“Ciel, ma belle-mère !”, du sang neuf pour une reprise hilarante

Temps de lecture : 3 min

Avis de Prestaplume : “Coup de cœur”

Une pièce moderne et jubilatoire

Troupe du Le mariage de Barillon

Le 14 mars 2019 sonnait la dernière de « Ciel, ma belle-mère ! », alors que le théâtre d’Edgar affichait complet tous les soirs. Covid-19 oblige. Depuis janvier 2022, ce vaudeville musclé et désopilant, de Georges Feydeau et Maurice Desvallières, est revenu dégourdir les zygomatiques des spectateurs. Joué pour la première fois en 1890 sous le titre « Le mariage de Barillon », ce texte en trois actes a été adapté par Emmanuelle Hamet qui propose une pièce moderne et jubilatoire. L’histoire est la même : Barillon, un quadragénaire bedonnant et pleutre, s’apprête à épouser une jeune fille de 20 ans qui en aime un autre… Mais, lors du mariage, une erreur de transcription de l’officier de l’état civil – gaiement aviné – acte que Barillon est marié à sa future ex-belle-mère, une femme extravagante aux sens échauffés par deux années de veuvage… L’affaire se complique avec le retour impromptu du supposé défunt mari, un pêcheur taillé dans un bloc de granit. Entre altercations, faux-espoirs et rebondissements, les comédiens complices et investis à 200 % semblent avoir un potentiel comique inépuisable !

Une tension aigüe et une cadence effrénée

Forfanterie et poltronnerie, amours et frustrations, quiproquos et mensonges, coups du sort et d’éclats… Il y a tout ce qu’il faut dans ce Feydeau-là. Dépoussiéré par Emmanuelle Hamet, le texte a conservé tout son mordant et l’énergie caractérisant les vaudevilles, alors même que le nombre initial de comédiens a été réduit à sept et l’action condensée. Même la tradition de Feydeau consistant à insérer dans ses pièces des allusions à l’actualité est respectée. Ainsi, ici ou là, fusent des traits d’esprit sur la Covid, sur une candidate à l’élection présidentielle et sur bien d’autres sujets encore. À vous de les saisir au vol !… Ce parti pris ancre résolument la pièce dans le présent. Pariant sur une mise en scène nerveuse et rythmée, le propriétaire du théâtre Edgar, Luq Hamett, réussit à maintenir une tension aiguë et une cadence effrénée, entre portes qui claquent et dialogues percutants. Les comédiens occupent tout l’espace, sans répit. Les temps calmes durent un quart de seconde, les réparties s’ajustent à la milliseconde pour ne jamais empiéter l’une sur l’autre. De l’harmonie dans ce semblant de capharnaüm. Voilà la prouesse d’une mise en scène léchée.

Des comédiens increvables !

Dans cette version post-covid, trois comédiens ont été remplacés. Un sang neuf qui redynamise la nouvelle équipe de joyeux drilles qui n’ont pas besoin d’en faire des tonnes pour être hilarants. Parmi eux, Rosalie Hamet, qui fait ses premières armes en campant une Valentine effrontée et volontaire. Le corps gracile, en constant mouvement, elle prend naturellement sa place dans ce merveilleux tohu-bohu. Stéphane Ronchewsky est épatant dans son rôle d’amoureux transi, tiré à quatre épingles. Emmanuel Vieilly parvient à donner à son personnage de maire qui s’enferre dans les imbroglios une dignité écorchée et une autorité malmenée. Luq Hamett campe successivement trois personnages, tous gaffeurs invétérés et ivres, poussant la chansonnette. Ces caricatures jouent sur la crédulité, ce qui accentue le comique de situation. Dans la peau de Barillon, David Martin est impeccable dans le costume d’un vieux garçon concupiscent et jaloux, maltraité par Madame Jambart (excellente Gwénola De Luze), la belle-mère croqueuse d’hommes, puis chahuté par le mari de sa nouvelle femme qui n’entend pas se laisser déposséder. En marin expérimenté, tanguant entre la furie et le compromis, ce dernier (irrésistible Jean-Marie Lhomme) mène parfaitement sa barque pour reconquérir sa femme légitime. La dérision joyeuse et le gros grain de folie de cette pièce sont le parfait antidote à la morosité !

Nathalie Gendreau
©Fabienne Rappeneau


Distribution
Avec : David Martin, Gwénola De Luze, Luq Hamett, en alternance avec Éric Massot, Jean-Marie Lhomme, Rosalie Hamet, Emmanuel Vieilly, Stéphane Ronchewski.ll

Créateurs
D’après “Le mariage de Barillon” de Georges Feydeau et Maurice Desvallières

Adaptation : Emmanuelle Hamet
Mise en scène : Luq Hamett
Décors : Claude Pierson
Construction : Les Ateliers décors
Musique originale : Christian Germain

Du mardi au samedi à 19 heures ou 21 heures en alternance, jusqu’au 29 mai 2022.
Séances supplémentaires tous les samedis à 17 heures et les dimanches à 17 h 30.


Au Théâtre Edgar, 58 Boulevard Edgar Quinet, Paris XIVe.

Durée : 1h20.

 

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