“La Petite barbare”, Astrid Manfredi

Temps de lecture : 3 min

 

Résumé

 « Moi, monsieur, je suis pleine du bruit assourdissant de vivre. »
En détention on l’appelle la Petite Barbare ; elle a vingt ans et a grandi dans l’abattoir bétonné de la banlieue. L’irréparable, elle l’a commis en détournant les yeux. Elle est belle, elle aime les talons aiguilles et les robes qui brillent, les shots de vodka et les livres pour échapper à l’ennui. Avant, les hommes tombaient comme des mouches et elle avait de l’argent facile. En prison, elle écrit le parcours d’exclusion et sa rage de survivre. En jetant à la face du monde le récit d’un chaos intérieur et social, elle tente un pas de côté. Comment s’émanciper de la violence sans horizon qui a fait d’elle un monstre ? Comment rêver d’autres rencontres et s’inventer un avenir ? La Barbare est un bâton de dynamite rentré dans la peau d’une société du néant. Un roman brut et stupéfiant.

 

Avis de PrestaPlume ♥♥♥

Astrid Manfredi est une chroniqueuse littéraire comblée. Avec « La Petite barbare », elle a réussi à faire éditer son premier roman aux éditions Belfond. Passionnée de lecture, elle anime depuis des années un blog « Laisse parler les filles ». La Petite barbare s’est vu dérouler le tapis rouge et a été récompensée par le premier prix Régine Deforges du premier roman (voir article), le 14 mars dernier. Astrid Manfredi le doit à un thème, puissant et décapant, et à son écriture brute et violente, qui secoue, déstabilise, fait perdre pied.

Ce roman est inspiré d’un fait divers sanglant au scénario inconcevable du « Gang des barbares », où une vingtaine de personnes a enlevé, séquestré et torturé Ilan Halimi, en janvier 2006. Astrid Manfredi a traité son sujet sous l’angle de l’appât. Cette jeune femme désœuvrée et sans perspectives d’avenir qui s’associe à une bande qui, lasse des rackets et autres détroussements, finira par aller plus loin, pour connaître le goût du sang. Qu’a-t-elle vécu dans sa jeunesse pour en arriver à être anesthésiée de toute empathie ? C’est ce que va s’attacher à découvrir l’auteur.

A-t-il un nom seulement, cet appât qui a les cheveux qui affolent le sexe opposé ? La petite barbare. On l’appelle ainsi en prison. Alors à l’isolement pour plusieurs mois, elle décide d’écrire son journal intime pour ne pas devenir folle entre quatre murs. On la suit dans ses pensées vagabondes qui s’échappent de la moisissure de l’enfermement. Enfant, elle grandit sans amour débordant, entre un père vissé à son canapé et une mère à la beauté défigurée par l’alcool. Privée d’histoires pour s’endormir, elle attend le jour où elle pourra lire des livres le soir dans son lit.

Les livres, c’est la porte ouverte aux rêves qu’elle finira par remiser au rang de l’impossible… Enfin, impossible à celles qui suivent le troupeau d’abrutis qui travaillent pour survivre. Elle, elle veut vivre et combler ses rêves de fric. Un fric facile à soutirer à des mecs aux « pompes et cerveau bien cirés », à ceux qui suintent la faiblesse par tous les gestes. Car La petite barbare a en horreur la faiblesse. Le lieu de prédilection de leurs délits est la fructueuse avenue des Champs-Élysées. Mais, très vite, ils s’emmerdent. C’est trop facile. Voler ne les amuse plus. Alors le chef lance froidement « Le sang, il nous manque le sang ». Voilà le point de départ à l’ignominie. Un jour comme les autres, une sorte de métro-boulot-dodo qui ne les égaye plus. Il faut qu’il y en ait un qui paye pour les autres.

Un langage cru, radical, sans concession, provocant, qui donne au roman une réalité foudroyante. La cité prend vie, les drames et les horreurs aussi. L’auteur manie un style nerveux et overdosé d’images. Le rythme est soutenu, les formules touchent juste et vite. Pas de quartier. Au fil des pages, c’est une plume acerbe qui taille dans le vif et grave à l’encre indélébile qui se mêle au sang qui coule par jeu et par haine des « dandys défoncés qui paradent avec leur cynisme sur les culs de lianes anorexiques qu’ils dégagent une fois la lumière rallumée ».

Mais comment une personne aimant « L’Amant » de Marguerite Duras peut-elle côtoyer en même temps les livres et la barbarie ? À lire absolument pour le réalisme et l’écriture qui malmènent la bien-pensance.

 

Éditions Belfond, août 2015, 160 pages,  15 €.

 

1 réflexion au sujet de « “La Petite barbare”, Astrid Manfredi »

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