« Ces femmes qui ont réveillé la France », un hommage ludique qui ravive la gratitude

Temps de lecture : 3 minTHÉÂTRE & CO
Au théâtre de la Gaîté Montparnasse, pour sa première fois sur les planches, l’homme politique Jean-Louis Debré joue « Ces femmes qui ont réveillé la France » avec sa compagne Valérie Bochenek, comédienne, mime et auteure (Le mime Michel Marceau). Ce bel ovni théâtral entre spectacle et master class, adapté du livre éponyme que le couple a coécrit en 2013, dresse le parcours d’une vingtaine de femmes qui ont fait évoluer les mentalités depuis la Révolution française. Le texte est ciselé, la narration intelligente. Le ton est décomplexé, drôle et passionné. La mise en scène d’Olivier Macé est dynamique, élégante et inventive. L’intermède musical de compositrices, interprété au piano par Valérie Rogozinski, qui clôt chaque portrait, s’invite comme une pause propice au recueillement. À travers les faits d’armes de ces pionnières (Marie Curie, Marguerite Yourcenar, Simone Veil…), c’est l’histoire des droits des femmes qui se reconstruit, au fil des batailles remémorées ; c’est une voix qui est restituée à une moitié de l’humanité ; c’est surtout un splendide et vibrant hommage rendu à l’audace et au courage de ces fortes personnalités sans qui la femme moderne ne serait (sans doute) pas ce qu’elle est aujourd’hui… sous nos latitudes.

« La Correction », Guillaume Lafond (Intervalles)

Temps de lecture : 3 minLITTERATURE
Premier roman de Guillaume Lafond, aux éditions Intervalles, « La Correction » n’est pas la fessée brandie comme menace pour faire tenir un enfant sage – quoi que ! –, mais un passionnant roman qui propulse le lecteur dans un monde bien réel, aux mains d’une organisation mythologique. Tels les dieux de l’Olympe, les Augustes et les Justes interviennent dans la vie de pauvres mortels pour leur faire prendre conscience de leur moralité douteuse, de leur déchéance prochaine. Les premiers, le parti qui gouverne, sont pour la méthode douce ; les seconds, le camp adverse, prône la manière forte. Ce sont les élections, et le second parti a désormais toutes les chances de s’imposer aux urnes des électeurs de l’au-delà. Dans cette attente, la politique de l’institution du Schéma visant à corriger l’homme par la peur du pire entre en action. Elle va se charger du destin de cinq anonymes, tous liés de près ou de loin par des intérêts communs. Cinq personnages à corriger, dont l’auteur nous donne à comprendre les névroses qui les poussent à n’être que le reflet de ce qu’ils pourraient être. Le dénominateur commun étant la peur de manquer. D’argent, d’amour, de reconnaissance… ? Peu importe. Le manque non conscientisé, non verbalisé, non sublimé conduit à la faillite personnelle et, par effet papillon, collective. Et Guillaume Lafond nous le donne à ressentir d’une façon originale et homérique.

« Le switch », un trio gagnant

Temps de lecture : 3 minTHÉÂTRE & CO
Au théâtre d’Edgar se joue jusqu’au 15 janvier 2022 une comédie légère, malicieusement machiste, sur les rôles attribués à l’épouse et à la maîtresse. Que se passerait-il s’ils étaient intervertis ? C’est la question posée par Marc Fayet, l’auteur de la pièce « Le switch ». Sur un ton badin, irrévérencieux, le texte aux cent pulsations minutes entraîne les comédiens dans une course survoltée qui décoiffe ou ébouriffe. C’est selon qui Philippe (Alexandre Pesle) honore de sa présence. Chez sa femme (Emmanuelle Boidron), il est le mari prévenant, empressé à complaire ses quatre volontés, supportant ses humeurs. Chez sa maîtresse (Capucine Anav), il se transforme en mâle dominant, flattant « sa canassonne »… beaucoup plus jeune et un tantinet inculte, mais à l’encolure si affriolante ! Le rythme tantôt pépère, tantôt endiablé, est accentué par une mise en scène de Luq Hamett précise qui privilégie l’énergie en tout lieu par des entrées et sorties en coulisses incessantes. Dans la même veine, les décors « switchent » entre le domicile de l’épouse et celui de la favorite. Drôle par le renversement de la situation et le comportement inattendu des deux femmes, « Le switch » fait passer un bon moment de détente… sans essoufflement !

« Vivre se conjugue au présent », Alejandro G. Roemmers

Temps de lecture : 3 minLITTERATURE
Avec son deuxième livre « Vivre se conjugue au présent », paru chez City Editions, Alejandro G. Roemmers prône l’introspection, une pause avec soi pour mieux entreprendre son examen de conscience au bénéfice du bien commun. Le respect et la préservation de la nature sont la trame sur laquelle les personnages interagissent, progressent et remodèlent leur pensée. L’évolution personnelle est le prétexte qui soutient l’intrigue, sans toutefois en être la colonne vertébrale. Elle apparaît comme le résultat et non la cause de cette histoire de transmission… de la vie, dans son sens le plus large. La vie, c’est Fernando, un journaliste qui ne répond pas aux attentes de son père, un ingénieur réputé. C’est Ron Davies, un milliardaire qui met tout en œuvre pour se racheter une conduite, dans son immense propriété de Patagonie. C’est aussi Michael, le fils de Ron qui vit loin de son père, en harmonie avec sa conscience. Autour gravitent deux femmes (Alexia et Vicky) qui se révéleront être le lien entre les trois hommes et les dépositaires d’une mémoire et d’une promesse. « Vivre se conjugue au présent » n’est ni un conte de fées, ni un roman d’amour à l’eau de rose, ni un récit d’initiation, mais c’est un peu tout cela à la fois. L’écriture est fluide, sage, bienveillante, sans aspérité. Le plaisir de lecture n’en est pas moins réel.

« Vraie ! », une performance plus vraie que nature

Temps de lecture : 3 minTHÉÂTRE & CO
Ah ! Quelle jeune fille ne rêverait pas de rencontrer Bradley Cooper, acteur et réalisateur en 2018 de « A star is born » avec Lady Gaga dans le premier rôle ? Dans son premier one woman show musical « VRAIe ! », au théâtre de L’Archipel, Prisca Demarez l’appelle de ses vœux passionnés et de toutes les manières scéniques possible ! Fil rouge de son spectacle, dans une mise en scène très rythmée de Papy, ce prince charmant des temps modernes n’est en fait qu’un faire-valoir qui hisse la prestation de l’artiste au-dessus d’elle-même et de ce désir inextinguible de chanter. L’histoire de « A star is born » pourrait avoir été écrite pour Prisca Demarez tant se faire reconnaître par un agent et le public fut un parcours jonché d’obstacles et de recommencements. Avec sincérité et enthousiasme, elle nous relate en chansons les grandes lignes de ce vécu, non sans manier un humour décomplexé et irrésistible. La chanteuse de comédie musicale (Avenue Q, Blanche Neige, Cabaret, Cats) à la vitalité contagieuse n’a jamais baissé les bras et heureusement pour nous. Accompagnée de John Florencio au piano et d’Erwan Le Guen au violoncelle, complices dans son exubérance et tout aussi talentueux, elle nous offre une performance impressionnante, dont la déflagration d’émotions qu’elle déclenche résonne en soi bien après l’heure quinze de spectacle.

« La Nuit des aventuriers », Nicolas Chaudun (Plon)

Temps de lecture : 3 minLITTERATURE
Curieusement, étrangement, étonnamment, « La Nuit des aventuriers », qui relate la conjuration du 2 décembre 1851 visant à faire du Prince-président Louis Napoléon Bonaparte (1808-1873) l’Empereur du Second Empire, dépeint, sous certains aspects, la curieuse, étrange et étonnante époque que nous vivons. Au fil des pages, le parallèle saute aux yeux, laissant accroire – s’il le fallait – que l’Histoire n’est qu’une suite de répétitions d’un scénario bien rodé, impliquant des personnages différents. Dans ce roman vrai d’un coup d’État à l’objectif atteint, mais non honorable dans son exécution expéditive, Nicolas Chaudun raconte l’aventure d’une victoire improbable, mais surtout incertaine quant à son issue. Cette incertitude est renforcée par l’égrenage des heures qui distillent les informations du « front » parisien, mais aussi des fronts régionaux, où des villes et des villages se soulèvent de manière erratique. Le vocabulaire châtié, les portraits tranchants, les formules subtiles, le ton sarcastique servent utilement un récit historique précis et fort documenté. Le déroulé millimétré met en scène une conquête aussi épique que laborieuse. C’est ce qui en fait toute la saveur, toute la truculence et surtout tout le plaisir d’en savoir un peu plus sur cette incroyable nuit des aventuriers.

« Fellini, Roma et Moi », ou le feu intérieur d’une passion

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Entre Federico Fellini et Bunny Godillot, une connivence naît. Entre vérité et fantasme. Entre autofiction et autoportrait. L’un au service de l’autre… et inversement. L’auteure et comédienne Bunny Godillot a mis à profit l’espace-temps confiné de ces longs mois de rupture avec le public pour interroger son parcours d’artiste et la flamme qui l’a alimenté toutes ces années. Sans faille ni doute ? Ça, c’est une autre histoire ! Dans cette exploration du Moi, Fellini s’est immiscé, tel un maestro guidant ses acteurs, avec tendresse et panache. De ce rapprochement intime a éclos une pièce intimiste, lyrique et onirique d’une grande pureté narrative. « Fellini, Roma et Moi », au théâtre solidaire 100ecs, vibre au diapason d’un conte où s’entrelacent le réel et l’imaginaire d’une comédienne à la sensibilité aiguisée au mal-être de sa jeunesse et à la volonté de devenir ce pour quoi elle savait être destinée. Depuis « Huit et demi » et la « Dolce Vita », la jeune adolescente n’avait qu’une idée en tête : rencontrer l’immense Fellini et être comédienne. Si l’entrevue entre les deux artistes est peut-être fictive, la carrière de Bunny Godillot n’en est pas moins authentique et riche. Mais qu’importe la véracité tant que le rêve partagé est beau !

« Pour unique soleil », Joseph Agostini

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Dans son dernier roman, Joseph Agostini nous parle de la fascination qu’exercent des personnes médiatiques sur leurs « fans ». Celle qui peut virer à l’obsession, et même à un entrelacement d’obsessions. « Pour unique soleil » (Éd. Envolume) aurait pu s’intituler « Pour le miroir au soleil » – comprendre miroir aux alouettes » – tant l’objet de la fascination se démultiplie, provoquant des imbroglios à répétition. L’auteur, également psychologue clinicien, élabore sa trame comme un jeu de dupes où les trois personnages se passent la balle autour du fantasme représenté par Daniela Lumbroso, laquelle ignorera jusqu’à la fin avoir été l’enjeu d’un trio névrotique. D’un côté, deux femmes qui l’idolâtrent et de l’autre une troisième qui emprunte son identité. La construction est assez astucieuse pour susciter le suspense et renforcer son intime conviction que ce jeu dramatique ne pourra durer une éternité. C’est le match psychologique et son résultat qui font tout le sel de ce roman qui aborde un fait de société intemporel : le pouvoir des uns sur les autres. Brillant et captivant.

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