. Convoquer les auteurs français et étrangers les plus marquants du siècle passé dans cette fable satirique et fantaisiste est la démonstration d’une culture étendue qui se réinvente à l’aune de la reconnaissance et de la continuité. Dans ce roman original et philosophique, le temps est comme « suspendu » aux souvenirs qui se lassent sans possibilité de trépasser. Tomas Fischer est en deuil, il n’aspire qu’à se mettre en retrait de la société et de cette vie trop animée pour sa douleur inconsolable. Alors il part dans cet endroit où tout étranger ne peut qu’être en transit, sous peine d’expulsion. Cette ville se nomme Lasciate, elle est grise et triste comme l’ennui. C’est le lieu idéal pour supporter sa peine. Il s’y plaît tellement qu’il y restera, devenant ainsi clandestin. Ses quelques amis, étouffant sous leur âge canonique, se serviront de son empathie pour les délivrer de la vie.

“Ciel, ma belle-mère !”, du sang neuf pour une reprise hilarante

Temps de lecture : 3 min THÉÂTRE & CO
Le 14 mars 2019 sonnait la dernière de « Ciel, ma belle-mère ! », alors que le théâtre d’Edgar affichait complet tous les soirs. Covid-19 oblige. Depuis janvier 2022, ce vaudeville musclé et désopilant, de Georges Feydeau et Maurice Desvallières, est revenu dégourdir les zygomatiques des spectateurs. Joué pour la première fois en 1890 sous le titre « Le mariage de Barillon », ce texte en trois actes a été adapté par Emmanuelle Hamet qui propose une pièce moderne et jubilatoire. L’histoire est la même : Barillon, un quadragénaire bedonnant et pleutre, s’apprête à épouser une jeune fille de 20 ans qui en aime un autre… Mais, lors du mariage, une erreur de transcription de l’officier de l’état civil – gaiement aviné – acte que Barillon est marié à sa future ex-belle-mère, une femme extravagante aux sens échauffés par deux années de veuvage… L’affaire se complique avec le retour impromptu du supposé défunt mari, un pêcheur taillé dans un bloc de granit. Entre altercations, faux-espoirs et rebondissements, les comédiens complices et investis à 200 % semblent avoir un potentiel comique inépuisable !

Le coup de foudre de Samuel Labarthe pour Georges Perec

Affiche Les Soliloques de rachi

Temps de lecture : 4 min ÉVÉNEMENT
Samuel Labarthe se souvient de Georges Perec (1936-1982), comme d’un auteur virtuose, à la présence familière. Il se souvient de son visage, de ses yeux, de son sourire. Inoubliables. S’étonnant presque qu’il s’était éteint. Il avait lu « Je me souviens », un peu amorcé « Les Choses » (prix Renaudot 1965) sans le finir, et reporté « La Disparition » à plus tard tant il était obnubilé par la traque d’un « e » oublié par mégarde dans le texte. Des années plus tard, lorsque Jo Amar, le directeur de l’action culturelle du FSJU (encadré), et Patricia Hostein, directrice artistique du projet, lui ont proposé d’inaugurer le nouveau rendez-vous culturel, « Les Soliloques de Rachi », pour lire des extraits choisis dans l’œuvre de Georges Perec, le comédien n’a pourtant pas hésité. La commémoration des 40 ans de sa disparition (3 mars 1982) était l’occasion rêvée pour lui de refaire connaissance avec cet homme qu’il qualifie de « laborantin de la langue française ». « Parfois, on répond à des rendez-vous qu’on ne se serait pas forcément donné soi-même. N’est-ce pas la plus belle façon d’appréhender un auteur, ses univers, et de connaître l’homme et son travail ? », remarque-t-il, avec enthousiasme.

« Bécaud, on revient te chercher », Jacques Pessis et Claude Lemesle (♥♥♥♥)

Temps de lecture : 3 min LITTERATURE
Gilbert se croyait immortel. Bécaud l’est devenu. L’artiste aux 400 chansons, auquel même Piaf assurait qu’il chantait faux, a cassé la baraque de tous les superlatifs, par son sens du rythme, un travail acharné, un besoin viscéral d’être sur scène, d’être aimé de son public, et une énergie électrique qui soulevait la ferveur. « Monsieur 100 000 volts », l’avait surnommé un journaliste américain. L’homme qui pensait mourir centenaire s’est éteint le 18 décembre 2001, à l’âge de 74 ans. Pour commémorer les vingt ans de sa disparition, Jacques Pessis et Claude Lemesle ont uni leur tendresse pour cet immense chanteur, pianiste et compositeur en rédigeant à quatre mains une biographie tendre et éclairante, aux Éditions de l’Archipel. Le premier a été son ami pendant plus de trente ans et le second l’un de ses paroliers pendant plus de vingt ans. Estimant qu’il n’y avait pas eu jusque-là de réelle biographie, ils nous proposent de découvrir l’homme derrière le chanteur à la carrière incroyable. Ils nous le donnent à voir au quotidien, en coulisses, dans l’effervescence de la création, dans son appétit de vivre et d’aimer, dans ses angoisses aussi.

“5 jours de la vie d’une femme”, Evelyne Dress (♥♥♥♥)

Temps de lecture : 2 min LITTERATURE
Il y a toujours beaucoup d’Évelyne Dress dans ses écrits. Que ce soit dans ses romans, mais aussi dans « Mes chats » un bref éloge des félins qui l’ont choisie et accompagné sa vie et « Pour l’amour du Dauphiné », un récit amoureux sur cette région qu’elle affectionne. Dans son dernier roman, « 5 jours de la vie d’une femme », aux éditions Glyphe, l’auteure revient sur le thème de l’amour, mais à un âge réputé vénérable. 70 ans, est-ce la fin du désir et des douces palpitations de cœur ? Peut-on ou plutôt doit-on croire encore à la survenue d’un être rêvé ? Vous savez, celui qui vous arrache à la torpeur du quotidien et efface, par magie, toutes les désillusions ? À ses 70 ans, la narratrice fait le compte : une union désunie, des enfants ingrats, une ménopause qui renverse la vapeur, un miroir qui reflète trop bien la réalité et un cœur désespérément vide de sens. Au terme de ce constat, elle fait un choix complètement irréfléchi : elle part passer le réveillon de Noël au prestigieux Hôtel du Palais, à Biarritz. Il ne reste plus que la suite ? Qu’importe ! C’est une fortune pour ses revenus maigrichons, mais cette folie l’aiguillonne comme une évidence. Sa libido est à ce prix-là !

“Folle illusion”, osez osez Drag Queens

Temps de lecture : 3 min THÉÂTRE & CO
La Nouvelle Ève, à Paris, accueille jusqu’au mois d’avril, un show strass et paillettes, tout en folie heureuse et en audace artistique. « Folle illusion » est une troupe de Drag Queens aussi à l’aise en talons aiguilles que dans des baskets, qui dansent et chantent, imitant autant des vedettes de variété que du disco en passant par la pop. En chef d’orchestre de ce show de deux heures, Carolina. Figure notoire de la bonne humeur parisienne, frange rouge sur cheveux blonds, l’accent espagnol en pointe des pieds, elle s’impose par sa pétulance et ses réparties humoristiques comme la chef d’orchestre de ce divertissement. Osé en prouesse vocale et vestimentaire, aussi léger et pétillant que des bulles de champagne, ce show est tel de la poudre aux yeux -mais scintillante, cela va de soi ! – qui brouille tout jugement, toute stupeur, toute convention. Il sublime ce temps affreusement cartésien en le dilatant de rires et de joies. Le public ne s’y trompe pas. La « Folle illusion » déclenche l’inénarrable fièvre du samedi soir qui embrase cœurs et corps dans une frénésie contagieuse. Le bonheur n’est plus parqué dans le pré, il s’est niché dans ce cabaret du XIXe siècle et s’y est mis à l’aise, comme rentré au bercail.

“Mes adorées”, ou comment renaître de son histoire

Temps de lecture : 3 min THÉÂTRE & CO
« Lisse », « Lisse », bien trop « lisse » ! « Abîme-toi un peu ! », lui dit-on dans le milieu. La maturité dans le regard, l’authenticité accrochée au sourire, le comédien Édouard Collin n’a pourtant de lisse que le corps délié, que d’aucuns pourraient qualifier d’Apollon. Mais la plastique de celui qui joua « Panique au ministère » avec Amanda Lear est loin d’être son seul atout, car pour ce qui est du « cabossage », il en connaît un rayon ! Sa jeunesse est un parcours de « pumptrack(1) », une affolante variation de bosses et de creux, où le plat a eu du mal à se frayer un chemin. Ce parcours mouvementé, il nous le conte au travers de son premier seul en scène, « Mes Adorées » (Théâtre du Marais). Tout y est vrai, le comédien refusant l’approximation, le mensonge et les vérités arrangées. Dirigé en sobriété et sensibilité par la comédienne et metteure en scène Izabelle Laporte, il nous livre un texte intime, dense et captivant, où la légèreté et l’humour ne cèdent pas leur place. Son jeu tout en puissance et en fêlures éclate en une myriade de rôles. En une heure, l’artiste fait la démonstration magistrale d’un jeu, complexe, varié, en nuances, où l’essence de ce qu’il est affleure à la surface de sa peau… lisse, la faisant vibrer tel un tambour. Bien qu’interne, ce cri subliminal est émouvant, pudique, assourdissant de justesse.

Les mémoires du pilote René Metge sur la grille de départ

Temps de lecture : 4 min ÉVÉNEMENT
Jeudi dernier, le 24 février 2022, toute la profession du monde automobile s’était réunie chez le concessionnaire Range Rover, dans le quartier des Champs-Élysées, à Paris. On y fêtait un pilote dont le nom résonne toujours dans le cœur des amoureux des sports mécaniques, des grands espaces, des paddocks et des bivouacs. Il s’agit de René Metge, bien entendu ! L’ancien organisateur de rallyes publie aujourd’hui un livre de souvenirs sur le bon vieux temps, « René Metge – Pilote de 7 à 77 ans », chez LVEditions(1). « Souvenirs, souvenirs », comme aurait pu lui chanter à l’oreille Johnny Hallyday, lui qui avait partagé l’aventure du Paris-Dakar en 2002 aux côtés de son co-pilote, René Metge.

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