Critique éclair ♥♥♥♥
La Nouvelle Ève, à Paris, accueille jusqu’au mois d’avril, un show strass et paillettes, tout en folie heureuse et en audace artistique. « Folle illusion » est une troupe de Drag Queens aussi à l’aise en talons aiguilles que dans des baskets, qui dansent et chantent, imitant autant des vedettes de variété que du disco en passant par la pop. En chef d’orchestre de ce show de deux heures, Carolina. Figure notoire de la bonne humeur parisienne, frange rouge sur cheveux blonds, l’accent espagnol en pointe des pieds, elle s’impose par sa pétulance et ses réparties humoristiques comme la chef d’orchestre de ce divertissement. Osé en prouesse vocale et vestimentaire, aussi léger et pétillant que des bulles de champagne, ce show est tel de la poudre aux yeux -mais scintillante, cela va de soi ! – qui brouille tout jugement, toute stupeur, toute convention. Il sublime ce temps affreusement cartésien en le dilatant de rires et de joies. Le public ne s’y trompe pas. La « Folle illusion » déclenche l’inénarrable fièvre du samedi soir qui embrase cœurs et corps dans une frénésie contagieuse. Le bonheur n’est plus parqué dans le pré, il s’est niché dans ce cabaret du XIXe siècle et s’y est mis à l’aise, comme rentré au bercail.
Pour approfondir
Après avoir été moult fois baptisé et débaptisé (Théâtre Sans-Gênes, Fantaisies-parisiennes ou encore théâtre du Sex-Appeal…), redécoré en style Belle Époque en 1949, le cabaret La Nouvelle Ève est un écrin pourvoyeur de rêves et d’émerveillement. Depuis le mois de décembre, Amor y tortilla productions y a pris ses quartiers d’hiver pour réchauffer la salle et dissiper la morosité en produisant ce spectacle féerique de drag queens. L’écriture scénique de Miguel-Ange Sarmiento et de Richard Bertrand apporte une touche narrative à ce spectacle de chants et de danses, chaque artiste offrant le meilleur de son personnage tout en le pimentant de sa propre personnalité. L’alliance de la copie et de l’original crée un artiste à part entière, unique et vivant, avec son histoire personnelle, ses fêlures et ses espérances. Ces artistes ne sont pas que des emprunteuses de stars, elles se coulent dans leurs formes et leur redonnent vie. Une vie plus festive, plus déjantée, plus enivrante.
Mais qui sont ces femmes plus-que-parfaites, au passé décomposé, qui s’accordent un futur, ni simple, ni antérieur, mais taillé à leur mesure ? Elles sont toutes des étoiles brillant au firmament de la liberté d’être. Un point c’est tout. Un point c’est lui en elle. Il, elle, iel… Qu’importe le pronom, pourvu qu’elles aient la justesse, dans ce qu’elles ressentent et dégagent, mais surtout la hardiesse d’être soi, parfois contre soi, souvent contre l’hostilité, même passive. À commencer par la meneuse de revues Léona Winter, l’incroyable plastique à la voix d’ange. L’ex-finaliste de « The Voice » et ambassadrice de la France dans l’émission « Queen of the Universe » subjugue par sa magnifique présence scénique. Vue à l’émission « La France a un incroyable Talent » en 2021, Icee Drag On aimante par son souffle vital et ses notes cristallines. Golda Shower que l’on retrouvera au casting du film « Les folies fermières » aux côtés de Michèle Bernier (mai 2022) imite et chante une Dalida et Liza Minnelli épatantes. Citons également Jenny F.T.B.N. à l’énergie électrisante ou encore Gyzel Schatzi, la froide beauté franco-canadienne qui campe avec caractère l’immense Céline Dion ou une habile séductrice aux postures suggestives. Dans un décor superbe, trois danseurs enthousiastes (Mike Ramirez, Ancelot et Bruno Fressard) les accompagnent dans des chorégraphies entraînantes. Le tout forme un spectacle vivant, enlevé, battant le chaud et le brûlant, contagieux, délicieusement dépaysant et inspirant.
Nathalie Gendreau
©Nathalie Gendreau
Distribution
Avec : Carolina, Léona Winter, Icee Drag On, Golda Shower, Gyzel Schatzi, Jenny FTBN, Mike Ramirez, Bruno Fressard, Ancelot
Créateurs
Auteurs : Miguel-Ange Sarmiento, Richard Bertrand
Metteur en scène et direction artistique : Miguel-Ange Sarmiento
Amor et Tortilla Productions
Le 10 mars et le 7 avril 2022, de 20 heures à 22 heures.
A la Nouvelle Eve, 25, rue Pierre Fontaine, Paris IXe.
Durée : 2 heures (entracte de quinze minutes)
Journaliste, biographe, auteure et critique culturel, je partage avec vous mes articles et avis. Si vous aimez, abonnez-vous !
Dans les années 60 ce type de spectacle était particulièrement en vogue et faisait la joie des noctambules parisiens. Madame Arthur, Chez Michou, La Grande Eugène, l’Alcazar, pour les plus renommés, avaient leurs fidèles habitués de fin de nuit qui prenaient la relève des nombreux touristes venus du Monde entier.
Un peu plus tard, le grand Charles Aznavour consacrait dans sa chanson « Comme ils disent… » ce métier précurseur des Drag Queen avec un jeune homosexuel qui terminait son spectacle en nu intégral avant de regagner son petit appartement de la rue Sarasatte (Paris 15) où il habite avec sa maman. Encore plus proche, Bradley Cooper offrait un rôle formidable à Lady Gaga dans son succès planétaire « A Star is born », film qui commence avec émotion dans un cabaret de travestis.
Le succès quasi ininterrompu depuis la libération de ce type de spectacle animé par des hommes travestis en femmes peut se comprendre car la caricature de vedettes de la Chanson offre souvent un spectacle plein d’humour et de rythme dans une joyeuse ambiance où le champagne coule à flots…