“Tiki, une année de chien”, Fred Leclerc et David Azencot

Temps de lecture : 2 min LITTERATURE
Les éditions La boîte à bulles publie “Tiki, une année de chien”, un roman graphique sur l’adoption d’un animal et les déboires pouvant en découler, si l’on n’est pas vraiment prêt à l’accueillir. Pour Fred Leclerc, ce fut l’horreur. Ce directeur artistique dans la publicité, qui rêvait dans sa jeunesse de faire de la bande dessinée, s’est saisi de ses mésaventures avec sa chienne Tiki pour transcender avec le dessin le cataclysme émotionnel que sa présence a déclenché, faisant de son quotidien une épreuve insurmontable. Sur ce chemin de l’écriture graphique – quasi thérapeutique, – il s’est associé à David Azencot, auteur et humoriste notamment à Canal+ et chroniqueur à Rires & Chansons. Cet ouvrage est leur première incursion dans le genre. Une incursion plaisante, outre le message non subliminal qui illustre de manière édifiante les conséquences d’une adoption « coup de cœur », comme on le ferait d’un objet. Peut-être pour remplir un vide… ou faire plaisir.

“Le souffleur”, un métier de l’ombre sublimé par Paolo Crocco

Temps de lecture : 3 min THÉÂTRE & CO
Après avoir été portée par son créateur Emmanuel Vacca, l’histoire d’Ildebrando Biribo revient sur les planches avec encore plus de poésie et… de souffle, au Studio Hébertot. De la version de l’excellent Paolo Crocco émanent sans discontinuer poésie et drôlerie. Les émotions, toujours justes, frappent au cœur et à l’esprit dans un jeu égal. « Le souffleur » est avant tout un hommage à ce métier, aussi utile qu’ingrat, car toujours dans l’ombre. Mais, pour Ildebrando Biribo, le célèbre souffleur congédié à la première représentation de Cyrano de Bergerac le 28 décembre 1897, c’était toute sa vie, depuis ses seize ans. Lui qui l’avait consacré à son métier se voit relégué aux oubliettes, projeté dans un gouffre d’inutilité. À la fin de la représentation, à laquelle il assista malgré tout, on le trouva mort dans son antre obscur. Le mot oublié a perdu son étincelle en même temps que son souffleur, et le métier un grand et talentueux professionnel. À travers « Le souffleur », l’auteur Emmanuel Vacca nous relate son histoire, belle et dramatique. Il parvient à nous transmettre sa passion pour ce métier aujourd’hui disparu.

“Les Trois Mousquetaires”, Du beau et grand Dumas

Temps de lecture : 4 min THÉÂTRE & CO
Susciter un souffle épique sur une scène de théâtre – lieu restreint par excellence – est une gageure que la compagnie du Grenier de Babouchka a tenu avec brio. Et le mot n’est pas assez puissant eu égard aux sensations éprouvées lors de la représentation des « Trois Mousquetaires », dans ce prestigieux écrin du théâtre du Ranelagh. Tout est là pour passer un excellent moment, hors du temps, ou plutôt si… à l’intérieur d’un temps autre, celui de l’aventure de cape et d’épée, d’amours contrariées, des complots et de la fraternité à la vie à la mort. Les douze comédiens, dont deux musiciens (violon, accordéon, cajon, clavier, guitare) qui semblent présider aux différentes destinées des personnages, font virevolter leurs rapières avec autant d’adresse que leur langue fleurie. Il y a de l’ardeur, du panache, une tempétueuse énergie. Drame et comédie s’entrelacent étroitement. Dans un décor nu, la mise en scène est capitale pour rythmer les nombreux actes. Charlotte Matzneff s’approprie l’espace et le rentabilise de manière époustouflante. Les scènes courtes et alertes renforcent ce sentiment d’urgence et d’intensité. L’adaptation de Jean-Philippe Daguerre et de Charlotte Matzneff est moderne tout en restant fidèle à l’esprit de l’époque et au contenu. L’histoire des trois mousquetaires se réinvente, s’étoffe et se déploie comme si c’était une première. Du bel œuvre ! Dumas en sourirait d’aise.

« Qui va là ? », ou l’errance à nu

Temps de lecture : 3 min THÉÂTRE & CO
Le Théo Théâtre accueille jusqu’au 17 décembre Thierry de Pina, un SSF – comprendre un Sans-Scène-Fixe –, comme il se plaît à dire. Durant trois semaines, le comédien a trouvé un toit pour son personnage Alexandre Cabari, un SDF au cœur tendre, mais aux pensées chagrines. La pièce « Qui va là ? », d’après Emmanuel Darley, a été jouée à domicile, à Nice, à la suite du premier confinement. Un succès stoppé en plein vol par le second confinement ! Cet ancien épidémiologiste qui, a raccroché la blouse de chercheur en 2007 pour devenir comédien, a donc adapté le texte pour la monter sur scène. Véritable rencontre de destins, entre un comédien sans scène et un homme sans domicile, tous deux désœuvrés. Joué au Festival Off d’Avignon cet été 2021, ce texte retrouve donc un lieu pour exister. Parcours erratique s’il en est à l’image du personnage, un pauvre hère qui prend en otage les spectateurs d’un théâtre pour leur raconter ses souvenirs. Se faisant complices d’une heure, ces derniers jouent le jeu et deviennent le réceptacle de la confidence d’une déshérence émouvante.

“La cabane de l’Anglais”, Marc Bressant (éd. Herodios)

Temps de lecture : 3 min LITTERATURE
Dans « La cabane de l’Anglais » (éd. Herodios), Marc Bressant revient sur ces jeunes années sous forme d’un roman initiatique touchant dans une authenticité épurée. Le regard est à la fois tendre comme son âge d’alors et réaliste sur la vie d’un village de la Brie, où sa famille s’était réfugiée début 1944. Les trois cousins (âgés de 11, 9 et 7 ans), leurs deux mères et la grand-mère ont quitté Paris pour se réfugier près de Lésigny, à La Dame blanche, une vieille ferme plantée au milieu d’un parc et proche d’un bois. Un environnement idéal pour mieux se nourrir et se protéger des bombardements. Ce roman sur une jeunesse, pas si insouciante, donne à voir par des yeux innocents l’attitude de ces enfants face à l’occupation allemande – héroïques dans l’intention –, mais aussi le comportement des villageois face à l’occupant. Des résistants armés, on n’en voit guère, même s’ils étaient actifs dans cette région. En revanche, nous découvrons la résistance passive de certains. Et notamment celle de ces enfants qui décident de construire une cabane, à l’insu de tous, pour recueillir et cacher les pilotes anglais abattus par la DCA (la défense antiaérienne allemande).

« Saint-Ex à New York », la genèse du Petit Prince en toute intimité

Temps de lecture : 4 min THÉÂTRE & CO
Jusqu’au 31 décembre, le théâtre du Petit Montparnasse est l’écrin d’une belle renaissance, celle du Petit Prince. En revisitant la genèse de l’écriture de ce conte philosophique, l’auteur et metteur en scène Jean-Claude Idée y propose une lecture toute personnelle. Le Petit Prince serait ainsi une autobiographie symbolique d’Antoine de Saint-Exupéry, où la rose capricieuse représenterait sa femme Consuelo, où l’exil du Petit Prince serait son propre exil à New York, ville aussi incompréhensible pour lui que la planète Terre pour son petit personnage à la chevelure dorée. Mais aussi le miroir de ses inquiétudes pour le devenir de l’humanité, alors que la Seconde Guerre mondiale fait rage sur le Vieux Continent. La version de Jean-Claude Idée est puissamment incarnée par quatre comédiens aux tempéraments marqués (Gaël Giraudeau, Alexandra Ansidei, Adrien Melin et Roxanne Bennett). Les passions y sont tantôt libérées, tantôt retenues avec la même intensité, que la sobriété des décors renforce, comme si le dénuement mobilier était le reflet tangible du désarroi d’un homme empêché d’être. Ce moment de théâtre est une parenthèse unique de poésie, aussi savoureuse qu’instructive. Aussi belle que triste. Si l’écrivain n’est plus, son double symbolique ne cessera jamais de parcourir le monde.

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