“La cabane de l’Anglais”, Marc Bressant (éd. Herodios)

Temps de lecture : 3 min

Extrait (pages 18-19)
“Ils sont trois. Deux frères, Claude et Denis Montarlier, et Marc Denisot, leur cousin germain. Onze, neuf et bientôt sept ans, vingt-sept ans au total. Plus d’un quart de siècle. Cette addition, qu’ils font volontiers, les rassure, et elle n’a rien d’absurde.
Depuis le début de la guerre, le début de leur monde, quoi, ils ont tout fait ensemble ! L’exode, ils l’ont vécu entassés tous les trois au milieu de ballots de couvertures et de fringues à l’arrière d’une vieille Peugeot 402 jusqu’à ce qu’ils atterrissent au bout du Finistère dans la villa d’une parente qui leur faisait la gueule. De retour à Paris, c’est ensemble qu’ils ont découvert les rues vides, les magasins fermés, les voisins sans regard, la nappe des uniformes vert-de-gris recouvrant la capitale.
La guerre est la toile de fond de leur existence, et ils réagissent chacun exactement pareil face aux péripéties qui se succèdent. Pas étonnant qu’ils aient souvent l’impression d’être comme une seule personne !”

“La cabane de l’Anglais”, Marc Bressant (éd. Herodios)

Avis de PrestaPlume ♥♥♥♥

Dans « La cabane de l’Anglais » (éd. Herodios), Marc Bressant revient sur ces jeunes années sous forme d’un roman initiatique touchant dans une authenticité épurée. Le regard est à la fois tendre comme son âge d’alors et réaliste sur la vie d’un village de la Brie, où sa famille s’était réfugiée début 1944. Les trois cousins (âgés de 11, 9 et 7 ans), leurs deux mères et la grand-mère ont quitté Paris pour se réfugier près de Lésigny, à La Dame blanche, une vieille ferme plantée au milieu d’un parc et proche d’un bois. Un environnement idéal pour mieux se nourrir et se protéger des bombardements. Ce roman sur une jeunesse, pas si insouciante, donne à voir par des yeux innocents l’attitude de ces enfants face à l’occupation allemande – héroïques dans l’intention –, mais aussi le comportement des villageois face à l’occupant. Des résistants armés, on n’en voit guère, même s’ils étaient actifs dans cette région. En revanche, nous découvrons la résistance passive de certains. Et notamment celle de ces enfants qui décident de construire une cabane, à l’insu de tous, pour recueillir et cacher les pilotes anglais abattus par la DCA (la défense antiaérienne allemande).

Résumé

Construire une cabane à des fins de résistance constitue un réel danger. Pour les bâtisseurs et leur famille. Claude, Denis et même Marc – l’écrivain protagoniste – le savent bien. Pourtant, ils n’hésitent pas à se libérer, entre les leçons d’histoire et de géographie, de mathématique ou de physique et les corvées quotidiennes, notamment au potager. Un endroit stratégique qui est l’objet de toutes les attentions, notamment du jardinier Kristof, un réfugié polonais dont la famille s’est volatilisée. Il sait qu’il ne les reverra plus… qu’ils sont morts. Les enfants l’ont deviné sous mots couverts. Leur grand-mère et leurs deux mères font tout leur possible pour les préserver de l’horreur de cette guerre et des atrocités qui sont commises en leur nom. Mais les trois garçons vivent au milieu de cette occupation, sans leurs pères respectifs, depuis 1940. Voici quatre ans que la famille tire le diable par la queue pour survivre. Cette cabane au fond des bois, qu’il aménage pour parer aux premières nécessités, c’est leur acte de résistance. C’est leur contribution au combat pour délivrer le pays des Allemands. Bravant les intempéries, les punitions sévères pour désobéissance, la peur d’être démasqués par la Milice… et de fait d’être fusillés, ils tiendront bon. Ce secret constituera le ciment d’une amitié indéfectible et le catalyseur d’une maturité précoce.

Pour approfondir

Participer à la grande Histoire, même sans éclats, est un acte de bravoure. Chacun faisant à sa mesure, même à sa mesure d’enfants. Si beaucoup se sont contentés de faire face, nombreux ont agi de la sorte dans l’anonymat le plus complet. Marc Bressant (né en 1938) nous le relate à travers ces souvenirs d’enfance. On y trouve une grand-mère qui écoute radio-Londres, un curé qui recueille juifs et résistants, une femme maréchal-ferrant surprise en pleine nuit à peindre des slogans anti-Allemands sur les murs. Etc. Avec « La cabane de l’Anglais », l’auteur (ancien diplomate qui a dirigé TV5 Monde) nous montre combien faire acte de résistance, par n’importe quel moyen, permet de continuer de tenir et d’espérer en la liberté recouvrée. Si la cabane n’a jamais été découverte par les Allemands et si aucun aviateur anglais ne se fait abattre dans les environs, une épreuve les attend néanmoins. Une épreuve qui fera d’eux des adultes avant l’heure. Des adultes au cœur pur et vaillant. Inspiré de faits réels, ce roman nous prend par la main, chaude et rassurante, et nous entraîne dans l’univers d’une enfance bousculée par les répercussions de la guerre, ferments de tristesse et douleur, mais aussi d’émancipation et de maturité.

Nathalie Gendreau

Éditions Herodios, 14 octobre 2021, 218 pages, à 19 euros.

1 réflexion au sujet de « “La cabane de l’Anglais”, Marc Bressant (éd. Herodios) »

  1. Merci Nathalie Gendreau de nous offrir cette bouffée d’air pur et vivifiant qui accompagne souvent les souvenirs d’enfance. Car, malgré l’environnement sinistre de la 2ème guerre mondiale, l’auteur Marc Bressant nous décrit la naissance d’un des plus beaux sentiments qui soient : l’héroïsme !
    A travers les choix de Nathalie Gendreau (choix que je découvrirai plus tard en lecture ou en vision)
    j’ai l’habitude de chercher une correspondance avec notre actualité.

    Rien de comparable aujourd’hui avec l’horreur nazi et les persécutions des juifs. Et pourtant, la crise sanitaire et l’installation d’une « pensée dominante » (c’est tout dire) sont en train d’installer un réel malaise dans une partie de la population qui se considère (à tort ou à raison) comme victime de décisions liberticides et de discrimination en raison de leurs pensées.

    Réfugions nous vite dans un environnement sûr, celui d’un livre qui nous conte une des merveilles de la Vie : l’éveil d’une enfance qui regarde vers son avenir.

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