« Un bon écrivain est un écrivain mort », Guillaume Chérel

Temps de lecture : 3 min

 

Extrait

 

Mesdames et messieurs, silence, s’il vous plaît !
Tous sursautèrent.
Chacun regarda autour de soi, observa ses voisins et scruta les murs. Qui donc parlait ? La Voix poursuivit, haute et claire :
“Je vous accuse des crimes suivants…
Vous, tous ensemble comme un seul, et même ceux d’entre vous qui possédaient un certain talent au début, je vous accuse d’avoir surtout bénéficié d’une chance insolente et de réseau d’aide incroyable pour vous hisser au firmament du monde littéraire pour finalement ni briller que par votre vacuité, votre arrogance et votre prétention.” (page 113)

 

Avis de PrestaPlume ♥♥♥♥

 

Mystères et parodie pour un roman qui vient de paraître chez J’ai lu. Dans Un bon écrivain est un écrivain mort, Guillaume Chérel affûte sa plume à l’inspiration railleuse. S’il est amoureux des livres et des auteurs… dont l’Histoire dorlote les œuvres, rien n’est moins sûr pour ce qui est des auteurs vivants ! Avec une franche et facétieuse liberté, le journaliste brocarde dix écrivains contemporains très médiatiques, non sans tordre astucieusement leur patronyme. Parité oblige, cinq femmes et cinq hommes sont invités à participer à une conférence dans un ancien monastère devenu une résidence d’auteurs. Leur hôte milliardaire ménage le mystère sur son identité que renforce son absence. Dans une atmosphère balançant entre Le Nom de la rose et Le Mystère de la chambre jaune, ce roman confronte les célébrités de la plume à leurs travers jusqu’à ce que mort s’ensuive… ou pas ! À travers ce brûlot, dans lequel il ne s’épargne pas, Guillaume Chérel commet là un roman gonflé, très drôle et original mais qui, en filigrane, interroge l’enjeu originel de l’écriture.

Enserré entre le Piémont et la Ligurie, le monastère franciscain de Saorge toise de sa majesté baroque et ténébreuse la vallée de la Roya. Un œil sur l’horizon méditerranéen et l’autre sur les sommets italiens, se posant en gardien de l’éternel. Les dix grands auteurs triés sur le volet par Monsieur Un Cognito, y parviennent non sans mal avec plus ou moins d’envie. Selon leur personnalité, Frédéric Belvédère, Michel Ouzbek, Amélie Latombe, Delphine Végane, David Mikonos, Kathy Padcol, Tatiana de Roseray, Christine Légo, Jean Moisson et Yann Moite se questionnent, se disputent, s’invectivent, se séduisent, ne cachant ni leur inimitié, ni leur jalousie, ni leur ambition. Une fois la conférence sabordée par l’animateur Augustin Traquenard, écrivain de l’ombre brûlé par la lumière de la notoriété invitée, le dîner mouvementé achevé et une soirée interrompue par une Voix d’outre-tombe les accusant de leur travers, chacun part se coucher, inquiets, ivres et émoustillés. Durant tout le week-end déchaîné par l’orage, ils seront livrés à eux-mêmes. Enfermés dans les murs du monastère hanté par Oscar Wilde et son neveu maléfique Arthur Cravan, lesquels des dix écrivains mourront « sur le bûcher des vanités » ?

Avec ce thriller qui brosse à grands traits aussi colorés que culottés nos grands écrivains médiatiques, Guillaume Chérel ose tout avec le courage du va-tout, de celui qui n’a plus rien à perdre. Avec une cruauté tendre et malgré tout admirative, il pénètre les ressorts d’écriture de ces auteurs, dont il décortique l’ambition médiatique qui s’efface devant l’ambition littéraire. Il évoque avec la même force cette noble aspiration de l’idéal de l’écriture, à l’image de Philippe Vilain dans son essai La littérature sans idéal, chez Grasset, où il dénonce une écriture autocentrée, peu exigeante en temps et en effort, sans nécessité de bagage littéraire. Avec une plume truculente, enthousiaste et de bel esprit, Guillaume Chérel met en lumière ceux qui n’aspirent qu’à briller dans l’illusoire société, où l’envie de paraître le dispute à la parution de l’ouvrage qui se voit réduit à un bien de consommation. Ce roman est aussi une ode à la beauté et aux richesses architecturales du monastère ; au détour de l’étrange et des drames en devenir, on y apprend son histoire, ses déboires et sa renaissance en résidence d’auteurs. Un lieu très évocateur pour Guillaume Chérel qui a offert aux doubles caricaturés de ces dix grands écrivains une occasion unique de vivre une histoire passionnante au lieu de les écrire !

Nathalie Gendreau

 

Éditions J’ai lu, mars 2018, 254 pages, à 8 euros.

 

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2 réflexions au sujet de “« Un bon écrivain est un écrivain mort », Guillaume Chérel”

  1. Le titre déjà été utilisé et les tome 2 ne sont jamais les meilleurs. Quant à l’égocentrisme il semble être utilisé par l’auteur.

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  2. J’ai l’impression que l’auteur a été aussi inspiré par l’absolu chef d’œuvre d’Agatha Christie “Les Dix Petit nègres”. Raison de plus pour découvrir sans attendre les promesses que Nathalie Gendreau nous annonce dans l’ouvrage de Guillaume Chérel.

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