Extrait (page 155)
“Vivre se conjugue au présent”, Alejandro G. Roemmers
“Ce soir-là, Fernando songea à passer un coup de fil à Ron pour lui faire son rapport, puis décida d’attendre. Mieux valait lui faire la surprise quand il aurait réussi à convaincre Michael, le fils prodigue, de rentrer chez son père. Tout à coup, il réalisa que pas une seule fois depuis qu’il était ici, il n’avait sorti son téléphone portable de son sac à dos. Ce qui prouve bien qu’on peut parfaitement vivre sans être pendu à cette petite chose, se dit-il en souriant de toutes ses dents”
Avis de PrestaPlume ♥♥♥
Avec son deuxième livre « Vivre se conjugue au présent », paru chez City Editions, Alejandro G. Roemmers prône l’introspection, une pause avec soi pour mieux entreprendre son examen de conscience au bénéfice du bien commun. Le respect et la préservation de la nature sont la trame sur laquelle les personnages interagissent, progressent et remodèlent leur pensée. L’évolution personnelle est le prétexte qui soutient l’intrigue, sans toutefois en être la colonne vertébrale. Elle apparaît comme le résultat et non la cause de cette histoire de transmission… de la vie, dans son sens le plus large. La vie, c’est Fernando, un journaliste qui ne répond pas aux attentes de son père, un ingénieur réputé. C’est Ron Davies, un milliardaire qui met tout en œuvre pour se racheter une conduite, dans son immense propriété de Patagonie. C’est aussi Michael, le fils de Ron qui vit loin de son père, en harmonie avec sa conscience. Autour gravitent deux femmes (Alexia et Vicky) qui se révéleront être le lien entre les trois hommes et les dépositaires d’une mémoire et d’une promesse. « Vivre se conjugue au présent » n’est ni un conte de fées, ni un roman d’amour à l’eau de rose, ni un récit d’initiation, mais c’est un peu tout cela à la fois. L’écriture est fluide, sage, bienveillante, sans aspérité. Le plaisir de lecture n’en est pas moins réel.
Résumé
Fernando Módena est un être sensible, gentil et fidèle. Tout le monde l’aime, hormis peut-être son père qu’il ne fréquente plus. Ce dernier ne sait même pas qu’il a atteint son rêve : devenir journaliste. Dans l’espoir d’embaucher en CDI au journal El Nacional, le jeune homme se met en quête d’interviewer Ron Davies qui vit reclus dans sa belle demeure de Patagonie. Depuis le scandale écologique que son entreprise a causé, il y a 20 ans, ce dernier n’a accordé aucun entretien à la presse. Ce serait un scoop ! Fernando aimerait déterminer si son revirement pour la protection de l’environnement n’est que de l’affichage médiatique ou non. Il est surpris de découvrir un homme amical et généreux. Les deux hommes s’entendent si bien que le businessman lui confie une mission : retrouver Michael, son fils, dont il n’a pas de nouvelles depuis des années. Détourné de son objectif premier, Fernando s’enthousiasme pour cette mission, d’autant qu’elle l’emmène au Costa Rica, puis au Mexique. Il finira par retrouver Michael, le fils prodigue, qu’il compte bien convaincre de revoir son père, celui-ci ayant radicalement changé. Mais Michael est un être déchiré, décomplexé, excessif. S’il œuvre pour la protection de la nature, il s’étourdit de fêtes, de drogues et d’amour. Entre Fernando et Michael, c’est un vrai coup de cœur. Ils ne se quitteront plus… jusqu’au drame. Hélas, mourir se conjugue aussi au présent.
Pour approfondir
Contrairement à son premier livre « Le Retour du Jeune Prince » – une suite du Petit Prince –, cet opus n’est pas strictement un récit de développement personnel. C’est un roman avec des personnages, une intrigue, une chute. En revanche, les personnages principaux se transmettent le relais pour poursuivre l’histoire de ce présent conjugué à la vie. Ainsi, le véritable héros de ce roman ne sont pas les personnages, mais ce même présent qui noue et dénoue l’intrigue jusqu’à la révélation finale. La conclusion est prévisible, si on accepte que ce présent doive continuer à « vivre », outre les personnages de chair et de sang. Ce roman est un hymne à la vie, mais aussi à l’amour universel, à l’amitié et au pardon, et met l’accent sur les destins liés. Il pousse aussi à s’interroger sur l’évolution de l’Homme, sur son aptitude à modifier sa façon de penser, et donc son fonctionnement dans l’interaction avec autrui et l’environnement. Il est enfin un cri d’alarme en faveur de cette nature si maltraitée. Si Alejandro G. Roemmers n’apporte rien de nouveau sur l’état des lieux et les actions à mettre en œuvre pour préserver la nature, il fait sa part. En son âme et conscience. La répétition fixe la notion, dit l’adage. Et quand la répétition offre du suspense qui fait oublier le temps « présent » et suscite l’empathie pour les personnages, le pari est gagné !
Nathalie Gendreau
City Éditions, 10 mars 2021, 256 pages, à 17,90 euros.
Journaliste, biographe, auteure et critique culturel, je partage avec vous mes articles et avis. Si vous aimez, abonnez-vous !
Le Présent ! Ce temps qui, aujourd’hui, semble plus facile à conjuguer qu’à vivre.
A la lecture de la critique de ce deuxième roman de Alejandro G. Roemmers j’ai l’impression qu’il contient une vertu particulière, celle de répondre aux nombreuses questions existentielles que l’on se pose souvent dans le présent, parfois avec une impatience d’enfant gâté, sans savoir que l’avenir apportera inéluctablement les réponses. Les Bonnes… et les autres.
Il arrive qu’un bon roman nous aide à mieux réfléchir que tous les traités psychologiques qui débordent parfois de nos rayonnages des pensées perdues.