Critique de “Black Comedy”, une bonne farce à contre-courant (♥♥♥♥ )

Temps de lecture : 3 min THÉÂTRE & CO
Classique anglais farfelu et drolatique, créé en 1965 par Peter Shaffer (1926-2016), « Black Comedy » a traversé la Manche pour s’amarrer au port du Splendid à Paris, jusqu’au 4 juin. Cette farce est l’histoire d’un artiste sculpteur sans le sou qui emprunte du mobilier à son voisin antiquaire en son absence pour recevoir un collectionneur intéressé par ses œuvres. Tout se passe pour le mieux quand une coupure de courant généralisée contrecarre ses plans. Pire ! Son futur beau-père qu’il ne connaît pas encore fait irruption, puis la voisine acariâtre, puis l’antiquaire revenu plus tôt que prévu. Et la catastrophe n’en est qu’à ses prémices ! Adaptée par Camilla Barnes et Bertrand Degrémont, la version française brille d’une même énergie, à contre-courant, alternant entre le rationnel et l’irrationnel avec autant de constance qu’un tangage sur une mer démontée. Quelle attitude aurions-nous vis-à-vis de notre prochain dans l’obscurité totale pendant une soirée électrique ? Soudain désinhibés dans le noir, les personnages montrent, eux, peu à peu, leur vrai visage, les masques tombent, la vérité de chacun claque au grand jour. Sous la direction d’une précision de métronome de Grégory Borco, les sept comédiens qui brûlent les planches en feignant de n’y voir goutte provoquent de redoutables arcs électriques de rires.

“Saint-Exupéry, le mystère de l’aviateur”, un biopic théâtral de haut vol

Temps de lecture : 4 min THÉÂTRE & CO
Il suffit d’évoquer Saint-Exupéry pour que « le Petit Prince » surgisse de l’enfance. Qui ne connaît pas ce petit être délicat qui cherche à comprendre la vie ? Que vous ayez grandi avec son message d’humanité ou pas, le biopic théâtral « Saint-Exupéry, le mystère de l’aviateur » vous transportera littéralement dans sa vie d’homme engagé, lettré et aventurier, passionné par l’aviation et son pays. Créée au théâtre des Béliers à Avignon durant le festival Off, la nouvelle pièce d’Arthur Jugnot et Flavie Péan s’installe enfin au théâtre du Splendid jusqu’au 6 novembre. Quels que soient les qualificatifs élogieux employés, aucun ne peut donner l’exacte mesure des émotions suscitées par ce récit aussi beau que singulier qui relate la vie de ce héros ordinaire et le mystère qui entoure sa disparition en 1944 en mer Méditerranée. C’est comme cet effluve de madeleine – si chère à Proust – qui revient titiller nos tendres souvenirs, mais sous une forme inédite, plus complexe en sensations qui se combinent comme par magie. La magie est réelle, et on y croit. Nos cœurs d’enfant et d’adulte, unis dans l’instant, exultent de ravissement. L’écriture est taillée pour Saint-Exupéry, à la fois poétique et drôle. Les traits d’esprit succèdent aux émotions. La scénographie de Juliette Azzopardi et Jean-Benoît Thibaud est époustouflante d’imagination, créant un livre ouvert enchanté. Les six comédiens, dont certains campent plusieurs rôles, sont d’une justesse inouïe. Quant à la mise en scène d’Arthur Jugnot, elle est méticuleuse, dynamique, inventive. Si Saint-Exupéry est bel et bien revenu parmi nous, ce n’est pas l’œuvre d’un mystère, mais du talent !

« Espèces menacées », une mallette qui vaut son pesant de rire !

Temps de lecture : 4 min THÉÂTRE & CO
Que feriez-vous si vous trouviez une mallette remplie à ras de petites coupures ? Iriez-vous la rapporter au poste de police le plus proche ? M’enfin… C’est quand même 7,350 millions d’euros ! Une somme qui peut aiguiser tous les appétits ! Du reste, ça sent le blanchiment à plein nez. Yvon Lemoual (Laurent Ournac), lui, y voit la formidable occasion de tout quitter : son petit pavillon, sa petite vie de comptable et ses amis qu’il a invités à dîner. Mais rien ne se passe comme prévu. Au lieu de toucher à la liberté espérée, il s’enferme dans ses mensonges de plus en plus grossiers. « Espèces menacées » est une comédie burlesque du dramaturge britannique Ray Cooney créée en 1994 sous le titre original « Funny money ». Adaptée avec brio par Michel Blanc et Gérard Jugnot (d’autant que ce dernier l’a déjà joué en 1998 avec Martin Lamothe), la pièce est une succession de jeux de mots, de quiproquos et de revirements, avec des réparties incisives. De manière sous-jacente, la gaudriole déjantée questionne aussi la valeur des rapports humains quand l’appât du gain s’immisce dans les relations. L’ensemble abolit le temps mort, l’effervescence est à son comble, laissant jaillir de purs éclats de plaisir ! Dirigés par Arthur Jugnot, les huit comédiens tiennent leur rôle à bout de bras, sans jamais faillir, partageant bonne humeur, complicité et vitalité. Profitez-en ! Ouvert tout l’été, le théâtre de la Renaissance maintient à l’affiche jusqu’au 11 septembre 2021 cette comédie irrésistible et surprenante du début à la fin.

“Où est Jean-Louis ?”, du théâtre conceptuel tout terrain !

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Il fallait y penser… et surtout l’oser. Au théâtre de la Michodière, on dépoussière avec une jubilation non feinte les habitudes du théâtre où chacun reste à sa place. Où d’un côté des comédiens enthousiastes donnent le meilleur et où, de l’autre, un public peinard se tord de rire. Et au milieu le metteur en scène qui règle le tempo du moteur. Avec “Où est Jean-Louis ?”, l’auteure Gaëlle Gauthier crée le concept du spectacle hybride qui mise sur l’interaction avec des inconnus du public. Trois au total, un par acte. Homme ou femme, c’est égal. Ce Jean-Louis interchangeable a un large pardessus beige, un nœud papillon clownesque et une perruque gris métallisé, tel un signe de reconnaissance secret qui s’évente à chaque représentation. Les Jean-Louis se sont portés volontaires, le comédien Arnaud Gidoin les sélectionne avant chaque acte. Ce soir-là : deux hommes, une femme. Une équipe motivée d’outsiders qui ne s’en laisseront pas compter, donnant à cette pièce survoltée un grain de folie candide et malicieux.

“Moi, papa ?”, ou la magie de la paternité

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S’il n’y a pas d’école pour apprendre à être papa, le one-man-show d’Arthur Jugnot est un bel avant-goût humoristique sur cette étape de la vie de couple conjuguée à trois. « Moi, papa ? », au théâtre du Splendid, raconte la transformation d’un jeune adulte libre et bien dans ses baskets d’ado boboïfié en un père responsable et accro à son fils. Mais combien d’épreuves et d’actes d’amour faut-il pour y parvenir ? Arthur Jugnot porte l’enseigne du vécu, tous feux de détresse allumés, derrière chaque trait d’humour et mimique, qui n’est pas sans rappeler l’inspiration du père. À la fin du spectacle, il remercie son fils de quatre ans et demi qui lui a permis d’être un père et un artiste comblé. Pour son premier seul-en-scène, Arthur Jugnot est vraiment à l’aise. Il rayonne, éructe et s’attendrit avec autant d’intensité et de charme. Sa personnalité volcanique au grand cœur fait de ce show une réussite que magnifie l’ingéniosité de la mise en scène de Sébastien Azzopardi et de la scénographie de Juliette Azzopardi.

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