“Déjà, l’air fraîchit”, Florian Ferrier (Plon)

Couverture de "L'air fraîchit déjà"

Temps de lecture : 4 min LITTERATURE
Scénariste de bande dessinée et réalisateur de séries télévisées jeunesse, Florian Ferrier est aussi un écrivain confirmé qu’il faut absolument lire. Avec son dixième ouvrage, « Déjà, l’air fraîchit », chez Plon, il commet un roman remarquable par le thème, l’angle et la structure de l’histoire. Hardi et talentueux, l’auteur a franchi avec le Rhin la frontière de l’horreur pour nous faire remonter le temps de la Seconde Guerre mondiale. Son œil scrutateur et sa verve narrative se sont intéressés au parcours d’une jeune Allemande, innocente… enfin, pas tant que cela si on considère sa nature cruelle. À travers ce personnage complexe, Florian Ferrier décrit à merveille les trois temps du nazisme : l’embrigadement de la population, l’avènement triomphateur et la débâcle finale. Adossé à une documentation fournie, ce roman se lit comme une leçon d’histoire et de mœurs émouvante et passionnante, où les sentiments d’amour comme de haine sont exacerbés. On se glisse peu à peu dans la peau d’Elektra, on se prend à lui trouver des circonstances atténuantes avant de s’insurger contre cette idée rebutante. Une lutte s’engage en sourdine en soi, tandis que l’histoire nous tire par la manche. On est prisonnier du style qui prend aux tripes et du suspense qui s’instaure ; oui, prisonnier, à l’instar d’Elektra qui doit rendre des comptes aux Alliés, après la défaite du IIIe Reich. Elle encourt la peine de mort. Dans l’attente de son jugement, elle est interrogée sur les crimes qu’elle aurait pu commettre, même si sa tâche n’a consisté qu’à confisquer, déporter et tuer… des livres. Enfin…, c’est ce qu’elle ne cesse répéter.

« Quand la guerre sera finie », du théâtre musical dans le viseur du temps

Temps de lecture : 2 min THÉÂTRE & CO
Au théâtre Lepic, l’épique donne rendez-vous à l’histoire. La grande et la petite des années de la Seconde Guerre mondiale. Sujet ô combien rebattu, mais qu’on aime redécouvrir sous l’angle de l’originalité. Car, que peut-on apprendre que l’on ne sait déjà ? La défaite française, l’Occupation, la Résistance, le marché noir, la collaboration, l’amour entre un Allemand et une Française, la trahison, l’héroïsme ordinaire et les actes de bravoure. Tout est là dans « Quand la guerre sera finie » de Marie-Céline Lachaud qui en deux heures dresse le portrait d’une période sombre, là où les personnalités se révèlent le mieux. L’originalité ? Trois comédiens chanteurs (Mathilde Hennekinne, Baptiste Famery, Sebastiao Saramago) jouant chacun trois personnages et un pianiste accompagnateur (Jonathan Goyvaertz), qui rappelle le temps du cinéma muet…

“L’Ordre du jour”, Éric Vuillard

Temps de lecture : 3 min CHRONIQUE
Les écrits d’Éric Vuillard sont régulièrement distingués par des prix. Avec le dernier en date, “L’Ordre du jour” chez Actes Sud, il décroche le prix Goncourt, le Saint Graal des auteurs, alors même qu’il n’était pas favori. Le thème et le style ont emporté l’adhésion de la majorité du jury ; ils plairont à coup sûr à ceux qui n’ont pas encore lu ce petit bijou d’orfèvrerie littéraire. L’auteur s’est penché sur le thème de la Seconde Guerre mondiale, mais circonscrit au financement du parti national-socialiste et à l’Anschluss. Sujet ambitieux s’il en est par la rareté des ouvrages sur ce pan délicat, mais fondamental, de l’Histoire. Car, au début, il y a toujours l’argent ! Sans financement, y aurait-il eu l’annexion de l’Autriche ? Hitler aurait-il eu les moyens de sa démesure ? L’auteur met brillamment en perspectives l’envers de cette invasion loin d’être aussi glorieuse que ce que la propagande nazie a voulu faire croire. Il nous l’explique avec la précision d’un compte-à-rebours inéluctable. Les dates se répondent entre elles et se répercutent dans la promesse de la fureur. Le déroulement des préparatifs de guerre est la funeste conséquence de ce fameux ordre du jour qui a validé le versement de dons substantiels dans les caisses du parti.

“Volpi, Prince de la Venise moderne”, Bernard Poulet

Temps de lecture : 3 min CHRONIQUE
« Volpi, Prince de Venise moderne », de Bernard Poulet, est un essai instructif et éloquent qui relate la biographie de l’industriel et politicien Giuseppe Volpi au temps du fascisme italien, mais aussi son combat passionné et passionnant pour redonner à Venise toute sa grandeur passée. Le journaliste s’emploie avec méthode à percer le « mystère Volpi », comme l’évoque dans sa préface Jean-Paul Kauffmann. C’est un homme de paradoxes qui navigue dans les eaux troubles d’un fascisme économique. L’auteur fait marcher, en parallèle et d’un même pas, Giuseppe Volpi et Venise comme deux inséparables. Il met en lumière les efforts constants de l’industriel pour faire immerger de la lagune la « Troisième Venise » qui s’intercalerait entre ceux qui la conjuguent au passé figé et ceux qui l’imaginent au futur dévastateur. Volpi et Venise, même destinée d’une flamboyance qui finira par déchoir. Le premier pour ne pas avoir eu le temps de se disculper, la seconde pour avoir été abandonnée aux mains d’un capitalisme effréné.

“Le Parlement des cigognes”, Valère Staraselski

Temps de lecture : 3 min CHRONIQUE
Le 27 mai 2018, Valère Staraselski s’est vu remettre le prix de la Licra 2018 pour ce petit bijou Le Parlement des cigognes, un récit court et puissant qui ravive par réaction un souffle vital jusqu’au tréfonds de l’âme. L’auteur connaît la valeur des mots simples qu’il appose comme un baume sur une plaie de l’Histoire, mais qu’il sait temporaire face à une cicatrisation utopique. On ne guérit pas de la Shoah, on se relève et on essaye de vivre pour transmettre… si on y parvient. “Le Parlement des cigognes” est le témoignage d’un vieil homme qui a échappé au camp de concentration de Plaszow, à Cracovie, en Pologne, mais pas au ghetto. Dans l’Europe de l’Est, la haine des Juifs a généré massacres en règle et persécutions pendant la guerre… et même peu après la victoire des Alliés sur les nazis.

Pin It on Pinterest