Extrait (page 39)
“Esther Goetz est traversée depuis le réveil par un flot de sentiments contradictoires. Elle est excitée, enthousiaste, impatiente, mais aussi inquiète, effrayée, anxieuse. Elle a longuement hésité sur sa tenue, ce matin, tailleur, jupe, pantalon, chemisier, cardigan, robe, elle a changé cinq fois d’avis avant de finir par remettre l’ensemble qu’elle portait pour son dernier entretien chez Richter & Co, une jupe noire taille haute, avec une ceinture colorée et un pull en coton à col rond, noir lui aussi, tout en sobriété.”
Avis de PrestaPlume ♥♥♥♥
Lire un « Ménégaux » est comme un rendez-vous avec un ami qu’on n’a pas vu depuis longtemps. Cette attente est exquise car elle promet un grand moment de lecture. Mathieu Ménégaux a ce petit tour de main stylistique qui empêche de fermer le livre avant le mot « fin ». Comme les précédents, « Disparaître », paru chez Grasset, se lit d’une traite tant l’écriture est efficace. Même si on devine assez rapidement le lien entre les victimes, le roman se coule dans cette veine talentueuse où l’originalité magnifie l’écriture, à moins que ce soit l’inverse… Pour ce quatrième opus, l’auteur a une belle idée : il s’interroge sur les motifs profonds qui poussent une personne à disparaître sans espoir de retour. Parmi toutes les réponses, il retient les conséquences désastreuses d’un amour interdit entre un homme marié et une jeune fille timide. La narration est soignée et nerveuse, la construction astucieuse car le le lecteur découvre le présent et le passé des personnages qui avancent en parallèle au fil des chapitres, jusqu’à la résolution de l’énigme. Un bémol cependant, cet opus n’atteint pas la même intensité émotionnelle que les précédents. Il m’a manqué cette « claque » qui est devenue au fil des romans l’expression de l’empreinte littéraire de Mathieu Ménégaux.
Résumé
Nous sommes au début de l’été, à Paris. Une jeune femme de vingt-cinq ans tombe de la fenêtre d’un appartement du sixième étage dans le quartier des Abbesses. Aux premières constations de la capitaine Balansart, le suicide est privilégié. À Saint-Jean-Cap-Ferrat, un cadavre est découvert sur la plage. Il est nu, le visage défiguré, le corps entièrement rasé et la pulpe des doigts brûlée. Le capitaine Grondin est chargé de l’enquête. Alors que les deux enquêteurs, chacun de son côté, sont à pied d’œuvre pour trouver l’identité des victimes, le lecteur fait connaissance avec Etienne Sorbier, un cinquantenaire marié. Il est directeur de la filiale française de Richter & Co. S’il est obsédé par le pouvoir, il entend que ses employés, dont il exige le meilleur et la plus grande implication, travaillent dans d’excellentes conditions. Mais le système de performance de l’entreprise, inhérente au métier d’analyste financier, entraîne malgré tout une jeune recrue aussi talentueuse qui travailleuse au burn-out. L’épuisement d’Esther Goetz la fera remarquer de son patron, Etienne Sorbier. L’émoi entre ces deux êtres est grand, trop grand pour être tu.
Pour approfondir
Avec ses trois précédents titres (« Je me suis tue », « Un fils parfait » et « Est-ce ainsi que les hommes jugent ? »), Mathieu Ménégaux nous a habitués à des thèmes puissants, délicats, actuels, avec un décryptage des sentiments édifiants et ciselés. « Disparaître » est dans cette digne lignée, sans pour autant insuffler cette dimension d’urgence vitale qui suspend l’histoire dans le vide. Dans ce roman, le suspense ne réside pas dans la résolution des enquêtes croisées, diligentées après la découverte des deux victimes, puisqu’on devine assez vite à qui appartiennent les corps. Le suspense s’invite plutôt, pas-à-pas, dans les circonstances qui ont conduit ces deux personnes à vouloir disparaître. Pour faire avancer le récit dans sa dimension dramatique, l’auteur use de la pugnacité du capitaine Grondin qui, persuadé d’avoir affaire à un meurtre et non à un suicide, poursuivra l’enquête bravant même l’interdiction de sa hiérarchie. Tout le mystère est dans le pourquoi. Les sentiments des personnages sont décortiqués alternativement, avec finesse, mais étonnamment sans susciter de sympathie particulière ou d’empathie. Ce n’était d’ailleurs peut-être pas le but. Si « Disparaître » n’a pas provoqué en moi la magie escomptée malgré toutes les qualités d’écriture, sa lecture n’a pas entamé le plaisir d’être plongée dans l’univers de son auteur. N’est-ce pas là le principal ?
Nathalie Gendreau
Éditions Grasset, 8 janvier 2020, 212 pages, à 18 euros en version papier et 12,99 euros en version numérique.
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