« Bécaud, on revient te chercher », Jacques Pessis et Claude Lemesle (♥♥♥♥)

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Incipit
“L’Orange”, je connais, c’est le générique de Star Academy… Non ? Ah bon, c’est une chanson de Bécaud ? Pas possible ! Je le savais pas ! Remarquez, c’est normal, ça fait tellement longtemps qu’on ne parle plus de Bécaud !”
Depuis vingt ans, depuis le jour où “Monsieur 100 000 volts” s’est éteint, combien de fois avons-nous entendu ces propos ? Nous l’ignorons. Il peut arriver que, lorsqu’on n’aime pas, on ne compte pas.”

« Bécaud, on revient te chercher », Jacques Pessis et Claude Lemesle

Dans les coulisses d’un artiste aux superlatifs

Gilbert se croyait immortel. Bécaud l’est devenu. L’artiste aux 400 chansons, auquel même Piaf assurait qu’il chantait faux, a cassé la baraque de tous les superlatifs, par son sens du rythme, un travail acharné, un besoin viscéral d’être sur scène, d’être aimé de son public, et une énergie électrique qui soulevait la ferveur. « Monsieur 100 000 volts », l’avait surnommé un journaliste américain. L’homme qui pensait mourir centenaire s’est éteint le 18 décembre 2001, à l’âge de 74 ans. Pour commémorer les vingt ans de sa disparition, Jacques Pessis et Claude Lemesle ont uni leur tendresse pour cet immense chanteur, pianiste et compositeur en rédigeant à quatre mains une biographie tendre et éclairante, aux Éditions de l’Archipel. Le premier a été son ami pendant plus de trente ans et le second l’un de ses paroliers pendant plus de vingt ans. Estimant qu’il n’y avait pas eu jusque-là de réelle biographie, ils nous proposent de découvrir l’homme derrière le chanteur à la carrière incroyable. Ils nous le donnent à voir au quotidien, en coulisses, dans l’effervescence de la création, dans son appétit de vivre et d’aimer, dans ses angoisses aussi.

Un homme attentif à ses enfants

Connaît-on vraiment Bécaud ? Ceux qui le pensaient s’apercevront rapidement qu’il n’en est rien. On se souvient de ses coups de sang, de son impulsivité, de la formidable vitalité qui le caractérisaient. Mais, intimement ? Sa droiture, sa fidélité en amitié – pour ce qui est de l’amour, c’est moins limpide –, sa créativité inépuisable, ses petites manies générées par l’angoisse… Ainsi apprend-on qu’il s’aspergeait les mains, avant d’entrer en scène, d’une eau de Cologne non parfumée pour éviter de se ronger les ongles jusqu’au sang. Ou alors qu’il regagnait les coulisses toutes les deux chansons pour aspirer une bouffée de cigarette et avaler une gorgée de whisky. C’était pour s’éclaircir la gorge, se justifiait-il. Cette addiction avait commencé à 15 ans, dans les maquis du Vercors où sa famille s’était retranchée pour échapper à la Gestapo. On apprend (enfin) la raison de la main en coque sur l’oreille ou celle de son autre addiction pour les cravates à pois ! Gilbert Bécaud, c’était aussi un homme attentif à ses enfants, qui désirait plus que tout préserver sa famille, aimant les joies simples de la vie.

Un beau et émouvant voyage dans le passé

Pudeur et sensibilité sont les deux lignes directrices de l’écriture des deux auteurs, Jacques Pessis et Claude Lemesle, dont on perçoit l’immense respect et la non moins immense peine de sa disparition. Il aurait fait un beau centenaire qui aurait peut-être ralenti le rythme sur scène, mais qui aurait conservé sa volubilité, son intérêt pour la vie des êtres chers et son goût pour la création. Assis devant son piano, il avait suffi parfois, souvent, d’un mot lancé au hasard pour que des notes s’accrochent et dansent entre elles et forment une mélodie. Et, de mot en mot, suggérés par le parolier, le sens et la charge émotive se greffaient. La meilleure démonstration a été « L’Orange »… Un nom plus que commun. Et pourtant est né un tube d’enfer… « Tu as volé, as volé, as volé l’orange du marchand » Souvenez-vous, cette chanson a même été reprise pour le générique de Star Academy 3 ! Dans cette biographie intime, très documentée, qui peut intéresser toutes les générations, nous est aussi contée la genèse d’une très grande partie de ses meilleures chansons, et celles moins connues. C’est un voyage dans le passé, dans notre propre passé, qui nous fait prendre conscience, brutalement, qu’il nous manque. Celui qui n’aimait pas qu’on lui rappelle le passé, à n’en pas douter, aurait adoré se (re)plonger au cœur de son réacteur.

Nathalie Gendreau

Éditions L’Archipel, 25 novembre 2021, 304 pages, à 18 euros.

1 réflexion au sujet de « « Bécaud, on revient te chercher », Jacques Pessis et Claude Lemesle (♥♥♥♥) »

  1. Gilbert Bécaud ! C’est un de mes chanteurs préférés et c’est celui qui m’a accompagné le plus longtemps. Notre première « rencontre » se situe en 1953. J’avais 10 ans et j’étais en vacances dans la ferme de Mme Bruni qui accueillait avec gentillesse les pauvres enfants des villes. Discipline stricte mais bonne nourriture. Les enfants étaient couchés de bonne heure et les adultes terminaient la soirée dans la pièce voisine dont la porte laissait passer un rai de lumière. Jamais inactifs, les adultes terminaient de petites tâches comme l’épluchage de légumes par exemple en écoutant la radio devant le feu de cheminée. Ambiance. La France profonde que l’on aime et dont on se souvient …

    Et puis, un soir où je ne dormais pas encore, Mme Bruni a monté un peu le son de la radio et j’ai entendu « C’était mon copain, c’était mon ami… ». La voix de Bécaud dans la nuit avec cette chanson qui vous tord les tripes car elle évoque la guerre encore proche… Souvenir.

    Depuis, Bécaud ne m’a jamais quitté et j’avoue que j’aime presque toutes ses chansons, pour la musique, pour les paroles, souvent pour les deux, comme « Le Jour où la Pluie viendra » (1957), « Et maintenant » (1961), ou « Le pommier à pommes » qui fût ma dernière rencontre avec Bécaud, à l’Olympia en 1981. Du pur bonheur en microsillon…

    En regardant sa biographie sur Wikipédia je fus étonné de constater le volume impressionnant de ses créations et je m’aperçu que je connaissais presque toutes ses chansons. Nul doute que les talentueux Jacques Pessis et Claude Lemesle (auteurs de ce livre déniché pour nous par Nathalie Gendreau) ont su rendre à Gilbert Bécaud l’hommage qu’il méritera encore pendant des décennies. Je sens que je vais dépoussiérer mes 33 tours…

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