« Espèces menacées », une mallette qui vaut son pesant de rire !

Temps de lecture : 4 min

THÉÂTRE & CO 

Avis de PrestaPlume  ♥♥♥♥♥

Critique éclair

Que feriez-vous si vous trouviez une mallette remplie à ras de petites coupures ? Iriez-vous la rapporter au poste de police le plus proche ? M’enfin… C’est quand même 7,350 millions d’euros ! Une somme qui peut aiguiser tous les appétits ! Du reste, ça sent le blanchiment à plein nez. Yvon Lemoual (Laurent Ournac), lui, y voit la formidable occasion de tout quitter  : son petit pavillon, sa petite vie de comptable et ses amis qu’il a invités à dîner. Mais rien ne se passe comme prévu. Au lieu de toucher à la liberté espérée, il s’enferme dans ses mensonges de plus en plus grossiers. « Espèces menacées » est une comédie burlesque du dramaturge britannique Ray Cooney créée en 1994 sous le titre original « Funny money ». Adaptée avec brio par Michel Blanc et Gérard Jugnot (d’autant que ce dernier l’a déjà joué en 1998 avec Martin Lamothe), la pièce est une succession de jeux de mots, de quiproquos et de revirements, avec des réparties incisives. De manière sous-jacente, la gaudriole déjantée questionne aussi la valeur des rapports humains quand l’appât du gain s’immisce dans les relations. L’ensemble abolit le temps mort, l’effervescence est à son comble, laissant jaillir de purs éclats de plaisir ! Dirigés par Arthur Jugnot, les huit comédiens tiennent leur rôle à bout de bras, sans jamais faillir, partageant bonne humeur, complicité et vitalité. Profitez-en ! Ouvert tout l’été, le théâtre de la Renaissance maintient à l’affiche jusqu’au 11 septembre 2021 cette comédie irrésistible et surprenante du début à la fin.

Résumé

Ce soir-là, quand Yvon Lemoual rentre chez lui, il exulte. La chance lui sourit enfin. Par inadvertance, il a échangé sa mallette dans le RER. Fini le boulot, finie la vie étriquée ! Vive la belle vie, loin, très loin, au soleil… à Buenos Aires, en Argentine ! Mais sa femme Marie ne l’entend pas de cette oreille, elle refuse de tout quitter. D’autant qu’ils attendent à dîner leurs amis Jacques et Sylvie et qu’elle a un gigot à mettre au four. Son mari ne lui laisse pas de répit ni le choix. Par réaction, Marie descend la bouteille de Whisky, alors qu’elle ne boit jamais. Elle devient vite ingérable. Comme de fait exprès, un flic opportuniste, un peu ripou sur les bords, a suivi Yvon jusque chez lui et lui fait un odieux chantage. Un commissaire – procédurier à l’excès et un peu bonhomme – a la lourde charge d’apprendre à Marie que l’on a retrouvé son mari noyé au fond de la Marne, avec une balle dans la nuque. Peu après, le couple d’amis qui avait été invité à l’anniversaire d’Yvon tape l’incruste avant de s’impliquer à en perdre son latin. Les entrées intempestives du chauffeur de taxi n’arrangent pas les affaires d’Yvon, elles menacent de tout compromettre. Heureusement, le mafieux russe n’a pas son adresse… enfin, pas encore. Et, pendant ce temps-là, la mallette remplie d’oseille et celle du comptable rapporté par le commissaire Renard volent littéralement de main en main, s’intervertissent – toujours par inadvertance –, au grand dam de ceux qui se voyaient déjà sur le sable blanc.

Pour approfondir

Vous l’aurez compris, « Espèces menacées » est un micmac abracadabrant et irrésistible, auquel on croit avec bonheur. D’ailleurs, on ne se pose pas la question. On n’a pas le temps, on est emporté par l’avalanche de mensonges d’Yvon, qui s’englue peu à peu dans ses propres incohérences. Il entraîne dans son délire sa femme et ses amis qui ont du mal à faire face aux situations très inconfortables. Imaginez un échiquier sur lequel sont positionnées des figures qui changent leur déplacement comme de chemise ! Injouable ! Et pourtant, la direction d’Arthur Jugnot, forcément exigeante et minutieuse, permet ce tour de force incroyable et renversant.

L’excellent Laurent Ournac (« Camping Paradis ») campe un Yvon pugnace, qui ne lâche rien, jusqu’au bout de son imagination tellement il est enferré dans son rêve d’évasion. Pourtant veule et réputé « chiffe molle », Laurent Ournac le rend attendrissant. On espère même pour Yvon qu’il parviendra à le prendre ce maudit avion pour Buenos Aires. Et pas seul ! Gaëlle Gauthier joue une maîtresse de maison intraitable, ne se départant pas de son esprit cinglant malgré son taux d’alcoolémie grandissant. La comédienne est fabuleuse de drôlerie dans son obstination à rester. Elle laisse poindre à travers l’ivresse un aplomb désarmant, et surtout une certaine sagesse stoïcienne dans ce charivari enfiévré. Fidèle à son énergie légendaire, Arnaud Gidoin est un contrepoids solide et infatigable, dont les mimiques et les regards complices lui assurent une présence scénique indiscutable.

Thierry Heckendorn est imperturbable dans son rôle d’inspecteur Renard, débonnaire, compatissant, voire très arrangeant. Son excès de colère – somme toute légitime ! – est aussi soudain que détonant, tel un tremblement de terre, bref mais intense, qui renverse la comédie en drame. Paradoxalement, cette explosion fige le temps, apaise les tensions, tout en réamorçant les ressorts d’une comédie encore plus délirante. En femme de Jacques, Zoé Bruneau apparaît comme la meilleure amie de Marie qui ne cherche qu’à l’aider, ne craignant ni les flics ni les mafieux. Mais, elle fera montre d’opportunisme sidérant quand le moment sera venu. Un revirement de comportement que la comédienne joue avec une douce malice. Dans la même mouvance déjantée, Yannik Mazzilli (l’inspecteur véreux) et Sébastien Pierre (Hubert, le taxi survolté) apportent leur grain, pour l’un de froide austérité et pour l’autre de cordiale folie. Quant à Serge Da Silva, le mafieux rugissant, malgré une apparition furtive, il clôt, pour ne pas dire « cloue », le spectacle en apothéose.

Nathalie Gendreau
©TPA.FR



Distribution

Avec : Laurent OURNAC, Thierry HECKENDORN, Arnaud GIDOIN, Yannik MAZZILLI, Gaëlle GAUTHIER, Zoé BRUNEAU, Sébastien PIERRE et Serge Da SILVA

Créateurs
Auteur : Ray Cooney

Adaptation : Michel Blanc, Gérard Jugnot et Stuart Vaugham

Metteur en scène : Arthur JUGNOT
Assistante mise en scène : Louise Danel

Traduction : Stewart Vaughan

Décors : Charlie Mangel
Costumes : Emilie Sornique

Du mercredi et samedi (hormis le 24 juillet) à 20 h 30 et le samedi à 17 h jusqu’au 11 septembre 2021.

Au théâtre de la Renaissance, 20, Bld Saint-Martin, Paris Xe.

Durée : 1 h 30

2 réflexions au sujet de “« Espèces menacées », une mallette qui vaut son pesant de rire !”

  1. C’est l’été, il fait beau pour l’instant… Le meilleur moyen d’oublier cette France fracturée est d’aller au théâtre. Ça tombe bien, Nathalie Gendreau nous recommande une pièce, adaptée par Michel Blanc et Gérard Jugnot, accueillie par le théâtre de la Renaissance (un mot qui fait rêver à la veille de 2022).

    « Espèces Menacées » propose 8 comédiens de talents dont l’excellent Laurent Ournac qui fit les beaux jours de « Camping Paradis ». Du coup je me suis réécouté leur fameux « Fiesta Boum Boum ». Faites de même et vous irez danser.

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